« Les habitants de la rue Raymond Queneau à Paris restèrent indifférents en voyant soudainement un matin, à l’entrée d’un immeuble, une plaque portant, en lettres dorées sur fond noir, l’inscription suivante :
Docteur Gildas Frangomat
Spécialiste de la lectothérapie
Ancien interné de l’hôpital
Saint-Glinglin de Landerneau
Ne reçoit que la nuit sur rendez-moi
Toutefois la mention d’interné intrigua et prêta à des discussions, les uns disant qu’il fallait dire interne, un accent ayant été mis par erreur à ce mot, les autres soutenant que l’hôpital Saint-Glinglin était un établissement psychiatrique réputé.
La religion dit aux angoissés : il suffit de prier Dieu et de s'abandonner à la Providence. Mais une prière n'apporte pas la certitude d'être entendu, tandis qu'une bonne disposition de cartes, même si l'on n'y croit qu'à demi, procure des heures de quiétude. On ne supprimera la pensée magique que lorsqu’on aura supprimé l'angoisse, et l'angoisse subsistera tant qu'il y aura devant l'homme la perspective de la douleur et de la mort.
La pronostication, art de pronostiquer les évènements à venir durant une période limitée (...), la prophétie, annonce des bonheurs et des catastrophes attendant l'humanité jusqu'à la fin des temps, ont été dans l'Antiquité la spécialité des sibylles, prêtresses répondant sous forme d'énigmes en vers ou en prose, les oracles, aux interrogations de leurs consultants. A Rome, on conservait avec vénération au Capitole le livre des oracles sibyllins, mais l'empereur chrétien Théodose le fit brûler en l'an 400.
La cartomancie est un art divinatoire postchrétien et typiquement occidental. On se tromperait moins en affirmant que le tarot a été inventé par Dante (car ses arcanes ont été conçus à son époque et reflètent des préoccupations proches des siennes) qu'en l’attribuant à l'Égypte ou à la Kabbale. Son auteur fut un humaniste italien imprégné des idées de la Gnose, comme le prouve la Papesse, cet arcane si scandaleux qu'on le remplaça par la Foi dans le tarot de Visconti et par Junon dans celui de la Révolution française : jamais un kabbaliste juif, refusant le rôle sacerdotal de la femme, n'aurait imaginé une Papesse, et n'aurait admis non plus qu'on symbolisât le Monde par une femme nue entourée d'une guirlande de fleurs en forme de mandorle, et la Force par une jeune fille fermant la gueule d'un lion.
Au Moyen Age, ce furent des médecins qui imposèrent l'astrologie dès le XIIe siècle ; eux seuls osaient braver les interdits de l'Église, en prétextant qu'il fallait connaître les propriétés des astres aussi bien que celles des plantes.
"C'est chose usitée parmi les laboureurs de prédire qu'il y aura autant de tempestes pluvieuses en esté qu'il y aura eu de jours nébuleux en Mars. (...). Ils ont une reigle, que si parmi la fiente des poules l'on trouve des vermisseaux, cela promet fertilité ; si ce sont des mouches, c'est signe de guerre ; s'il y a des araignées, c'est présage de peste."
(...) le terme de rabdomancie a donc été maintenu, mais on doit préciser que le procédé usité dans l'Occident chrétien ne ressemble à rien de connu dans l'Antiquité païenne. Les sourciers antiques cherchaient des sources d'après les indices naturels, au témoignage même de leurs contemporains Vitruve, Pline l'ancien et Cassiodore : des nuées de petites mouches volant à ras de terre à certains endroits, ou des vapeurs observées avant le lever du soleil, en se couchant à plat ventre et en appuyant le menton sur le sol, leur indiquant les lieux où il fallait fouiller. Ils faisaient ensuite des "épreuves", comme de creuser le soir un trou au point désigné, d'y enfouir un vase d'airain renversé, frotté d'huile en dedans ; si au matin on trouvait des gouttes d'eau dans le vase, cela signifiait qu'il y avait une source proche. Aucune rabdomancie chez ces païens, mais un naturalisme contrastant avec le surnaturalisme de l'ère chrétienne.
Ce ne furent donc pas des libertins et des athées qui convoquèrent dans un cercle magique Lucifer, ou son premier ministre Lucifugé Rofocale, mais des croyants ténébreux détournant la foi au profit d'une volonté de jouissance et de puissance.
Brauner me raconte qu'il a fait à Bucarest, au temps où il collaborait à la revue "Unu", le décor et les costumes de la Salomé d'Oscar Wilde, qui n'eut qu'une seule représentation. Il rêve, me dit-il, de faire une pièce de théâtre dont le héros porterait un masque avec sur le front l'inscription : Mon Mystère. Il a aussi l'idée d'une mise en scène de personnages invisibles : ils seraient tous habillés et masqués d'un tissu de cretonne fleuri, servant à l'ameublement, et se déplaceraient le long d'un décor recouvert de ce même tissu, si bien que les spectateurs au loin ne les verraient pas.
Franz Anton Mesmer (...) étudia la théologie à l'université d'Ingolstadt avant d'entrer à l'école de médecine de Vienne. Il y soutient, en 1766, sa thèse "De inflexu planetarum in corpus humanum" (dont il ne reste plus qu'un seul exemplaire, conservé à l'Oesterreischiche National Bibliothek de Vienne), décrivant l'influence des planètes sur le corps humain d'après les lois de l'attraction universelle. Il disait que le Soleil et la Lune, notamment, exerçaient une action directe et continue sur le système nerveux, au moyen d'un fluide s'insinuant dans la substance des nerfs. L'individu soumis à cette action subissait des effets alternatifs d'intension (tension interne ou moment d'intensité) et de rémission, comparables aux flux et aux reflux des marées. Mesmer attribuait à ce magnétisme planétaire le cycle menstruel des femmes et la périodicité de certaines maladies chroniques.