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Citations de Serge Quadruppani (104)


Prendre le contrepied des discours dominants a toujours été le réflexe conditionné de la critique anticapitaliste radicale (…). Conditionnés par une opposition séculaire aux mensonges du stalinisme et des démocraties parlementaires, qui dominaient l’opinion publique, nous avions facilement tendance, face à ce qui était généralement admis, à le remettre en doute. Or ce qui est généralement admis n’est pas toujours faux : nous aurions dû garder en tête cette vérité première avant de nous attaquer aux représentations dominantes des camps de concentration, comme d’ailleurs à celles de la sexualité.
Serge Quadruppani, Une histoire personnelle de l’ultragauche, pp.147-148.
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La technique, en devenant technologie, s'est entièrement centrée sur ce projet: mettre tout le réel au travail. Les animaux et les plantes, les atomes et les bactéries, l'air, l'eau et le soleil, et les humains, et leurs émotions, et leur attention, et leurs cellules, l'intimité de leurs organes... Tout cela a été toujours davantage soumis à la nécessité d'extraire à chaque fois plus de plus-value au profit du capital. On ne nouera pas une nouvelle alliance avec les plantes et les bêtes sans mettre fin à l'exploitation, sans remettre en cause la dynamique d'un développement technologique désormais inséparable - car il est son seul, et illusoire, espoir - du développement capitaliste. S'il y a un trou de souris par lequel l'humanité peut encore échapper à la catastrophe qui vient, c'est par là qu'on peut le trouver: dans la destruction de l'exploitation capitaliste et la sortie de sa civilisation.

Fin
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«Coincée », "frigide", et l'inusable «mal baisée », que j'ai encore entendu récemment dans la bouche d'un vieux soixante-huitard: la domination masculine version libérée avait tout un vocabulaire à sa disposition pour convaincre les femmes qu'il valait mieux passer à la casserole sans faire trop d'histoire.
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Autour de Mai, il y eut au sein des sociétés occidentales, dans une mêlée contradictoire avec les mouvements de la jeunesse et des travailleurs, une immense et magnifique envie collective de rupture des freins sociaux et de renversement de toutes les lois, dont nous n'aurons fini d'épuiser la richesse qu'au jour où nous aurons commencé à la réaliser. Pour cela, il faudra nous débarrasser définitivement de sa récupération, ce gluant hédonisme post-soixante-huitard porté par les fractions les plus bruyantes de la classe moyenne intellectuelle, qui s'est montrée de fait si complaisante envers des mâles abuseurs détenteurs de capital symbolique. Il nous faudra aussi en finir avec les angles morts de l'élan collectif de libération des carcans de l'ordre moral: l'impérialisme du désir, l'absence d'attention à la question du consentement et aux phénomènes d'emprise, la confusion.
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L'ANTI-TRAVAIL
Démantèlement de la puissance ouvrière et en particulier de ses forteresses usinières par la sous-traitance, l'automation, la délocalisation, la multiplication des statuts et la précarisation : la restructuration des appareils productifs nationaux lancée pour répondre à la combativité prolétarienne des années 1960-1970, accélérée par les contre-réformes thatchéro-reaganiennes mises à la sauce française par Mitterrand et ses successeurs, a rendu hégémonique l'idée que l'Emploi était le soleil unique autour duquel devaient tourner nos vies. Les gouvernants n'ont eu de cesse de répéter que c'était et serait toujours leur préoccupation centrale, tandis qu'ils continuaient de prendre des décisions qui rejetaient des masses croissantes de gouvernés hors du marché de la force de travail. Relancé comme un slogan électoral par Sarkozy, le thème de la «valeur travail » est encore repris en boucle par les politiciens adeptes de la crapuleuse tactique du «
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Considérer les guerres modernes, celle de 39-45 comme celle d'Ukraine, uniquement sous l'angle de la lutte des classes, c'est s'aveugler sur toutes leurs autres dimensions, nullement rabattables sur les intérêts du capital et ceux du prolétariat. C'est aussi s'interdire des choix éthiques, indispensables pour quiconque revendique une révolution à titre humain. Pendant la Seconde Guerre mondiale, des trotskistes et des anarchistes français ont choisi de rester fermement arrimés au rejet des guerres impérialistes et au slogan de Liebknecht, et ont refusé de prendre parti entre Rockefeller et Krupp. L'ennui, c'est que le camp allemand n'était pas seulement celui de Krupp, mais aussi celui du nazisme, c'est-à-dire d'un totalitarisme génocidaire.
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Le communisme a besoin de ce qui nous pousse à l'empathie pour quiconque refuse l'écrasement. Le «règne de la liberté », tel que le définit Karl Marx, a besoin de la résistance aux despotismes. Réduire cette dernière à une «
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Foutez-le au trou. A poil, puisqu'il aime ça.
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Qu'est-ce qui me prouvait que Robert et lui n'avaient pas réussi à échanger trente mille francs contre environ cent vingt mille que je leur avais aimablement fournis ?
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Vous savez bien, n'est-ce-pas, chaqun a cette expérience intime, inutile de s'étendre, que le temps c'est ce qui se dérobe : à peine avons-nous pris conscience de l'instant, qu'il est déjà passé.
