Citations de Richard Morgan (202)
» Shorn est là pour gagner de l’argent. Lequel atterrit dans les poches de nos actionnaires, de nos investisseurs, puis dans les nôtres. Dans cet ordre. Nous ne sommes pas une putain d’ONG pleurnicharde du siècle dernier, pissant du fric dans un trou sans fond. Nous appartenons à un système de gestion globale qui marche. Il y a vingt ans, nous avons démantelé l’OPEP. À présent, le Moyen-Orient nous obéit. Il y a dix ans, nous avons démantelé la Chine et, depuis, l’Asie de l’Est nous obéit. Nous en sommes désormais aux micro-ajustements des marchés. Nous laissons ces idiots jouer leurs petites guerres, après quoi nous gérons les accords de paix et le montant des dettes. Et ça marche. Le rôle de la Gestion des conflits consiste à transformer la bêtise mondiale en bénéfices pour les investisseurs occidentaux. Point final.
— Je préfère vous avertir que ma compassion ne s’étend pas aux enfants gâtés de l’Occident et à leurs coûteux problèmes de drogue. J’observe la situation par la lorgnette que nous ont vendue vos apôtres du libre-échange, et j’y vois la possibilité d’un commerce profitable. Donc… (Barranco leva la main d’une drôle de façon, à mi-chemin entre coup de karaté et velléité de poignée de main.) Vendez-nous vos armes et nous vous vendrons notre cocaïne. Rien ne changera à cet égard lorsque les Brigades révolutionnaires auront pris le pouvoir en Colombie, car je me refuse à priver mon peuple de cette richesse. Si vos gouvernements s’inquiètent des conditions de circulation de ce produit, qu’ils achètent de la poudre disponible sur le marché libre, comme tout le monde. Après, libre à eux de la brûler ou de se la foutre dans le nez.
Le gamin chialait de plus en plus fort.
— C’est lui qui dirige le quartier. Si je le balance, il va…
— Quel quartier ?
— Mandela. Sur les hauteurs.
Le Southside. On progressait.
— OK. À présent, tu vas me dire…
— ÉLOIGNEZ-VOUS DU VÉHICULE. (La grosse voix métallique tombait droit du ciel.) VOS AUTORISATIONS NE COUVRENT PAS CE TRONÇON. ÉLOIGNEZ-VOUS.
L’hélicoptère du contrôle du trafic survola le talus où se trouvait la Saab pour venir se placer dix mètres au-dessus du terre-plein central. Chris poussa un soupir, puis leva les mains en montrant qu’il tenait bien le Nemex par le canon.
— ÉLOIGNEZ-VOUS ET POSEZ VOTRE ARME À TERRE.
Le gamin était troublé ; il hésitait à se sentir tiré d’affaire. Même s’il ne pouvait pas bouger assez pour essuyer ses larmes, une sorte de confiance vicieuse renaissait au fond de son regard.
Qui prétend qu’un bon conducteur doit aussi être intelligent ?
— On se revoit plus tard, lui dit Chris sans savoir comment il atteindrait ce bel objectif.
Les chefs de gang avaient la sale habitude de se débarrasser de leurs sicarios lorsque ceux-ci devenaient encombrants. Or Chris ne comptait pas trop sur les flics publics pour protéger un voyou apparemment sans importance, même pendant sa détention.
Le temps s'arrête.
Le temps se figé.
Le temps te crache dans l'œil et sourit.
La roue s'arrête de tourner, les jeux sont faits, tu as perdu finalement.
- Qui je suis ?
Je suis l'antidote russe.
Tu disais que le crime, c'était prendre ce qu'on voulait sans accepter d'en payer le prix.
Mais tu te trompais, Matt.
C'est plus que ça.
En fait, le crime organisé, c'est exactement l'inverse : c'est donner aux gens ce qu'ils désirent au fond d'eux et le leur faire payer ensuite encore et encore.
Le problème pour ces criminels... plus ou moins... organisés, c'est qu'ils ont quelque chose que je veux vraiment.
Et tant que je l'aurai pas...
... C'est eux qui vont devoir payer.
Dans la vie, tout n'est pas blanc ou noir.
La mort, en revanche, c'est beaucoup moins complexe.
C'est pour ça que les hommes l'aiment tant.
- L'ère des dinosaures n'est pas révolue.
On paierait un abonnement à Netflix à la terre entière avec ce que vous avez détruit récemment.
Les humains modernes sont des adolescents châtrés et infantilisés. pas étonnant qu'ils fassent ce qu'on leur dit.
Le promoteur tente de se lever, deux hommes le maintiennent sur son siège, incliné vers l'arrière. Un bras se libère et se tend vers moi.
