Un beau livre très agréable et savant sur les hommes et femmes de la Renaissance. Il s'agit de la traduction française d'un ouvrage anglo-saxon. Chaque personnalité a le droit à 3-4 pages et les illustrations sont comme il se doit issues du patrimoine de la Renaissance. Eglises de la Renaissance, oeuvres de Raphael ou Cranach illustrent donc les notices consacrées à des savants, des intellectuels (Bartolomé de Las Casas), artistes, écrivains (Montaigne, Rabelais...).
Le point fort du livre c'est vraiment une édition très soignée, un présentation récemment plaisante ((même le papier est agréable) qui donne envie de le feuilleter et de se plonger ainsi en plein 16ème siècle...Un livre facile à trouver et à des prix défiant toute concurrence et qui peut être par ailleurs très pratique dans le cadre de la préparation d'un cours sur la Renaissance...
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Esclavage. Dans nos sociétés, le terme évoque immédiatement la traite transatlantique, qui a envoyé tant d'individus d'Afrique noire vers les Amériques.
Il a pourtant existé une traite d'esclaves blancs, capturés par des pirates barbaresques (provenant du Maghreb) sur les mers et dans les terres italiennes, espagnoles, françaises, parfois même jusqu'en Irlande ou en Islande, pour être amené sur les marchés aux esclaves. Avec un pouvoir central faible, les pachas locaux laissaient faire, pourvu qu'on n'oublie pas de leur verser une part des bénéfices.
L'intérêt de ces captures était double : pour les esclaves issus des classes sociales les plus pauvres, s'approprier de la main-d'oeuvre peu coûteuse pour les galères ou les travaux lourds ; mais également par les possibilités de rachat qu'offraient les artisans, les religieux ou les nobles. La porte était toujours ouverte aux familles pour faire sortir de sa condition un être cher (au sens figuré comme au sens propre). Certains pirates revenaient d'ailleurs dans les villages pillés dès le lendemain pour proposer un rachat au rabais aux habitants restants (un « tiens » vaut mieux que deux « tu l'auras. »).
Évidemment, l'aspect religieux avait aussi son rôle. D'une part, après la Reconquista, capturer des esclaves chrétiens avait des allures de vengeance pour les pirates du monde islamique ; d'autre part, la famille restée au pays avait très peur de voir le captif embrasser l'islam, peur sur laquelle jouaient d'ailleurs les maîtres pour faire montrer les enchères. Cette crainte était d'autant plus réaliste qu'adopter la foi musulmane pouvait adoucir les conditions de vie de l'esclave, voire lui offrir une position sociale convenable dans sa nouvelle nation. de véritables campagnes caritatives à grande échelle se mettaient alors en place pour arracher les esclaves aux périls moraux qui menaçaient leurs âmes et montrer que la Chrétienté n'abandonnait pas ses enfants.
Plusieurs actions militaires de la part des pays européens, puis la colonisation, auront mis fin d'abord à cette pratique, ensuite à son souvenir même. Un certain sentiment de supériorité viendra gommer le fait que pendant quelques siècles, c'étaient les habitants des côtes européennes qui ont tremblé. L'auteur affirme même que l'époque a marqué durablement les imaginaires de certains pays, rendant la mer dangereuse dans l'esprit de ses habitants.
Le livre était très instructif, et ses sources semblent faire consensus. Un point désagréable est que l'auteur insiste lourdement sur le fait que les études précédentes sous-évaluaient systématiquement l'ampleur du phénomène, et que parmi les descriptions des sévices que pouvaient subir les esclaves, il fallait toujours retenir le pire. Plutôt que de me convaincre, ça m'a plutôt amené à avoir des doutes sur ses intentions réelles. L'emploi de termes comme « barbaresque » ou « renégats », qui sont connotés très négativement, aussi, même si ça a l'air d'être les termes « scientifiques » corrects. L'auteur a l'air reconnu dans son domaine, même si ses estimations semblent une borne supérieure. Il avance le chiffre de 1.25 millions d'esclaves capturés en Barbarie (pour comparaison, la traite transatlantique en aurait compté 12 millions), ce qui semble considérable et rend étonnante son absence dans notre imaginaire collectif.
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Un ouvrage historique de style universitaire, c'est-à-dire avec beaucoup de références et citations documentaires. La lecture en est aisée malgré parfois un sentiment de répétition. Le fond en est évidemment grave et saisissant, au vu de l'ampleur d'un phénomène particulièrement inhumain et de sa durée.
