À bien y réfléchir, ce que je vous ai dit jusqu'à maintenant, que les ondes de mon émission, c'était l'imagination, c'est faux, en réalité les ondes c'est peut-être la tristesse plutôt, la tristesse est le micro, le studio, ma voix même que vous entendez en ce moment. Autrement dit, la tristesse est le média. De même que les vivants ont la télévision, la radio, les journaux, internet, nous, nous avons la tristesse, voilà. Je suis mort, et malheureusement ceux qui n'ont pas de place pour la tristesse ne m'entendent pas, mais inversement, peut-être les vivants qui ont de la tristesse en eux peuvent-ils entendre cette émission.
Ô comme je voudrais qu'ils entendent!
Radiooo Iiimagination!
« Bonsoir.
Ou bon matin.
Ou peut-être bonjour.
Vous écoutez Radio Imagination.
Si l’entrée en matière est quelque peu imprécise, cela est dû au fait que cette émission est diffusée exclusivement dans votre Imagination. »
Un écrivain, moi je ne sais pas très bien ce que c'est, mais enfin je me dis que c'est peut-être un peu quelqu'un qui entend des voix et qui nous les fait un peu partager dans ses phrases.
J’ai perdu toute mémoire du passé immédiat, j’ai simplement l’impression, mais alors une impression quasi physique, d’avoir flotté au-dessus du sol, après avoir été tiré et bousculé dans tous les sens.
Ne faudrait-il pas prendre le temps d’écouter la voix des morts, faire notre deuil dans la tristesse, et en même temps, petit à petit, aller de l’avant ? Avec les morts.
"Une phrase me revient sans cesse: Que mon âme reste attachée ici-bas... Cette phrase apparaît souvent dans le théâtre classique qu'aime tant votre... épouse. L'âme qui garde une pensée ici-bas ne peut gagner l'autre monde.
Depuis quand ce pays ne sait plus comment serrer ses morts dans ses bras? Et pourquoi?
- Pourquoi?
- Parce qu'on n'est plus capables d'entendre leurs voix, moi je crois.
La frontière de mon corps est entièrement dissoute, mes parole aussi emportées par le vent, j’ai l’impression qu’elles ne m’appartiennent plus. C’est comme si j’étais sur le point de mettre à flotter. Ou peut-être même ai-je déjà commencé à partir à la dérive. Je sens le vent souffler dans mon dos. Je suis gonflé de chaleur, comme une montgolfière, prêt à recevoir l’influence du vent. (184)