Interview Anne-Cathrine Riebnitzsky - 2015.
Elle ressent toujours une douleur écrasante dans la poitrine. Elle est allée voir le docteur. Mais sa santé est bonne. C'est le chagrin. Rien d'autre. Il aurait dû être là. Ils auraient dû savourer le printemps ensemble. (.....) Tout est comme avant. Seulement diminué de moitié. (p. 25)
Il lui parle du chien, un bâtard des rues qu'il a adopté. Elle écoute ses paroles et se dit qu'il se décrit tout autant lui-même. (...)
Alors l'amour a finalement trouvé un chemin. D'abord l'espoir. Puis l'amour. (p. 55)
Elle est prise d'un léger vertige (...)
Mais que c'est beau. Les arbres forment un océan lumineux autour d'elle. Les oiseaux forment un océan lumineux autour d'elle. les oiseaux ont commencé à chanter. Leur enthousiasme la fait sourire. C'est comme si tous les oiseaux de la forêt s'étaient rassemblés pour célébrer le soleil qui avait décidé de se lever un matin de plus. (p. 14)
Le soir où j'entends pour la première fois le deuxième concerto pour piano de Rachmaninov à la radio, j'ai le pressentiment que c'est de la musique pour Marie. Ce que je ne sais pas encore, c'est que de nos jours, seuls une poignée de pianistes est capable de jouer ce concerto.
Les meilleurs d'entre eux font vivre la Sibérie sous toutes ses formes à travers ce morceau. La Sibérie parsemée de fleurs de printemps, la Sibérie ravagée par la cruauté. La Sibérie gorgée d'âmes de déportés.
Je descends vers la mer. C'est le soir et les vagues sont calmes. Il n'y a aucune écume, seulement un faible clapotis régulier quand le vent du large pousse l'eau sur la terre.
L'horizon se mêle à la mer dans un épais trait violet. La mer est rose et bleu clair comme une truite arc-en-ciel. Les deux couleurs s'entremêlent alors que la surface de l'eau se transforme sans arrêt. Elle change de forme, roule et glisse, douce et ondulée. Le rose a des éclats dorés. C'est comme si les nuances se démultipliaient. Elles glissent sur l'eau comme de l'huile, avec des tons toujours plus nombreux. C'est si beau. Le ciel a une intense couleur mauve qui s'étire en une traînée orange. Plus haut, il prend des teintes vert clair, façon pistache. Puis l'ensemble devient bleu, bleu toujours plus foncé. Il n'y a pas encore d'étoiles.
C'est ici que j'ai grandi. Au milieu de toute cette beauté. Avec les plages de galets, les baies, les haies qui poussent comme les mailles d'un filet, encadrant les champs.
La lune s'élève lentement au-dessus du paysage, brandie comme une serpe jaunâtre.
« Encore une fois, maman », dis-je dans un souffle.
C'est une façon géniale de stocker les humains (...)
C'est tout simplement génial. Construisez un centre commercial, trouvez quelqu'un pour y vendre des vêtements aux femmes, du matériel de bricolage et de sport aux hommes, de jouets aux enfants, et ils sont capturés, occupés, prisonniers de leur propre petit rêve de consommation. (p. 34)