Serge Quadruppani

Francesco Maronne haussa les épaules. On n'était pas loin de 11 heures, l'heure de sa sieste préférée, celle qui n'est ni tirée vers les souterrains du cauchemar par la pesanteur du déjeuner, ni secouée de brusques sursauts de culpabilité comme celle de 17 heures, ni menacée d'être aspirée par la nuit qui vient, comme celle de 20 heures.

Au moment du coucher, même Manga, le seul être vivant que je laisse accéder à l'étage, n'a pas le droit de franchir le seuil de ma chambre.
Je ne me déshabille jamais sous le regard des chats.
Ce qu'il y a dans l'oeil de ces animaux de compagnie, de ces félins entrés en douce dans la vie des humains voilà quelques millénaires, je ne l'ai jamais vu ailleurs.

- Tu crois pas qu’on devrait appeler les Pelletier ?
Je hausse les épaules.
- Encore ? Pour une vitre cassée ?
Il n’ose pas insister. Nous les avons déjà appelés deux fois en un mois, parce que Cécile avait « entendu quelqu’un ». Ils ont été très gentils, mais j’ai bien senti qu’on les dérangeait : la première fois, il n’y avait que madame pelletier à la maison, et elle était en pleine réunion de son Association des retraités actifs, et, la deuxième fois, ils regardaient un film à la télé, un de ces trucs en noir et blanc qui leur plaisent beaucoup.
Cécile a fait un pas vers moi.
- Reste où tu es. Allez dans votre chambre tous les deux, je dois balayer ça, je dis en montrant le verre brisé. Sinon, quelqu’un risque de se faire mal en marchant dessus.