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Critiques de Saint Augustin (60)
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Discours sur les Psaumes I : Du Psaume 1 au..

Oui, c'est un pavé, un gros. Rendez-vous compte, 150 psaumes (seulement 80 dans ce tome) explorés à la loupe. Nous pouvons nous dire en ayant cet ouvrage dans les mains que nous sommes devant un mur infranchissable. Et pourtant...

Et pourtant, le style de saint Augustin, maître en rhétorique, fait de ce mur une rivière dans laquelle il est aisé, et surtout agréable, de s'y couler.

Pour les chrétiens, c'est une belle manière de s'approprier ou de se réapproprier les psaumes. Pour ceux qui ne les connaissent pas, c'est l'occasion de découvrir toute la sagesse et la signification derrière ces chants et poèmes. Et pour ceux que la taille rebute encore, le découpage minutieux de l'évêque d'Hippone permet de choisir un passage précis et de s'y focaliser sans à avoir à lire tout ce qui précède.
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L'art de la compassion

Il est très difficile de noter ce livre pour moi, la critique sera plus aisée car je peux plus facilement m'appuyer sur une description du livre:

1) C'est un livre surtout religieux, à savoir avant de commencer votre lecture si c'est un frein pour vous. C'est un frein pour moi si je ne le sais pas. Ici, il est clairement indiqué sur la couverture 2 Saints sur 5 noms, on peut s'en douter. Ce qui m'amène au second point

2) Le choix des auteurs et des extraits... 4 auteurs religieux qui parlent de Dieu et paf au milieu Stendhal avec son petit con (ouais, la honte mais je m'en fous, zéro pitié pour Fabrice de la Chartreuse de Parme) qui n'a rien à voir avec le sujet ni le ton. Je me demande toujours ce qu'il fout là.

3) L'arrière de couverture: parler d'anthologie pour un mini livre de moins de 100 pages, de petite taille avec 5 auteurs dont un qui n'a rien à faire dedans; franchement je trouve ça prétentieux et assez déplacé.

4) Par contre les textes (en dehors de Stendhal) fournissaient quand même une très belle matière à réflexion, surtout au début où j'ai relevé des choses intéressantes qui m'ont bien fait me scruter de manière très critique.



Pour conclure: je l'ai eu à moins de 2€ au lieu de 10. Si vous êtes ok pour lire du religieux, ça vaut le coup à 2€: ça fait réfléchir sur la compassion, sur la miséricorde, le don à l'autre et c'est applicable en dehors des religieux. Le temps de lecture est très court et certaines phrases et concepts m'ont secouée comme j'en avais besoin (cf citations que je vais reporter).

Donc... pourquoi pas?
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L'aventure de l'esprit et autres confessions

Un aperçu de Saint Augustin. 100 pages, c’est bien court au regard de la multitude de ses écrits, mais cette sélection illustre bien le cheminement de l’auteur, de son enfance et jeunesse gaspillées, sous l’influence d’une société artificielle et d’un père sévèrement jugé, à son retour dans l’église, réconcilié avec Dieu et conscient des vraies valeurs. Ce petit folio sagesses n’a pas la prétention de remplacer une lecture plus complète, que je n’aurais de toutes façons pas eu le courage d’entreprendre, mais donne néanmoins un peu de corps à ce penseur marquant du christianisme dont le décalage du temps rend la lecture un peu fastidieuse.
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La Cité de Dieu - Seuil, tome 2 : Livres XI à X..

En dépit d'un baptême tardif, il n'en est pas moins devenu l'un des Pères fondateurs de la pensée chrétienne au point même que l'Eglise fera de lui un Saint.

Augustin, évêque d'Hippone, écrit son testament politico religieux dans un contexte dont les enjeux pour l'Eglise sont de tailles. En effet, l'Empire Romain, fraichement converti au christianisme est envahi et son déclin est en marche, dès lors l'inquiétude des chrétiens se traduit par la crainte d'être victime collatérale de cette dégénérescence.

Aussi, ce qui deviendra plus tard l'augustinisme politique voit le jour dans une pensée politique et éthique qui répond aux théories politiques des Anciens, et apporte deux nouveaux acteurs, l'homme au singulier, pris dans son individualité ainsi que son créateur, Dieu.

Dans le corpus porté à l'étude, Augustin propose une conception nouvelle de la cité, au travers d'une critique acerbe des Anciens, il dessine les fondements et la finalité de la cité idéale qui sont respectivement le citoyen chrétien et la foi en Dieu.



le principal souci d'Augustin, en ces temps de guerre, c'est la pacification des hommes. A l'instar des Anciens, il voit en la Cité le meilleur moyen d'atteindre la paix, la concorde des intérêts entre les hommes, seulement pour lui, la « vie heureuse » d'Aristote n'est pas la finalité de la cité, pas plus d'ailleurs que la République de Rome dont il réfute les fondements.

