Pétain demande aux légionnaire de "gagner le cœur des populations", de se "faire aimer" d'elles. Or c'est le contraire qui se produit. La Légion qui, selon Du Moulin de Labarthète, "s'arrogeait le droit de représenter l'opinion" ne tarde pas à se couper d'elle, les gens n'appréciant guère ces censeurs pudibonds qui vont jusqu'à contrôler la longueur des jupes des femmes.
Et puis demeure, chez ces parias fou d'orgueil, l'absurde et souveraine fierté d'avoir tenu jusqu'au bout, d'être les ultimes combattants d'une cause, à laquelle il n'était même plus nécessaire de croire pour la défendre.
« La Famille ! Parlons-en, ironise le général de Gaulle à propos de Pétain. Il n’a jamais voulu d’enfants. C’est un vieux libertin. » Le Maréchal n’est en effet guère porté sur le mariage, et ce n’est qu’à soixante-quatre ans, après une vie dans laquelle les femmes ont beaucoup compté, qu’il se résout à convoler. Non sans d’ailleurs avoir confié à Du Moulin : « C’est encore bien tôt pour se marier. » « N’oubliez pas, écrit-il à un ancien ami de l’Ecole de guerre qui vient de prendre femme, que le point de départ de tous les malheurs qui fondent sur les hommes est le mariage. Une longue observation me permet d’affirmer que, s’il y a des mariages supportables, il n’en existe pas d’heureux. » Descendant d’un cran dans le cynisme, le Maréchal, alors âgé de quatre-vingt-dix ans, confie à son geôlier de l’île d’Yeu, avec la gaillarde grossièreté du militaire : « Le cul et la gueule, il n’y a que ça de vrai. » Or, c’est ce même homme qui déclare, dans son message aux mères françaises du 25 mai 1941 : « Le foyer c’est la maison où on se réunit, c’est le refuge où les affections se fortifient. C’est cette communauté spirituelle qui sauve l’homme de l’égoïsme et lui apprend à s’oublier pour se donner à ceux qui l’entourent. » Cette contradiction n’échappe pas à ses adversaires, qui en font leurs choux gras. « Lui qui a vécu jusqu’à quarante ans une vie de basse et crapuleuse débauche, il vous parle de la famille et il n’a pas d’enfants », s’indigne l’Insurgé d’août 1942.