Citations de Pierre Choderlos de Laclos (687)
Le scélérat a ses vertus, comme l'honnête homme a ses faiblesses.
Lettre 6
Le vicomte de Valmont à la marquise de Merteuil
J'aurai cette femme; je l'enlèverai au mari qui la profane; j'oserai la ravir au Dieu même qu'elle adore. Quel délice d'être tour à tour l'objet et le vainqueur de ses remords! Loin de moi l'idée de détruire les préjugés qui l'assiègent! ils ajouteront à mon bonheur et à ma gloire. Qu'elle croie à la vertu, mais qu'elle me la sacrifie; que ses fautes l'épouvantent sans pouvoir l'arrêter; et qu'agitée de mille terreurs, elle ne puisse les oublier, les vaincre que dans mes bras. Qu'alors, j'y consens, elle me dise: «Je t'adore»; elle seule, entre toutes les femmes, sera digne de prononcer ce mot. Je serai vraiment le Dieu qu'elle aura préféré.
Soyons de bonne foi; dans nos arrangements, aussi froids que faciles, ce que nous appelons bonheur est à peine un plaisir. Vous le dirai-je? Je croyais mon cœur flétri, et ne me trouvant plus que des sens, je me plaignais d'une vieillesse prématurée. Mme de Tourvel m'a rendu les charmantes illusions de la jeunesse. Auprès d'elle, je n'ai pas besoin de jouir pour être heureux. La seule chose qui m'effraie est le temps que va me prendre cette aventure; car je n'ose rien donner au hasard. J'ai beau me rappeler mes heureuses témérités, je ne puis me résoudre à les mettre en usage. Pour que je sois vraiment heureux, il faut qu'elle se donne; et ce n'est pas une petite affaire.
Je m’assurai que l’amour, qu’on nous vante comme la cause de nos plaisirs, n’en est au plus que le prétexte.
(...) l’expérience personnelle est souvent chère et toujours tardive ; il est donc utile de profiter de celle des autres. C’est dans les livres que celle-là se trouve.
Ces mots tracés au crayon s' effaceront peut-être, mais jamais les sentiments gravés dans mon cœur.
Ici, comme vous le jugez bien, les preuves manquent à l'histoire ; tout ce que peut faire l'Historien impartial, c'est de faire remarquer au Lecteur incrédule que la vanité et l'imagination exaltées peuvent enfanter des prodiges, et de plus, que la matinée qui devait suivre une si brillante nuit paraissait devoir dispenser de ménagement pour l'avenir.
Adieu, mon ange, je t'ai prise avec plaisir je te quitte sans regret : je te reviendrai peut-être. Ainsi va le monde. Ce n'est pas ma faute.
Les hommes ne peuvent juger les pensées que par les actions.
Adieu, Marquise ; je ne vous dis rien de mes sentiments pour vous. Tout ce que je puis faire en ce moment, c’est de ne pas scruter mon cœur.
(...) la honte que cause l'amour est comme sa douleur: on ne l'éprouve qu'une seule fois. On peut encore la feindre après; mais on ne la sent plus. Cependant le plaisir reste, et c'est bien quelque chose.
(...) ne sait-on pas que les jeunes gens n'ont jamais connu l'amitié que dans leurs chagrins? Le bonheur les rend quelques fois indiscrets, mais jamais confiants.
« On s’ennuie de tout, mon ange, c’est une loi de la nature ; ce n’est pas ma faute. »
Nos liens ont été dénoués, et non pas rompus ; notre prétendue rupture ne fut qu’une erreur de notre imagination : nos sentiments, nos intérêts, n’en sont pas moins restés unis. Semblable au voyageur qui revient détrompé, je reconnaîtrai comme lui, que j’avais laissé le bonheur pour courir après l’espérance ; et je dirai comme d’Harcourt :
Plus je vis d’étrangers, plus j’aimai ma patrie.
Ne combattez donc plus l’idée, ou plutôt le sentiment que vous ramène à moi, et après avoir essayé de tous les plaisirs dans nos courses différentes, jouissons du bonheur de sentir qu’aucun d’eux n’est comparable à celui que nous avions éprouvé, et que nous retrouverons plus délicieux encore !
On n'est heureux que par l'amour.
La haine est toujours plus clairvoyante et plus ingénieuse que l'amitié .
Adieu, mon ange, je t'ai prise avec plaisir, je te quitte sans regret : je reviendrai peut-être. Ainsi va le monde. Ce n'est pas ma faute.
Mon Dieu, que ces gens d'esprit sont bêtes !
Nous avons dit en commençant cet écrit, qu’au moral comme au physique la nourriture devait être choisie suivant les tempéraments ; et aussi que les aliments pris sans plaisir ne profitaient point. En suivant cette idée, nous ajouterons que ce n’est pas ce qu’on mange qui nourrit, mais seulement ce qu’on digère. Il ne suffit donc pas de lire beaucoup, ni même de lire avec méthode, il faut encore lire avec fruit ; de manière à retenir et à s’approprier en quelque sorte ce qu’on a lu. C’est l’ouvrage de la mémoire et du jugement. Le moyen le plus commode, le plus agréable et le plus facile de remplir ce double objet, serait d’avoir quelqu’un d’éclairé et d’adroit qui fît dans le même temps les mêmes lectures, avec qui on pût en causer chaque jour, et qui sût diriger l’opinion sans la dicter. À défaut de cette ressource, il est un moyen peut-être plus utile, mais aussi plus sévère : c’est de faire de chaque ouvrage, à mesure qu’on l’a lu un extrait dans le genre de ceux qu’on met dans les journaux, contenant un compte-rendu de l’ouvrage, suffisant pour en donner une idée, et un jugement motivé du même ouvrage.
Extrait "Des femmes et de leur éducation"
Il n’y a que deux moyens pour connaître : observer et méditer. Il est facile de juger combien nos connaissances seraient bornées si nous étions réduits à nos observations et à nos méditations personnelles, et à celles de ceux qui nous entourent. Tel est l’état des peuplades que nous nommons sauvages. Mais les livres nous font jouir des observations et des méditations des hommes de tous les temps et de tous les lieux.
On sentira que ce n’est pas assez qu’une idée soit bonne, mais qu’il faut encore qu’elle soit exprimée avec clarté, pour être facilement comprise, et avec charme, pour être généralement adoptée. C’est dans cet esprit qu’il faut commencer la lecture des ouvrages de belles-lettres.
extrait "Des femmes et de leur éducation"
Oui, Vicomte, vous aimiez beaucoup Madame de Tourvel, et même vous l'aimez encore ; vous l'aimez comme un fou : mais parce que je m'amusais à vous en faire honte, vous l'avez bravement sacrifiée. Vous en auriez sacrifié mille, plutôt que de souffrir une plaisanterie. Où nous conduit pourtant la vanité ! Le Sage a bien raison, quand il dit qu'elle est l'ennemie du bonheur.
(Lettre CXLV, La Marquise de Merteuil)