Augustin place sous la subordination de Dieu le qualificatif même de peuple, pour qu'il y ait un peuple, il faut une justice basée sur un droit fidèle à Dieu.

Fidèle à la doctrine chrétienne de Jésus qui déclarait ainsi « mon royaume n'est pas de ce monde », il distingue la cité terrestre de la cité céleste. Mais il ne s'agit pas de la cité idéale, puisqu'il serait orgueilleux de prétendre pouvoir l'atteindre sur cette terre. Il s'agit moins d'un modèle normatif que d'une instance divine qui ne sera accessible qu'après une vie entière dans la cité terrestre et dans l'obéissance aux lois politico religieuses.



L'auteur effectue un constat de l'échec de Rome, la République est responsable de son échec car ces lois sont le fruit de conventions entre les hommes, ainsi l'ordre est réglé en fonction de considérations subjectives, parfois iniques.

Les conceptions philosophiques des Anciens, dont Rome a partiellement héritée sont aussi l'objet d'une critique virulente. Ils ont cru pouvoir trouver le bonheur et la paix dans la maitrise du corps et de l'esprit, mais pour Augustin cela est blasphématoire, et surtout vain. Il en veut pour preuve tous les maux qui frappent les hommes mais encore que certains stoïciens, accablés par trop de souffrance, préfèrent mettre un terme à leur existence, ce qui démontre que la vie terrestre ne permet pas d'atteindre le bonheur. Autrement dit, il n'y a pas de salut sur cette terre.

Après ce constat amer, Augustin livre son acception du peuple, en fonction de l'amour qu'a ce dernier. Hors l'amour d'un peuple est pour l'auteur synonyme de foi.





Pour Augustin les hommes n'ont qu'un seul moyen de trouver la concorde raisonnable sur cette terre, c'est de vivre avec la foi, c'est-à-dire de vivre en se préparant au passage dans la Cité de Dieu où la paix et la quiétude ne sont plus temporaires, fugitives ou contingentes, mais absolues et éternelles.



Par cette promesse, le prédicateur veut mettre les hommes en ordre de marche pour espérer atteindre cette cité. Parce que les hommes sont les maillons de la Cité, et qu'à travers eux Dieu qui commande au corps et à l'âme et par la même à la raison, commande à la cité.

Aussi s'emploie-t-il à donner, non sans prosélytisme, des prescriptions aux individus.

La monarchie de droit divin et la figure du prince chrétien n'apparaissent pas encore, Augustin ne semble pas se prononcer en faveur d'un régime ou d'un autre, aucunes réserves constitutionnelles ou culturelles, ne conditionne la naissance d'une telle cité, ni même la barrière de la langue, des moeurs… seul compte l'adoption, par les hommes, d'un régime politique fondé sur le respect de Dieu et de lui seul, c'est-à-dire ne plus adorer les idoles.

Mais aussi pour les hommes, d'accepter leur condition bonne ou mauvaise, car Dieu est garant de l'ordre de toute chose et distribue à chacun ce qu'il mérite. Pour ceux qui ne respecteront pas ces prescriptions, les pécheurs, ils subiront le poids des remords.

Quant à la Cité qui se détournera des préceptes chrétiens, elle pourrait bien connaitre un sort similaire à celui de l'Empire, tel que l'a vu brûler Augustin.

(#2014)
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La Cité de Dieu - Seuil, tome 2 : Livres XI à X..

A-t-on encore des concepts nouveaux à penser ? Est-ce que tout n’a pas déjà été dit, anticipé, intériorisé ? Je me suis posé ces questions en lisant La cité de Dieu. Je trouvais en germe tellement de concepts philosophiques et juridiques postérieurs. C’est proprement hallucinant de voir tant de modernité et de clairvoyance dans un livre du Vème siècle ! Certes, il faut remettre le discours dans son contexte et dans la perspective d’un auteur catholique. Je trouve néanmoins que c’est un creuset d’intelligence que je regrette d’avoir lu si tard. Je pense que c’est le genre de bouquin qu’il faudrait lire plus tôt, même au lycée. Comment comprendre le monde actuel sans savoir d’où il vient, comment les idées ont évolué petit à petit pour devenir ce qu’elles sont aujourd’hui ? Revenir à la source, si clairement formulée, est une nécessité. Je pense à cela notamment sur la laïcité: nous devons beaucoup à St Augustin pour la laïcité: c’est lui qui théorise en termes juridiques les implications de l’apophtegme du Christ : « rendez à César ce qui est à César, à Dieu ce qui est Dieu ». St Augustin, en distinguant la loi divine de la loi de la cité, laisse une place à l’autonomie politique de la cité, car il s’agit précisément d’inscrire la religion catholique en dehors de tout système politique à une époque où l’empire romain - qui a fait la religion catholique sa religion d’état - s’effondre. Certes, il faudra attendre Hugo Grotius pour que les droits naturels de l’homme soient autonomes par rapport à la loi divine. Mais tout de même, Grotius peut le faire, car la voie a été ouverte avant lui ... (plus sur Instagram)
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La Création du monde et le Temps - Le Ciel et..

