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Citations de Rae Delbianco (51)


A propos de ce qui nous entoure : ce lieu prélève une taxe sur nos êtres. Lorsque tu l'utilises, il t'utilise en retour. Lentement, morceau par morceau.
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C’était Awan. Il s’avançait en titubant sous la formation rocheuse, le bras levé, un trou saignant dans la cuisse, son pistolet dans une main et la bouche ouverte s’apprêtant à crier quelque chose. De l’autre côté de l’arche un bras apparut et lui plongea une hache en travers du crâne. Il tomba à genoux puis s’effondra, visage contre terre, et son sang se répandit, translucide sur la lame d’acier.
La fille passa devant Smith et s’élança vers le vieil homme, elle se passa le fusil en bandoulière et bondit par-dessus un rocher avant de s’accroupir, elle lui souleva alors la tête et la posa sur son genou, et l’espace d’un court instant son geste sembla comme empreint d’affection, avant qu’elle appuie son coude contre la tempe d’Awan et arrache la hache de son crâne, saisissant au passage le pistolet dans sa main.
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p.194.
« Elle croit que l’immortalité se gagne en s’emparant de celle des autres, quand ils viennent jouer leur vie contre la sienne. Son immortalité elle l’a déjà gagnée... N’être ni traumatisée ni abusée à son âge, c’est être immortelle, surtout comparé à ce que subissent toutes les autres gamines à la peau brune qui naissent dans le genre de cabane abandonnée ou de coin de forêt d’où elle a dû émerger. »
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p.170.
« C’était de la légitime défense.
- La légitime défense, dans une situation vouée à devenir violente et dans laquelle on se trouve volontairement, n’est pas exactement de la légitime défense. »
Le vieil homme continua.
« C’est comme la chasse à l’ours, le grizzly se retourne contre toi et tu l’abats en clamant la légitime défense, alors que c’est toi qui es allé le chercher dans les bois.
- Je comprends. Alors j’ai tué. »
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Une des motos fit un écart pour prendre la fille par le coté et le motard sauta de son engin pour s’élancer à pied vers elle, hurlant en espagnol. L’homme avait sorti son arme mais ne tirait pas et sans rien lui répondre elle se retourna et lui fonça dessus, ils tombèrent enchevêtrés au sol. Ce fut elle qui se libéra en premier, roulant dans le sable et le plaquant au sol, lui écrasant les épaules de ses genoux. Le coup de l’homme se plia en se brisant et quelques secondes plus tard elle était à nouveau debout et courait, le fusil de l’homme à la main.
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- T’es toujours vivant ?
- Je respire. Et toi ?
- Je respire.
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Sors-moi de là vivante et t’auras ce que tu veux.
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Mais que signifiait vieillir sinon se décomposer, et si vous pouviez vaincre la terre alors vous pourriez vaincre votre fin à jamais. Etre renouvelé, laver le sang de votre visage, vivre de nouveaux printemps de bétail et de récoltes, encore, encore et encore et encore.
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Vous pourriez y courir et les arbres se pencheraient sur votre passage, pliés par les bras tendus des hommes enfermés à l'intérieur. Et peut-être arriveraient-ils à s'en libérer ou peut-être pas, mais vous auriez des crocs à leur montrer ou des sabots pour fuir, et la terre pousserait un soupir et retournerait à sa lente décomposition éternelle.
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Et si vous aviez grandi ainsi, dans la pénombre des bois, et sous le reflet tremblant des étoiles sur la sueur de votre visage, aux côtés d'un chien mâchonnant une lanière de cuir et d'un père mastiquant son tabac, à fair couler du sang pour vivre et respirer, et à abattre des arbres comme s'ils étaient faits du même bois que le bétail, alors peut-être pourriez-vous y courir, comme des coyotes ou bien des loups, avec derrière vous une ombre comme celle que lançaient ses jupons.
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Voilà ce qui n'était qu'à toi, dans un monde où les trilobites dormaient des millions d'années au coeur des montagnes avant d'être emportées dans la poche d'une enfant comme elle emportait les os des hommes, un monde où des générations de pères avant vous avaient perdu leur bataille contre la terre sur laquelle ils vous avaient élevés et dont ils vous avaient appris à vous nourrir, une terre où les arbres étaient rouges de viande à l'intérieur si vous saviez les choisir.
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Le soleil se leva, illuminant les champs de sable, et ils traversèrent la plaine dans son immensité infernale, des étendues blondes qui effaçaient toute image de son passé comme si elles venaient limiter les circonvolutions de son cerveau.
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Et il compris alors, comme elle avait compris avant lui, comme elle avait dû comprendre dès le jour où il avait refusé de lui dire, que briser le lien avec l'autre n'est pas un deuil mais une négation de tout ce que vous aviez cru jusque-là.
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-- Alors qu'est-ce que le destin? demanda-t-elle, sa voix comme amputée de son corps, errant dans le noir aveugle.
-- C'est une chose avec laquelle tu nais. Qui se passe de père en fils, comme une série de leviers, certains faits pour être tirés et d'autres pas. Tu ne peux pas le contrôler, seulement regarder en arrière et y voir expliqué tout ce que tu as fait, y compris ce qui t'a ruiné, parce qu'il n'a jamais pu en être autrement.
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Il n'y aurait pas d'étoiles cette nuit-là, le ciel se noircissait de nuages comme des cotons chargés de poudre. Puis l'obscurité alla jusqu'à effacer leurs ombres, pour ne plus laisser aucune trace de leur présence sur terre, même comme de simples objets vacillants sous la faible lumière de la nuit.
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La nuit fut agitée, entrecoupée de nombreux réveils, il remarqua au bout d'un moment qu'elle n'était plus allongée sur le sol, il regarda derrière lui et la vit, elle avait escaladé la paroi rocheuse et s'était assise sur une corniche dix mètres plus haut, les genoux contre la poitrine et ses yeux noirs et songeurs plongés dans la nuit où les étoiles s'arrachaient à leur torpeur pour voler à travers le ciel et s'écraser entre les mains suppliantes que tendaient les plateaux inertes du désert en dessous.
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Et comment faire quand c'est contre l'ordre des choses qu'on demande justice?
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La journée était chaude et le ciel s'écoulait des interstices entre les mesas, une rivière en fusion au-dessus de leur tête.
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Le destin ne peut être changé par un regard.
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Le destin n'est qu'un chiffre, un décompte du temps qui te reste.
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