Émeric trouve qu’elle exagère. Elle se défend. Y a vraiment des trucs bizarres qui se passent ici. Les portes s’ouvrent et se ferment sans arrêt. Et on a toujours l’impression de voir dépasser le pied ou la jambe de quelqu’un qui s’enfuit dans l’embrasure des portes. Les personnages sur les tableaux et sur les photos changent de position. Les miroirs reflètent des spectres. Émeric rigole. L’endroit est flippant, mais elle l’a dit elle-même, la dernière fois qu’elle est venue, elle était très jeune. Ce ne sont que des craintes d’enfant. Catherine insiste. Elle n’est pas sensible à ces fadaises. Mais ici, tout est différent. C’est vrai que l’endroit convoque son enfance. Des souvenirs terrifiants. Un jour par exemple, elle devait avoir six ans, peut-être moins, peut-être plus, elle s’ennuyait. Elle est montée à l’étage. Il y avait une lumière qui filtrait sous une porte. Elle l’a ouverte. Elle donnait sur un couloir sombre. Tellement sombre, qu’elle pouvait entendre l’obscurité comploter avec les ténèbres. La lumière s’est déplacée sous une autre porte. Elle l’a suivie. A traversé des escaliers, d’autres couloirs. Finalement, elle est arrivée dans une chambre. Elle était magnifique. Comme dans les contes de fées avec des princesses endormies. Le lit surtout l’émerveillait. Il était énorme. Le matelas tellement épais qu’elle avait du mal à en distinguer le sommet. Entouré d’un cadre de bois orné de formes arrondies. Gourmandes. Avec de lourds rideaux. Catherine s’est approchée. Quand elle s’est trouvée tout contre le lit, la lumière s’est soudainement éteinte et elle s’est retrouvée dans une obscurité aussi profonde que ses craintes. Elle n’osait plus bouger. Elle s’est assise par terre. Tout d’un coup, elle a entendu une respiration, puis une voix. Une voix de femme. Étrange, lyrique. À la fois douce et puissante. Cristalline. Accompagnée d’un courant d’air froid. Comme si la voix était portée par un souffle de glace. Catherine s’est contractée. La voix s’est rapprochée. Et là, elle a senti la présence de quelqu’un qui s’asseyait. S’enfonçait dans l’épais matelas que Catherine sentait s’affaisser. Quelque chose l’a frôlée et elle s’est mise à hurler. Elle a couru vers l’endroit où elle pensait trouver la porte. Elle n’y était plus. Elle avait bougé.
Le hall d’entrée est immense. On a l’impression que si on y reste trop longtemps, il pourrait vous aspirer. Catherine pensait trouver des entrelacs en fer forgé, des structures métalliques, organiques, des chapiteaux, des colonnes, des flammèches, des enroulements, des décors muraux faits d’arabesques et de végétaux stylisés, du marbre, de la lumière. Rien de tout ça. L’ambiance est sombre. Les murs foncés, noirs ou peut-être bruns. La seule source de lumière vient d’un grand vitrail dans les tons ocre qui se déploie sur toute la hauteur du mur et rend l’intérieur malade. Un mélange de jaunisse et de diarrhée.
Sous le vitrail, se déploie un escalier en bois massif. De l’ébène de Macassar. Un bois noble, coûteux et surtout très sombre que Catherine reconnait tout de suite. Pas de fer forgé ni d’entrelacs.
La famille, c’est pas toujours facile. C’est souvent plus sordide que n’importe quel fait divers, et surtout, ça grouille dans la vie des gens. Ça couvre leurs corps d’une merde qu’ils sont seuls à sentir.
Le hall d’entrée est immense. On a l’impression que si on y reste trop longtemps, il pourrait vous aspirer. Catherine pensait trouver des entrelacs en fer forgé, des structures métalliques, organiques, des chapiteaux, des colonnes, des flammèches, des enroulements, des décors muraux faits d’arabesques et de végétaux stylisés, du marbre, de la lumière. Rien de tout ça. L’ambiance est sombre. Les murs foncés, noirs ou peut-être bruns. La seule source de lumière vient d’un grand vitrail dans les tons ocre qui se déploie sur toute la hauteur du mur et rend l’intérieur malade. Un mélange de jaunisse et de diarrhée.
Sous le vitrail, se déploie un escalier en bois massif. De l’ébène de Macassar. Un bois noble, coûteux et surtout très sombre que Catherine reconnait tout de suite. Pas de fer forgé ni d’entrelacs.
Ni ouverture ni légèreté.
À gauche de l’escalier, un gigantesque tableau se confond avec le mur. Une femme. Debout, les bras croisés sur une longue robe brumeuse, les cheveux ramenés dans un chignon, les lèvres trop pâles et trop fines.
Catherine se sent violemment attirée par cette silhouette inquiétante. Elle a un étrange pressentiment. Comme si cette femme lui rappelait quelqu’un, comme si elle avait oublié quelque chose.
Catherine imagine un coït avec un avatar depuis son canapé avec un casque de réalité virtuelle sur la tête. Puis elle se dit que peut-être même le gosse pourrait être un avatar. Comme ça on pourrait l'éteindre de temps en temps pour se reposer. Enfin, disons plutôt l'allumer de temps en temps. Parce qu'un gosse qui hurle tout le temps c'est fatiguant.
Tant qu’ils restent désincarnés, les mots ne veulent rien dire, parce qu’ils peuvent tout dire. La réalité est pliée entre les mots. On ne la déploie qu’avec sa propre expérience. Nous croyons parler la même langue, mais nous ne parlons que la langue de nos expériences, qui jamais ne coïncident.
Elle démentirait avec force, mais ce chantier, avec tous ses défis techniques, ça l’excite. Même si Abigail et Émeric gâchent un peu son plaisir en jouant le rôle du lit qui grince.