Un discours philosophique et parfois scientifique qui interroge, dans le désir d'ouvrir l'autre à la pensée multiple, loin d'enfermer dans le dogme par celui qui a été considérer comme un des pères de l'église, sur la notion du temps et comment appréhender la création.
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La Création du monde et le Temps - Le Ciel et..

Que l'on soit croyant ou non, le déroulement, le creusement, de la pensée d'Augustin affronté à la notion de temps et de la matière est un régal. Et le style d'Arnauld d'Andilly y contribue fortement.
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La Création du monde et le Temps - Le Ciel et..

Saint Augustin, fut un homme très cultivé et un grand visionnaire, qui a laissé une œuvre importante derrière lui.

Sa grande réflexion avant-gardiste « La création du monde et le Temps » est fascinante.



Le saint homme s’interroge, sous la forme d’un dialogue avec Dieu, sur la création du monde, sur le temps et sur l’interprétation des Saintes écritures.

Il se pose des questions sur ce qu’était le néant, sur ce que faisait Dieu avant qu’il eût créé le ciel et la terre et quel était cette forme informe et ténébreuse, avant le commencement de la Création.



Le théologien reconnait que Dieu est le Créateur unique de toutes choses, de toutes créatures et du temps aussi. Et l’Homme ne pourra donc jamais savoir ce qu’il eut avant sa propre création. Car tout son savoir lui vient de Dieu…



De même, Saint Augustin s’interroge sur le Temps ; celui du Temps passé, le Temps présent et le Temps futur. Et comment peut-on le mesurer si c’est mesurer le Temps présent et comment affirmer que ce Temps présent dure longtemps ou peu de temps.

Car dans la logique du théologien, il est impossible de faire une mesure sur le Temps passé, car il n’existe plus, que dans le souvenir, de même qu’il est impossible aussi de mesurer le Temps futur celui-ci n’ayant pas encore existé.



« La création du monde et le Temps » est une longue et passionnante réflexion théologique et métaphysique, parfois difficile à suivre.





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La Création du monde et le Temps - Le Ciel et..

Dans ces extraits des Confessions, Saint Augustin nous signe ici une oeuvre visionnaire pour l'époque avec des tendances théologiques et métaphysiques. J'ai beaucoup apprécié toute cette théorie sur le temps et le fait que tout se rattachait pour lui au présent, tout en distinguant tout de même l’existence de trois temps passé, présent et futur.



Pour ce qui est de la partie théologique et métaphysique, cela concernait davantage la création du monde se référant également à la bible. En effet, Saint augustin avait de nombreuses références sur la création du monde en sept jours sans pour autant la remettre en cause. Par contre, il s'interrogeait sur certains points, sur ce qui n'était pas mentionné. Voici mes interrogations que j'ai retenu pendant ma lecture. De quoi donc a été formé la terre et le ciel? D'une forme informe et ténébreuse? Mais cette forme informe et ténébreuse est déjà quelque chose, qu'est-elle dans ce cas? J'emploie "métaphysique" puisque l'auteur a parlé de la matière à plusieurs reprises. J'ai aussi noté que l'auteur faisait une distinction entre le ciel et la terre dans la création, en affirmant que le ciel était supérieur à terre. Est-ce une comparaison du paradis pour le ciel et de l'enfer pour la terre comme dans de nombreux mythes?



