Lecture sur oreiller 1: "Ma voix basse" Régine Vandamme
Claude Enuset
Les mains sont les vestales du coeur. Elles renferment l'essence même de l'amour maternel. Elles contiennent des trésors de grâce. Elles caressent, consolent, font signe au revoir, effacent les bobos, essuient les larmes, effleurent les rêves, effeuillent les marguerites et même les pissenlits sans tige cueillis à la hâte par des menottes pressées d'offrir. Elles parlent, elles invitent à s'approcher, elles portent des messages, elles écrivent, elles voient dans le noir, chassent les cauchemars. Elles sont écrin à secrets éphémères, elles sont lutrin, porte-voix, réservoir à baisers volants, elles sont lunettes d'approche, elles sont oreilles géantes, elles sont une rampe de lancement pour missiles antipyrétiques...("Ma mère à boire", édition Castor Astral, 2006; p.15-16)
Les autres jours, elle laisse le petit écran faire son office: meubler le silence et peupler sa solitude. Tous les jours, elle allume la télé vers 19 heures comme elle irait ouvrir à celui qui partagerait sa vie et qui rentrerait du boulot. (p.54 / Coll. Millésimes-Castor Astral, 2006)

Ce qui interroge , dans ma -Ma mère à boire", ce qui trouble tellement, c'est l'acharnement de la fille à faire de cette femme une mère, en dépit de sa répulsion, en dépit de sa colère, ou grâce à elles. C'est qu'elle en a besoin pour vivre, elle, pour tenir son rôle de fille, et s'inscrire à son tour dans les générations. (...)L'étonnement, c'est qu'elle gagne. Elle gagne sur la mort, à laquelle elle arrache une rémission. Mais surtout, elle parvient à remettre sa mère à sa place. A cette juste place où elle la veut. Elle aménage un espace où faire la paix avec le temps. ( Castor astral, réedition de 2006, et non le texte de 2001- p.7- Préface de Marie Desplechin)
[N.B: sur remarque et question justifiées de Symphonie... j'ai ajouté mon édition de 2006, qui contrairement à celle de 2001, est enrichie d'une préface de Marie Desplechin. Le souci c'est que j'ai tenté de modifier en ajoutant le nouvel ISBN... et comme cela m'est déjà arrivé, cela se confond avec l'édition différente, déjà existante dans la base... c'est un des nombreux soucis de référencement que j'ai rencontrés d'ailleurs... ce qui m'a fait croiser un certain nombre d'autres erreurs... ceci , je le retransmettrai à Bibalice....]
Ma mère, ses pieds sont immondes ! La répulsion et la honte me terrassent quand l'infirmière qui la prend en charge à son admission à l'hôpital lui ôte ce qui lui tient lieu de chaussures. Le spectacle et l'odeur de ses orteils fossilisés que de collantes et grasses strates de crasse macérée cuirassent, est déplacée dans la blancheur aseptisée de cette salle de soins.
J'ai les pieds de ma mère, qui a ceux de ma grand-mère. J'ai, moi aussi, jusqu'à avoir atteint l'âge d'acheter seule mes chaussures, porté du 39 alors que je chausse du 40. Mes orteils sont recroquevillés et bosselés à vie, mais ils ne me font plus souffrir de cette digne souffrance mise sur le compte de l'hérédité congénitale. Ces pieds-là, ils étaient la marque de fabrique des filles de la famille.
Vous pourrez consulter mon site www.lemotpassant.com à partir du 26 janvier 2013 pour une note ainsi qu'un résumé de notre débat en présence de l'auteure.
Merci
J’ai envie de dire que la nuit est un climat en soi.
Je ne sais pas si les écrivains se comportent comme des personnages de roman dans la vie de tous les jours.
Je cherche du doigt sur la carte de ma vie le chemin de l’insouciance.