Les femmes atteintes de troubles du spectre autistique constituent une subculture, elle même partie intégrante d'une subculture. Nos bizarreries, nos difficultés, nos habitudes, nos caractéristiques et nos points de vue sont similaires, à peu de choses près, à ceux des hommes, avec ce petit truc en plus qui nous est propre. Non pas que le syndrome d'Asperger se présente différemment chez les filles et les femmes, il est simplement perçu différemment, passant par conséquent la plupart du temps inaperçu.
Nous avons cette merveilleuse faculté de pouvoir penser aux choses en profondeur, continuellement et ce durant de longues périodes. Dans le cadre des passe-temps, cela s’appelle une passion. Au travail ou à l’école, il est plutôt question de concentration. Mais dans la vie personnelle, on parle d’obsession. Tous ces termes correspondent au même trait Aspie.

Pendant mes terribles moments de dépression, les vœux de mon mari "dans la santé comme dans la maladie" éclatent véritablement au grand jour. Alors que je suis allongée dans un état proche de la catatonie, il m'apporte de quoi manger et de quoi boire, tout en sachant que je n'avalerai rien. Il change mon pyjama et m'encourage à me doucher. Parfois, j'ouvre les yeux après de nombreuses heures de sommeil et il est là, couché près de moi, impatient que je me réveille. Il essuie mes larmes une à une tout en trouvant les mots réconfortants qui, même s'ils ne me débarrassent de ma dépression, contribuent je pense à mon équilibre mental car sans eux, je ne serai probablement pas là aujourd'hui. Il lui arrive de pleurer avec moi, comme s'il était capable de ressentir ma douleur mais je me rends compte que la raison est tout autre. C'est simplement que je lui manque, qu'être "nous" lui manque et ça me donne encore plus envie de pleurer. Jour après jour, nuit après nuit, il m'attend. C'est la plus belle manifestation de l'attention que l'on peut porter à autrui.
(témoignage de Brandi)
Des parents qui ne sont pas informés représentent la pire des tortures pour une Aspergirl. Mais dites-vous bien qu'ils ne comprennent pas à quel point vous êtes sensibles et combien votre situation est difficile. S'ils savaient, ils seraient plus à même de vous aider. Ils ne se rendent pas compte du mal qu'ils vous font.

Une dépression peut commencer par un sentiment embrumé de part et d'autre du cerveau en même temps qu'un raidissement au niveau du front. Je me sens abattue, un peu négative. Je ne respire pas profondément. (Parfois cependant, je me sens très bien, et même heureuse.) Puis le déclencheur entre en scène, un événement tel qu'une remarque ou un changement de programme. Il se peut que cela se produise à la fin d'une journée de surcharge sociale ou sensorielle. Il se peut encore qu'il s'agisse de quelque chose de plus évident comme une rupture ou le fait d'être la cible d'individus méprisants, d'un malentendu ou de ragots blessants. Quelle que soit la raison, j'ai le sentiment d'avoir été frappée par une batte de baseball. Je le ressens dans mon ventre et dans ma tête. Je suis soudain prise de vertiges, un peu comme si le monde s'était mis tout à coup à tourner sur un autre axe. C'est cette sensation de faiblesse juste avant l'évanouissement, ce sentiment que l'on ressent au moment ou l'on reçoit une mauvaise nouvelle. Il ne vous reste plus qu'à figer tout cela et à rester là pendant des heures, des jours même. Une fois que cela se produit, il nous est très difficile de ne pas toucher le fond. Nous sombrons vite et la chute est violente.
Que se passe-t-il lorsque nous sommes en situation de surcharge sensorielle ou émotionnelle ? Plusieurs choses à vrai dire. Parfois, nous avons la migraine ou des nausées. D'autres fois, nous sommes victimes d'un effondrement émotionnel.
La dépression résulte d'un sentiment d'impuissance à faire rentrer amour, argent, amis, bonne santé, compréhension et bien d'autres choses encore dans notre vie.
Les dépressions peuvent s'installer rapidement mais il faut un temps fou pour s'en remettre physiquement parlant. En fait, le processus de récupération est similaire à celui qui fait suite à un épisode de mutisme. La sensation de nausée, de raideur, de douleur, de froid et d'engourdissement se dissipe lentement et les membres, le cerveau et le souffle se remettent à fonctionner normalement.
Être victime de ce genre de dépression, c'est comme se retrouver en isolement dans un sous-sol sombre et humide plein de saletés et d'araignées. Ça ressemble à la mort, à l'endroit le plus isolé de la terre, au pire cauchemar qu'on ait jamais fait. Dans ces moments-là, j'en arrive à me demander si je suis possédée, folle ou maudite et si je connaîtrai à nouveau le bonheur.
Même si le fait d'avoir le syndrome d'Asperger entraîne souvent dépression, trouble de stress post-traumatique et autres symptômes, ces caractéristiques ne sont pas pour autant inévitables. Une vraie compréhension et acceptation de nos différences par nos amis, notre famille, nos professeurs et nos pairs contribuerait à diminuer considérablement ces problèmes.