J'ai beaucoup apprécié ces extraits qui étaient pourtant un peu difficile à lire. La vision de Saint Augustin sur la matière dans la création du monde est déjà de l'ordre du métaphysique et la partie sur le temps était vraiment passionnante. Saint Augustin présente, bien avant le Moyen-Âge, une vision novatrice sur le temps, la création et les écritures saintes.
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La Création du monde et le Temps - Le Ciel et..

bien
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Les Aveux

La traduction de Frédéric Boyer rend ce classique presque accessible. Cette première lecture m'a surpris dans la mesure où les premiers livres sont un témoignage qui semble venir du fond du cœur. Saint-Augustin y raconte sa conversion au christianisme, religion de sa mère, à laquelle il consacre des pages touchantes. Il y expose les forces intérieures qui ont menée sa vie et celles des personnes de son entourage jusqu'à sa conversion. Les derniers livres sont beaucoup plus théoriques et difficiles à suivre dans le cheminement de la pensée. Les réflexions qui y sont menées sont étonnamment toujours d'actualité. Celle sur le temps par exemple (livre XI), sur la Genèse (livre XII), avec une approche à la fois matérielle (on y retrouve des thèmes de la physique moderne) et symbolique (comment décoder les textes bibliques pour trouver notre place dans le monde).



Je conseille la lecture de ce livre à ceux qui portent un intérêt à l'histoire des religions, qui ont envie d'une lecture philosophique, ou, croyants, qui veulent avoir un aperçu de la perception du monde et de la trinité que pouvait avoir Saint-Augustin.



Une première lecture peut donner envie de se replonger dans telle ou telle partie, à des fins d'études et de compréhension plus profonde cette fois.
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Les Aveux

Il fallut 5 ans à Frédéric Boyer pour délivrer une nouvelle traduction des confessions d'Augustin. Ces 13 livres ont paru sous leur nouveau titre : Les Aveux.



Augustin est un africain du IV ème siècle qui, converti adulte, devint évêque d'Hippone.



Chacun des 13 livres qui composent ces aveux retrace la vie de cet homme à différentes étapes de sa vie : sa jeunesse, son poste de rhéteur, ses étudiants, ses liaisons, son adhésion au manichéisme durant quelques années...

L'ensemble des 9 premiers livres est relaté de façon plutôt légère et peu marqué par

une atmosphère mystique, religieuse. Le 10 ème livre marque une franche rupture dans le ton et dans le fond : Augustin qui évoque la nature du temps s'adresse un peu plus à Dieu mais l'ensemble de son propos reste davantage philosophique que tout ce qu'il avait évoqué précédemment (cf photos). Lors des derniers livres on perçoit son rapprochement vers Dieu et vers les Écritures. Il retourne d'ailleurs à sa source puisque le dernier livre traite de la création.



L'ensemble des Aveux est compréhensible, accessible. Il peut être lu au fil du temps tout comme il est possible d'en étudier de façon plus approfondie certaines parties (tous les paragraphes sont numérotés).

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Les Aveux

Saint Augustin n’est pas loin de nous. Il est tout proche et ses préoccupations sont les nôtres. Saint Augustin a écrit et vécu au 4e siècle et à cette époque, comme à la nôtre, il a vu ou cru voir le monde se morceler : les vérités se multiplient, s’affrontent et se contredisent, à défaut de ne pouvoir communier dans une Vérité qui laisserait les esprits en paix. Le 4e siècle fut une période de grande effervescence, douloureuse mais créatrice. Le monde s’ouvre, ses limites s’effacent. Constantinople rivalise avec Rome et l’Empire, que l’on croyait infaillible, se divise suite aux invasions des Wisigoths et des Vandales.





Pour Saint Augustin, l’écriture des Aveux commença après sa conversion au christianisme en 386, suite à une longue période de doutes et une incursion passionnée dans le manichéisme. Il rentre d’Afrique du Nord en 387 et entreprend son œuvre du retour comme une œuvre du voyage à rebours de soi-même. Il n’est pas le premier à raconter ses angoisses, ses ambitions parfois mégalomaniaques, son désir de perfection et son mépris terrorisé d’une vie linéaire et monotone, mais sa grande originalité est de lier cette expression au dialogue divin dans un langage qui frôle parfois l’hérésie, et qui se montre pourtant désespérément soumis. Il renverse la perspective classique du monde ancien lorsqu’il commence à se raconter dans l’ignorance, alors que l’humanité le reconnaissait en tant qu’individu à l’identité affirmée et déterminée, jusqu’à ce qu’il se découvre au fur et à mesure qu’il abandonne toute ambition personnelle, toute caractéristique déterminante –tout ce qui constitue la base d’une identité reconnaissable et stable aux yeux des autres. Comme l’écrit Frédéric Boyer : « Grande leçon bizarre. Renversement de toute la perspective classique du monde ancien. La vie négative devient un argument. Je vis de ne pas vivre. Je cherche quelque chose de ne rien vouloir trouver ».





