Eleanor avait raison : elle n'était jamais jolie. Elle ressemblait à une oeuvre d'art. L'art n'avait rien à voir avec le beau, il existait pour faire ressentir les choses.
- Je crois que je n'arrive pas à respirer quand on n'est pas tous les deux. En d'autres termes, quand je te vois le lundi matin, ça fait environ soixante heures que je retiens mon souffle. Ça explique peut-être que je sois grognon et que je m'énerve contre toi. Tout ce que je fais quand on est loin, c'est penser à toi, et tout ce que je fais quand on est ensemble, c'est paniquer. Parce que chaque seconde semble si importante. Et parce que je suis vraiment incontrôlable, je ne peux pas m'en empêcher. Je ne m'appartiens même plus, je suis à toi, et qu'est-ce qui se passera si un jour tu décides que tu ne veux plus de moi ? Comment est-ce que tu pourrais me vouloir autant que je te veux ?
Il était silencieux. Il aurait voulu que tout ce qu'elle venait de lui dire soit la dernière chose qu'il entende. il voulait s'endormir avec ce "Je te veux" à son oreille.
- Ma mère dit que personne ne sait vraiment d'où tu viens et que tu es peut-être dangereux.
- Et pourquoi tu ne l'as pas écoutée?
- Justement parce que personne ne sait d'où tu viens, et que tu es peut-être dangereux!
- Tu as l'instinct de survie le plus catastrophique du monde.
Pendant un instant — même pas un instant, juste un quart de seconde — je l'imagine me lançant : « En réalité, je suis terriblement attiré par toi. » Puis je me vois en train de lui cracher à la figure. Et ensuite, je lèche sa joue et je l'embrasse. (Parce que je suis légèrement dérangé.)
Je me suis laissé glisser. Pour ne pas devenir fou. Pour réussir à tenir le coup. Et au moment où je sentais que j’allais trop loin, je me raccrochais à la seule chose dont je suis toujours certain…
Les yeux bleus.
Les boucles cuivrées.
Le fait que Simon Snow est le magicien le plus puissant au monde. Que personne ne peut lui faire de mal. Même pas moi.
Que Simon Snow est vivant.
Et que je l’aime d’un amour désespéré.
Et quand Eleanor souriait, quelque chose se brisait à l'intérieur de lui. A chaque fois.
- Eleanor... Pourquoi ne pourrait-t-on pas se revoir ?
- Punaise, ne recommence pas. J'avais presque arrêté de pleurer.
- Dis-moi. Parle-moi.
- Parce que. Parce que mon beau-père me tuerait.
- Et qu'est-ce que ça peut lui faire ?
- Rien, il veut me tuer, c'est tout.
- Pourquoi ?
- Arrête de me demander ça, a-t-elle rétorqué sur le ton de la colère, incapable de retenir ses larmes désormais. Tu demandes toujours ça : "Pourquoi". Comme s'il y avait une réponse pour tout. Tout le monde n'a pas la même vie que toi ou ta famille, tu sais. Dans ta vie, les choses se produisent pour une bonne raison. Les gens sont raisonnables. Mais ce n'est pas ma vie. Personne dans ma vie n'est raisonnable.
- Je voulais dire que tu n'as pas l'air différent de d'habitude, a chuchoté Park, juste au cas où sa mère était de l'autre côté de la porte. Et tu es toujours jolie.
- Je ne suis pas jolie, a énoncé Eleanor comme s'il était demeuré.
- J'aime bien ta dégaine, a dit Park, plus sur le ton de la discorde que du compliment;
- ça ne veut pas dire que c'est joli.
Elle chuchotait, elle aussi.
- Très bien, tu as l'air d'un clodo.
- Un clodo ?
Une étincelle s'est allumée dans son regard.
- Ouais, un clodo bohème. On dirait que tu viens juste d'entrer au casting de Godspell.
- Je ne sais même pas ce que c'est.
- Une émission horrible.
Elle s'est approchée de lui :
- J'ai une dégaine de clodo ?
- Pire. D'un clown de clodo.
- Et ça te plaît ?
- J'adore.
Il a à peine dit ça qu'un grand sourire a illuminé son visage. Et quand Eleanor souriait, quelque chose se brisait à l'intérieur de lui.
A chaque fois.
Parfois elle avait le sentiment qu'elle ne pourrait jamais rien offrir à Park qui arrive à la cheville de ce qu'il lui avait donné. C'était comme s'il lui balançait des trésors sur les genoux chaque matin sans même le savoir, sans aucune idée de la valeur qu'ils avaient.
Elle ne pourrait pas le rembourser. Elle n'arrivait même pas à le remercier correctement. Comment peut-on correctement remercier quelqu'un pour les Cure ? Ou les X-Men ? Parfait, elle avait le sentiment qu'elle aurait toujours une dette envers lui.
Et là, elle s'est souvenue que Park ne connaissait pas les Beatles.
Baz est en train de faire rouler un tableau noir devant nos lits.
- D'où ça vient ? dis-je.
- D'une salle de classe. [...]
- Pourquoi ?
- Parce qu'on doit résoudre un mystère, Snow. J'aime mettre mes idées au clair.
- C'est comme ça que tu fais quand tu complotes contre moi ?
- Oui. Avec des craies de toutes les couleurs. Arrête de te plaindre.