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Fort bien documenté, cet ouvrage nous rappelle que l'esclavagisme est peut-être "la chose la mieux partagée"
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Esclaves chrétiens, Maîtres musulmans ou l’Esclavage blanc en méditerranée (1500-1800)/ Robert C. Davis/ Éditions Babel
Cet ouvrage extrêmement documenté est le fruit de dix années de travail de la part de l’auteur qui explique d’entrée que l’étude de cette forme d’esclavage a de tout temps été plutôt négligée, voire dédaignée, au profit de celle de l’esclavage noir transatlantique.
Cet esclavage blanc a débuté au terme de la Reconquista espagnole qui a en 1492 mis dehors du pays les derniers musulmans après sept siècles de pugnace résistance. Ce fut en quelque sorte une revanche des « Maures » chassés d’Espagne et qui dès lors construisirent des galères, attaquèrent les navires marchands européens, razzièrent les populations côtières et capturèrent les hommes et les femmes.
À cela il faut ajouter les attaques terrestres qui dévastèrent notamment la côte espagnole, les Baléares, la côte italienne, la Sardaigne et la Sicile à tel point que la population abandonna les côtes pour gagner l’intérieur et les montagnes. Ces raids terrestres se déroulèrent jusqu’aux portes de Rome en 1727 où sur 29 captifs, 21 étaient des femmes et des fillettes.
Cette forme d’esclavage avait un côté passionnel en plus d’être économique, la vengeance, alors que l’esclavage transatlantique eut une motivation essentiellement commerciale.
Les destinations des capturés allèrent de Salé (Rabat) à Tunis en passant par Tripoli, Fez, Constantinople, et Alger, le principal marché d’esclaves du Maghreb, où transitèrent jusqu’à 40 000 esclaves entre 1580 et 1680. Par la suite, l’esclavage corsaire s’effondra en raison de la présence d’une flotte armée impressionnante essentiellement britannique ; en 1830, on ne comptait plus que 122 esclaves à Alger.
Au total de 1530 à 1780, on peut estimer à trois millions le nombre des esclaves de diverses nations chrétiennes : Italie, Grèce, Espagne, France principalement. Ce qui représente à peu près le nombre d’esclaves transatlantiques déportés au XVIé et XVIIé siècle.
Les captifs étaient destinés à divers tâches : domestiques, galériens, ouvriers de carrières de pierres, mines de sel, coupe du bois, ouvriers agricoles. Ou bien ils étaient destinés à la revente ou l’échange contre une rançon. Cela dépendait des capacités physiques des sujets.
Il n’est pas douteux que les galériens furent ceux qui eurent le plus à souffrir, ramant du matin au soir et nuit et jour par équipes. Lors de la célèbre bataille de Lépante en 1571, sans doute la plus grande bataille navale de tous les temps, 80 000 rameurs des deux camps en plus des guerriers se firent front. Lépante, situé non loin du golfe de Patras en Grèce, marqua la fin de l’expansionnisme ottoman dominée par la flotte chrétienne réunissant les vénitiens, espagnols, génois, maltais et savoyards. Le désastre ottoman fut total et 30 000 combattants turcs perdirent la vie ce jour là (7 octobre).
Le rachat contre rançon effectué par les missionnaires et les prêtres fut un des effets pervers de la rédemption : « non seulement ils louaient par la suite les esclaves chrétiens pour les servir, mais également c’est de leur propre chef que les prêtres rédempteurs se rendaient au batistan et participaient aux enchères avec les marchands d’esclaves turcs et maures pour les captifs de fraîche date qu’ils souhaitaient racheter, en particulier les jeunes garçons et filles, car ils craignaient que leurs maîtres musulmans ne les séduisent sexuellement ou religieusement… Ces hommes et ces femmes passaient donc de la propriété d’un maître musulman à la tutelle des prêtres et de l’État. »
Une fois libérés, les asservis de retour au pays étaient conviés à des processions pour compenser le traumatisme et la profonde aliénation qu’ils avaient subis et réintégrer le tissu social.
Ce n’est qu’avec l’époque des conquêtes coloniales que l’esclavage des chrétiens en Barbarie prit fin.
Un essai, comme je le disais au début, très complet et très instructif sur un sujet peu connu. La lecture en est aisée toutefois avec quelques longueurs. Davis a traité le sujet non pas comme un exposé scientifique, mais comme une épopée..
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