S’il fallait compartimenter l’expérience de Saint Augustin, la première étape serait celle de l’inquiétante étrangeté. Tout en croyant se connaître, Saint Augustin ne se reconnaît plus. Tout au plus n’a-t-il été qu’un palimpseste d’influences extérieures et déformantes :





« Oui, quoi de plus malheureux qu’un malheureux incapable de plaindre son propre malheur et qui verse des larmes sur Didon morte par amour pour Enée, mais n’a aucune larme pour sa propre mort de ne pas t’aimer ? »





Suit le temps du doute et des interrogations. Comme dans le Livre de Job, Saint Augustin se précipite parfois près du désespoir lorsqu’il essaie de comprendre l’existence du mal dans un monde censé être parfait grâce à Dieu. Première étape : décentrement du soi dans une optique qui suggère l’existence d’une bonne soupe primitive de laquelle nous serions tous issus et promis à nouveau prochainement :





« Devons-nous davantage craindre l’animosité d’un homme contre nous plutôt que les effets de notre propre haine sur lui ? La destruction d’autrui que l’on persécute est-elle moins grave que la destruction de notre cœur par la haine qu’on lui voue ? »





Seconde étape : renversement des valeurs. Le monde devient compréhensible lorsque Saint Augustin le fait entrer en résonnance avec son univers intérieur. Par-delà le bien et le mal, il nous fait comprendre que ces valeurs ne sont que des jugements subjectifs, donc corrompus, appliqués à une objectivité qui n’est ni bonne, ni mauvaise.





« Je cherchais d’où vient le mal. Je cherchais mal. Je ne voyais pas que le mal était dans mon investigation même. »





Saint Augustin abandonne ce qu’il croyait être sa liberté de fanfaron scandaleux et croit ainsi accéder à une plus grande liberté : celle de ne plus dépendre du jugement d’autrui dans ses agissements. Saint Augustin raconte le tournant de son existence où, plutôt que de céder à la fatigue d’une contrefaçon de soi, il renonce aux obligations du monde extérieur pour s’atteindre et pour atteindre Dieu –à moins que les deux ne soient confondus.





« Prisonnier, j’aurais mimé une liberté mutilée en transgressant délibérément un interdit, sombre parodie de toute-puissance. »





C’est le monde comme théâtre que Saint Augustin condamne. Une première étape vers la vraie liberté est franchie à condition de quitter la caverne des ombres de Platon :





« J’étais captivé par le théâtre, ses représentations étaient remplies des images de mon malheur et du combustible de mes passions. »





Même s’il ne s’exprime pas en ces termes, Saint Augustin semble expérimenter des expériences décisives de synchronicités avec des yeux d’hallucinés. En se détachant de lui-même, il parvient enfin à reconnaître les coïncidences signifiantes de son existence, comme en atteste par exemple ce récit de conversion. L’événement ne pouvait avoir de sens pour personne d’autre que pour Saint Augustin, qui s’y reconnut aussitôt :





« Une voix d’enfant, garçon ou fille, je ne sais plus. Attrape et lis. Attrape et lis. Aussitôt mon visage a changé. Perplexe. Etait-ce une rengaine quelconque que les enfants avaient l’habitude de chanter en jouant ? Non. Ça ne me disait rien. J’ai refoulé mes larmes et je me suis redressé. Ne doutant pas qu’il s’agissait d’un ordre divin qui me demandait d’ouvrir le codex et de lire le premier chapitre sur lequel je tomberais. J’avais entendu dire qu’Antoine, au hasard de la lecture de l’évangile, en avait retiré un avertissement, comme si ce qui était lu alors lui avait été adressé.

[…]



Pas de ripailles ni de saouleries, pas de coucheries ni de débauches, pas de querelles ni de jalousies. Mais revêtez le Seigneur Jésus Christ. Ne faites pas vôtres la préoccupation de la chair qui vous jette dans des désirs fous.



Je n’ai pas voulu en lire davantage. Ce n’était pas nécessaire. A l’instant même où je finissais cette phrase, ce fut comme si une lumière réconfortante se déversait dans mon cœur. Et toutes les ombres du doute se sont évanouies. »





Saint Augustin aurait-il également eu l’intention de l’existence d’un inconscient collectif ? Il reconnaît en tout cas l’importance des archétypes et la force du lien symbolique qui relie chaque membre de l’humanité lorsqu’il se demande pourquoi certaines images plus que d’autres réalisent une force d’impression décisive en lui : il reconnaît ce qu’il n’avait jamais connu après n’avoir plus reconnu ce qu’il avait connu depuis sa naissance.