- C'est lui…
Le type à côté de la porte se tourne…
Je l'abats, rafale de trois, main gauche…
Le sang mouchette l'air - je me tords pour l'éviter, hyper-fluidité du neurachem.
Le chef du groupe - reconnaissable à je ne sais quoi. Plus grand, plus imposant. Autre chose. Il crie.
- Putain, qu'est-ce…
Tirs au corps. Poitrine, bras, pour détruire la main qui tient l'arme.
Le Kalachnikov dans ma main droite crache des flammes et les cartouches antipersonnel légères.
Plus que deux, qui essaient de se libérer du promoteur à moitié à terre et qui bat des bras. Essaient de libérer leurs armes qui…
Les deux mains ensemble - tête, corps, n'importe où.
Les Kalachs aboient comme des chiens excités.
Les corps tressautent, tombent…
Fini.
Les craquements d’un mauvais haut-parleur nous ont agressés quand nous avons descendu les marches. J’ai jeté un œil sur la zone d’envol. Une foule était rassemblée autour d’un homme vêtu de noir perché sur une caisse. Des panneaux holographiques flottaient de façon spasmodique au-dessus de la tête des spectateurs.
« NON À LA RÉSOLUTION 653 ! ! » « SEUL DIEU PEUT RESSUSCITER ! ! » « T.H.D. = MORT. »
Des acclamations se déversaient de la sono.
— Qu’est-ce que c’est ?
— Des catholiques, a répondu Ortega. Une vieille secte religieuse.
— Ah ouais ? J’en ai jamais entendu parler.
— C’est normal. Ils ne croient pas que l’on puisse digitaliser un être humain sans qu’il perde son âme.
— Leur foi n’est pas très répandue, alors.
— Seulement sur Terre, dit-elle avec tristesse.
Elle le lut dans le regard qu’il lui renvoya en s’asseyant sur la chaise, et cela se répandit dans le silence puissant qu’il apporta dans la pièce.
Il n’y avait rien, ici, à quoi il ait besoin de s’intéresser autrement que de manière superficielle. Il se demanda ce qu’il devait prendre la peine de dire à Ertekin, quelle coopération il devait faire semblant d’accepter pour calmer les instincts de flic qu’elle conservait.
Des drapeaux de corpos battaient sur des hampes tous les trois ou quatre préfabs, un G et un H mêlés dans un cercle d’étoiles. Par les fenêtres sans vitres du terminal, Carl aperçut des silhouettes en salopette ornée du même logo, devant et derrière.
Putains de villes corpo !
Les soldats se déversèrent du transport, traînant paquetage et arme derrière eux. Carl descendit en dernier et regarda autour de lui, caché par leur masse.
Il savait que Gray se trouvait sur l’Altiplano. Parce que la piste l’y avait conduit depuis Bogota. Parce que où, sinon, pourrait fuir une variante treize ? Il le savait, et savait que c’était une question de temps avant que sa piste apparaisse et qu’on l’appelle. Mais il savait aussi que les programmes d’induction s’accéléraient pour satisfaire la demande accrue, et que le temps jouait pour l’autre. S’il n’avait pas bientôt un coup de chance, Gray serait parti, et Carl pourrait oublier sa prime.
« Par-dessus tout, les pénibles leçons de ce siècle nous ont enseigné la nécessité d’une supervision constante et d’une contrainte efficace. Les systèmes de police ainsi requis doivent opérer à des niveaux irréprochables d’intégrité et de soutien. »
Rapport Jacobsen
août 209
Elle crie à cause de ses souvenirs.
Le souvenir de ce voyage en couchette le long d’un couloir calme, le choc mou et le virage vers la salle d’op, puis, voilé par la brume de drogue, le gémissement montant de la scie, le changement de ton net quand elle trouve une prise, et le bouillonnement ténu du laser de cautérisation qui suit. Le souvenir de la dernière fois et la compréhension écœurante, déprimante, que tout cela va recommencer.
— Non, souffle-t-elle de sa gorge serrée. Pitié.
Une main aux doigts longs lui appuie sur le front. Le visage du linceul de Turin se penche sur elle.
— Chhhhut… Seul le cormoran sait pourquoi.
Derrière le visage, elle voit un mouvement. Sait de mémoire de quoi il s’agit. Les mouvements discrets de l’autochirurgien arachnéen qui s’éveille et se déplie.
Acier étincelant…
Mais la panique, l’angoisse de l’inévitable, ne la lâche pas. Elle la sent, insistante et tenace, comme un chien qui touche encore et encore un membre anesthésié, sans comprendre.