Rengaine: rencontre allumée avec Rachid Djaïdani et sa bande .
Rengaine, le film de Rachid Djaïdani était diffusé au Ciné Club des Inrocks au centre George Pompidou. Pour l'occasion, le réalisateur et quatre de ses acteurs et amis se sont livrés face caméra, avec humour et poésie. Interview allumée.
Ce qui a le plus de valeur, ce sont les idées.
Une galère de plus comme tant d’autres jours dans ce quartier où les tours sont tellement hautes que le ciel semble avoir disparu
N'ayant jamais réussi à conclure mon péché de chair. je ne devrais pas avoir à craindre d'être léché par les flammes, de l'enfer. Dans les toilettes à l'abri des regards, isolé, enfermé à double tour. Mon père assis sur la cuvette se mettra à pleurer. Si ses sanglots avaient eu les propriétés du Formol, j'aurais pu être conservé dans leur bain et me la couler douce... Je ferai le topo à ma langue de vipère dans l'espoir qu'elle ne dérape, ne fourche en ma défaveur. Si elle venait à se mettre en conduite automatique, elle m'enverrait pour un millénaire au purgatoire... Dans ma chambre froide, l'idée de servir de charbon ardent au 666 me ferait presque un remue-ménage dans mes entrailles. Maman aurait sans doute aimé me conserver dans un iceberg loin de l'appétit féroce des vers qui apprécieront ma tendre viande.
Oh là! raconter mes bla-bla familiaux, ce n'est pas trop le sujet de l'histoire que je veux faire naître sur mon calepin. Si ma vie avait pu intéresser ne serait-ce qu'une personne, je l'aurai su depuis belle lurette. Le sujet, c'est mon quartier. Faut en profiter, en ce moment c'est à la mode, la banlieue, les jeunes délinquants, le rap et tout les faits divers qui font les gros titres des journaux.
Son interlocuteur est un homme de quarante ans, la voix nasillarde, il carbure au demi. Le monsieur porte une paire de lunettes de vue à double foyer type Boursinhac, sapé en Kasso One, proportionné comme un Ken Loach, les cheveux en bataille genre Cassavetes, un sourire de Fejtö et des doigts plus bagués que Tarantino. Réal sans paillettes ni sucettes, il porte sur son visage les traits de l'artiste pondu par la flamme de sa propre étincelle.
Je ne sais pas comment la belle au bois dormant faisait pour se retenir, j'avoue là-dessus elle a été hyper-forte : mille ans sans chier, c'est du boulot.
Ici les rats portent des combinaisons en Téflon. Les cafards font du smurf sur le dos des mollards. Les pits sniffent des rails de coke avant de chiquer des têtards. Le béton a de l'herpès soigné au Kärcher, les barbelés le sida, et la Déclaration universelle des droits de l'homme est une blague qui circule sous le manteau.
Moi aussi j’ai la haine, ma cité va craquer et ce n’est pas sur un air de raï que je ferai mon état des lieux.
Maman a pleuré pour lui toutes les larmes d’une mer, qui depuis s’est asséchée à la source de sa racine.
Moi, Yaz, les quatre coins du monde, je ne les ai vus qu'à travers les quatre angles de ma télévision.