« Ce ne sont pas leurs images que j’ai cachées dans ma mémoire mais les choses elles-mêmes. Comment ont-elles fait pour entrer en moi ? […] Je n’ai pas appris ces choses en me fiant à un autre cœur. C’est dans mon propre cœur que je les ai reconnues et que j’ai fait la démonstration de leur vérité. Je les ai confiées à mon cœur en dépôt. […] Donc elles étaient déjà dans mon cœur alors que je ne les avais toujours pas apprises, mais sans être encore dans ma mémoire. Mais alors d’où viennent-elles ? et pourquoi à leur simple énoncé, ai-je immédiatement acquiescé et dit : c’est bien ça, c’est vrai ? Est-ce parce qu’elles étaient déjà dans ma mémoire, mais enfouies si loin, si profondément, comme dans des crevasses ultrasecrètes, que je n’aurais peut-être pas pu les penser si quelqu’un ne m’avait pas engagé à les en extirper ? »





Ses Aveux s’achèvent par une exhortation à l’abandon, à cette pauvreté matérielle et spirituelle qui fait souvent horreur aux détracteurs du christianisme et que certains, comme Nietzsche, ont pu considérer comme l’aveu d’une déficience constitutive. Nietzsche avait-il lu Saint Augustin ? Il aurait découvert une forme de puissance qui, sans être strictement celle qui parcourt ses textes, est aussi fière, résistante et terrible que la sienne. La force de Saint-Augustin est celle d’un Zarathoustra qui a renoncé à ses illusions et qui renonce à la réalisation d’un surhomme terrestre, non pas par faiblesse mais par tranquillité. A l’un la colère, à l’autre la résignation apaisée et cette douceur dont témoigne Onésiphore dans une Lettre aux Philippiens:





« J’ai appris à me contenter de ce que j’ai, en toute situation. Je sais vivre avec rien, et je sais aussi avoir beaucoup. J’ai toujours su, en toutes circonstances, être ou rassasié ou affamé, ou recevoir beaucoup ou n’avoir rien. Je suis capable de tout avec celui qui me rend fort. »





La plongée dans cette déambulation intérieure est palpitante, elle nous fait souffrir avec intensité avant de nous proposer une alternative de repos qui n’est pas monotone pour autant. Saint Augustin ne cherche pas à exprimer le chemin vers la connaissance de soi : ses aveux sont le changement ou, comme l’écrirait Conrad : ils sont « la traversée de l’ombre sinistre de la connaissance de soi ». Etape fondamentale pour le christianisme qui divinise la médiation entre Dieu et l’humanité.





Le récit est vivant et souffrant comme la vision d’un Christ crucifié, et c’est l’expérience que doit connaître tout individu qui sent que son existence n’est pas contingente. Son œuvre est celle de l’exil : Saint Augustin quitte sa terre de culture et revient pour remarquer que rien n’est semblable. En lui, le même processus opère. De quoi peut-on être certain lorsqu’on peut ne plus se reconnaître, se chercher longtemps et se trouver par surprise ?





Frédéric Boyer n’a pas voulu conserver le titre bien connu des Confessions et pour se démarquer de la traduction classique d’un Joseph Trabucco, il propose le titre des Aveux. Ce n’est pas une coquetterie de sa part : sa lecture de Saint Augustin détonne. Fini de lire ses écrits comme s’ils appartenaient à un temps révolu, séparés du notre psychologie, de nos préoccupations et de nos troubles existentiels par une barrière qui est finalement plus langagière que temporelle. Frédéric Boyer exprime clairement son projet :





« Notre devoir est de lire aujourd’hui les vieux textes le plus directement, le plus simplement possible comme si ces textes venaient tout juste de nous tomber entre les mains. Comme si ces très vieux textes avaient été écrits la veille, la nuit même, par nos propres enfants. »





Sa démarche est osée. On pourrait crier au sacrilège. Il substitue la période noble d’une réflexion essentiellement intellectuelle à l’expression hachée et scandée du trouble émotionnel. Voici un passage traduit par Joseph Trabucco dans la version classique des Confessions :





« Où vont, où fuient loin de vous ces hommes sans repos et sans équité ? Vous les voyez ; votre regard perce leurs ténèbres ; laideur obscure qui fait ressortir la beauté de l’ensemble. Quel mal ont-ils pu vous faire ? »





Et le même passage dans la version moderne des Aveux de Frédéric Boyer :





« Ils s’en vont, ils fuient. Ennemis inquiets.

Tu les vois, tu distingues leurs ombres.

Pour eux tout est beauté mais eux sont ignobles.

Quel tort t’ont-ils fait ? »





Moins noble mais plus poétique, arrachée au corps souffrant, plus proche de nous et comme ancrée dans l’esprit d’un Saint Augustin isolé, face-à-face avec lui-même, les siècles qui le séparent de notre lecture deviennent dérisoires. Il souffre comme d’autres ont souffert avant lui, comme nous souffrons aujourd’hui et comme nous souffrirons demain, et il témoigne de cette grande richesse vitale qui fait que nous ne baisserons jamais les bras pour donner du sens à nos tourments.
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Les Aveux

Il faut lire Saint Augustin, oui en 2013, il faut lire cet homme. Décoller l'etiquette du saint, remiser l'auréole au placard, et voir Augustin comme ce qu'il était : un Africain du 4e siècle après Jesus Christ qui courait après les honneurs et les filles et qui, lassé de tant de vaines conquêtes, rencontra dieu, se convertit au catholicisme et devint l'un des pères de l'Eglise. C'est aussi le premier philosophe de l'interiorité, et cette tarduction moderne nous fait entrer de plain pied dans sa pensée. Si la traduction d'Arnaud d'Andilly, classique, est une langue superbe, elle crée aussi un ecran entre le lecteur et le fond. Avec la traduction présente, on a l'impression qu'Augustin est un homme de 2013. Furieusement moderne donc, sa parole ne peut que toucher nos contemporains, à une époque où le paraître et le sexe facile s'affichent avec complaisance.
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Les Aveux

La voix de Dieu dans un bruit de fond, le Père éternel et infini édictant sa volonté dans une rengaine psalmodiée par une voix de petite fille, voilà qui ressemble à la folie chrétienne. Aucun philosophe antique n'aurait imaginé une histoire pareille.
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Les Confessions

J'ai lu très récemment le livre intitulé "Dans l'ombre de la lumière", que j'ai beaucoup apprécié. le principal personnage de ce roman n'est autre que Saint Augustin; sa mère, sa concubine, son fils, ses amis y trouvent aussi toute leur place. La source de l'auteure (Claude Pujade-Renaud), c'est évidemment "Les Confessions".

Je les ai lues il y a fort longtemps, mais je m'en rappelle assez bien. Ce qui m'avait surtout intéressé, alors, c'est la composante autobiographique de ce livre, extrêmement rare dans la littérature antique. Augustin évoque franchement les sottises qu'il a faites dans sa jeunesse. Au cours de cette période, l'épisode le plus fameux est un acte gratuit: le vol de poires dans un verger. Ces premiers chapitres sont ceux que j'ai préférés. Ensuite, Augustin passe à des sujets plus sérieux, notamment son choix initial du manichéisme (qui est une hérésie aux yeux des catholiques), puis sa conversation au christianisme sous l'influence de sa mère. Puis le décès de Monique est déploré.

Ce qui m'a vraiment gêné, ce n'est pas le récit, mais l'esprit d'Augustin. Il considère avoir commis des erreurs (en fait, ni plus ni moins que vous et moi...) et il en éprouve une intense culpabilité. Il les confesse dans la plus grande contrition; il se flagelle lui-même pour la plus grande gloire de Dieu. Il insiste sur ce que nous nommons le péché originel; il favorise la culpabilisation des individus devant Dieu.

Etant l'un des Pères de l'Eglise, Saint Augustin a beaucoup influencé le christianisme, pendant des siècles. Cette influence me semble très discutable. Pour ma part, je considère comme surannée cette conception de la morale chrétienne et du rapport à Dieu.

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Les Confessions

On a essayé, hélas bien maladroitement, de donner un autre titre à ce livre de Saint Augustin : "les Aveux" est un titre encore plus trompeur que "les Confessions". Le lecteur ne doit pas s'attendre à lire de l'autobiographique croustillant, des anecdotes frappantes, des plongées dans l'intimité d'un homme du IV°s, passé du paganisme à la fascinante église des Manichéens, et de là à l'église orthodoxe sous un très grand évêque, Ambroise de Milan. L'auteur est un théologien du IV°s, pour qui "confessions" n'a pas le sens que Rousseau, Nat Turner, Thomas de Quincey ou même quelque semi-écrivain contemporain, lui donneront plus tard. Ce n'est pas sa faute si le latin "confessio" dérive du verbe "confiteri", qui signifie proclamer sa foi. Aussi il ne faut pas être surpris si tout le livre est un discours du narrateur à Dieu lui-même, par lequel il mesure le chemin parcouru loin de Lui, puis à nouveau vers Lui. Ce livre profondément mystique doit être lu et accepté tel qu'il est, sans erreur sur ce qu'il donne.
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Les Confessions

En plein mois d'août, alors que le corps et l'esprit ont besoin de se reposer, je me suis lancée dans une aventure assez étrange : lire les confessions de Saint Augustin. Cette idée est apparue après la publication du livre les Aveux, traduction de cette oeuvre dans le langage contemporain. J'ai commencé à le feuilleter mais sans grande conviction, et j'ai choisi de revenir à une traduction au plus proche de la pensée de l'auteur.

Deux grandes parties caractérisent ce livre. du livre I au livre IX, il raconte sa vie et la met en exergue systématiquement par rapport aux bontés et aux bienfaits que Dieu lui a accordés : on découvre son enfance, son adolescence marquée par l'amitié, son amour des jeux et sa passion pour les femmes, son égarement dans la doctrine des manichéens et son travail à Rome et à Milan en tant qu'enseignant. On suit aussi sa quête spirituelle, ses angoisses face au monde, ses questionnements sur le sens de la vie. Je m'attendais à un livre rébarbatif et j'étais agréablement surprise : ces idées et ces problèmes sont très « actuels », et je pense que chacun de nous s'est au moins une fois posé les mêmes questions ou envahi par les mêmes doutes. Loin des autobiographies modernes, l'originalité de cette confession est de mettre en valeur non pas le narrateur mais Dieu, son oeuvre, ses bienfaits et sa miséricorde par rapport à la nature humaine pécheresse.

La seconde partie, c'est à dire du livre X au livre XIII, traite surtout de questions métaphysiques. Cette partie m'a parue confuse, compliquée et peu intéressante. Il développe les thèmes liés à la création, à l'existence et la mesure du temps, le rôle de la mémoire etc. Il m'a perdu et j'ai nettement moins accroché à ces considérations philosophiques.

Le style d'écriture est plus accessible que je m'y attendais, mais toujours avec des envolées lyriques, des phrases ampoulées et recherchées.

Cet auteur a toutefois marqué fortement la pensée occidentale, donc ce fut intéressant de le découvrir à travers ses confessions. Il reste néanmoins difficile sauf pour des lecteurs réellement intéressés par le sujet et prêts à s'investir dans cette lecture !
Lien : http://leslecturesdehanta.co..
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Les Confessions

Les confessions – St Augustin

St Augustin est né en 354. Il est un philosophe et théologien chrétien romain, qui, d’un cœur pénitent, expose ses fautes afin de s’humilier devant ses frères et d’exalter la bonté de Dieu.

Il parle dans les Confessions de ses erreurs manichéennes, de sa jeunesse, de ses désordres d’avant sa conversion.

Avant d’aimer Dieu, il forniquait. Aimé et être aimé était bien plus doux. Il connut ainsi l’amour, mais aussi la jalousie, les soupçons, les craintes, les colères et les querelles.

Prisonnier et malade de la chair, il a goûté aux mortelles délices et a trainé ses chaînes.

Le temps et l’amitié ont consolé ses peines

Depuis qu’il a appris à connaître Dieu, il ne l’a plus oublié, car c’est dans le chemin de la vérité que se forme la mémoire.

Ainsi, il est question de longues tentations de la vie humaine. La concupiscence des yeux met en appétit ce que nous voyons comme les principaux instruments de la connaissance. La vision des choses est donc étrangère au temps. Amen

Je ne conseille pas cet ouvrage qui est assez lourd (lu en plusieurs mois). Mais il était normal d’en parler par rapport à l’actualité religieuse du moment.

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Les Confessions

Après sa lecture, je comprends mieux pourquoi ce livre est une pierre angulaire de la pensée occidentale.

Les confessions sont un carrefour entre la pensée classique de l'antiquité et la jeune religion chrétienne en pleine expansion.



Le texte est composé de courts chapitres classables en 4 catégories:

- récit autobiographique (jeunesse décadente, passage par le manichéisme)

- réflexions philosophiques (notamment sur le temps et la mémoire)

- analyses théologique (sur la création, l'ame, la volonté de Dieu)

- prières



J'ai apprécié ces tranches de vies qui nous font voyager 1600 ans en arrière. C'est le chemin d'un homme qui se cherche, se trompe, souffre, se repent, vit et tente de comprendre son monde.



Cependant l'œuvre m'a été très difficile à lire.

Le style est pénible a lire pour différentes raisons:

- une humilité et une culpabilité extrême de l'auteur qui frisent avec le misérabilisme

- une foi exacerbée, sans cesse mise en avant et qui tient plus du fanatisme que du bigotisme.

- Une certaine forme d'hypocrisie. Saint Augustin semble méprisé les pêcheurs alors qu'il en était lui même un étant jeune.



Bref, c'est une œuvre clé et complexe qu'il permet de comprend comment le christianisme a assimilé la philosophie platonicienne.

Par contre sa forme paraitra indigeste au non croyant du XXIème siècle.



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