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Amis français, ne vous vexez pas si une Sicilienne se permet ce genre de remarque : nos politiciens à nous sont aussi menteurs que les vôtres mais la différence est que personne, ni leurs d électeurs, ni leurs opposants, ne les croit. Personne en Sicile, où on votait massivement pour la Démocratie chrétienne n'a pris ce parti au sérieux quand il a soutenu que la mafia n'existait pas, et pas un des partisans de Berlusconi n'a cru à ses protestations d'honnêteté, sa corruption étant même une raison de l'élire. (page 165)
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La bouche pâteuse, le ventre encombré de gaz produits par la pasta e fagiole dont il s'était gavé, le zio Vitò s'extirpa de son canapé en rebouclant sa ceinture. Collant le front à la vitre, il aperçut les deux bêtes et s'en prit grossièrement à la Madone. Le chien fauve et l'âne gris avaient franchi une clôture et maintenant ils galopaient à travers prés, suivant une trajectoire rectiligne qui semblait indiquer qu'ils possédaient ce qui nous manque : une conscience assez claire du but pour trouver la force de se libérer. (Page 159-160)
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Je m’aperçois que pour en arriver à expliquer ce moment où, par un automatisme que m’a enseigné Olga, j’ai repéré sur le cou de Guillaume Lepreneur l’endroit où bat la carotide, il me faudra parler d’Olga, bien sûr, mais avant, d’Isabelle et aussi de Sonia : il y a sûrement des conclusions à tirer du fait que des femmes forment les chaînons reliant le bandit manqué au traducteur installé en passant par l’écrivain dont on redécouvrira un jour l’œuvre trop négligée en son temps (après que la clameur provoquée par le fait divers qui a marqué la fin de sa vie sera retombée). Ai-je été le jouet d’ingouvernables passions amoureuses réorientant ma vie à chaque nouvelle rencontre, ou bien un manipulateur qui a su trop bien tirer parti des attachements féminins que lui gagnèrent ses authenticités successives ? Rien ne dit que la postérité tranchera la question avec la radicalité d’une lame entrant dans une artère, il est bien possible que la chose demeure d’autant plus indécidable que tout le monde, le soussigné compris, s’en tape.
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Après ma sortie en avril 1977, j’ai un moment pensé à raconter cette histoire dans Quetzal à l’appui de développements sur les démocraties protestantes, leurs capacités à neutraliser les conflits et leur disponibilité à la transparence totalitaire. Mais d’autres intérêts m’appelaient. J’avais rencontré Isabelle et décidé d’aller voir Nicotra en prison.
À ces deux éléments qui allaient orienter ma vie s’en ajouta un troisième : je n’avais pas aimé la sensation d’enfoncer du métal dans la chair d’un autre et je me promis d’éviter de toutes mes forces de l’éprouver à nouveau. Après le chapitre amstellodamois, j’ai décidé que je n’étais guère doué pour la dléinquance et j’ai peu à peu orienté mes activités vers des secteurs plus avouables. En lisant les mémoires de Vidocq, je découvris que dans l’argot des bandits de son temps, le faussaire était dénommé « homme de lettres ». Je pris ça comme un présage et connus bientôt le confort de savoir quoi répondre quand on me demandait ma profession. Isabelle m’encouragea dans cette voie, je devins écrivain de polar et, plus tard, grâce à Sonia, traducteur, sans renoncer le moins du monde à mes mauvaises fréquentations.
C’est ainsi qu’au début du XXIe siècle, alors que ma mue sociale était déjà bien entamée, je me suis retrouvé embringué dans des querelles à l’intérieur du milieu ultra-gauche anarcho-autonome parisien, déchiré par un désaccord stratégique fondamental entre les casseurs de vitrines et les brûleurs de poubelles. Comme je me moquais également de tous, les uns et les autres proclamaient partout leur résolution à me frapper si je croisais leur route. Durant quelques mois, je me suis donc déplacé dans la capitale avec un tournevis en poche mais quand j’ai croisé l’un de ces joyeux drilles, je me suis contenté d’échanger des injures avec lui et, malgré l’envie que j’avais de le lui enfoncer dans la narine (qu’il avait particulièrement dilatée, comme un aveu d’envie d’être pénétré sabotant le regard perçant et très viril à la mode dans ces milieux), le tournevis est resté où il était. Pendant les décennies qui ont suivi, hormis quelques rares jets de projectiles trop légers pour faire mal en direction des forces de l’ordre, le piquage de la cuisse de Désiré Venetiaan est donc resté le seul acte de violence aux dépens d’autrui que j’aie jamais commis.
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Dans le Limousin, et ailleurs sans doute aussi, on dit des chats et des chiens que ce sont « des bêtes à chagrin ».
Pendant quinze ans, j’ai vécu avec Rétive, une chatte qui était la mère de tous les chats de tous mes romans. Comme beaucoup de mes contemporains, je m’éveillais souvent vers quatre heures du matin pour ressasser l’argent qui manque, l’amour qui ment, l’amitié qui trahit et l’absence de sens de tout ça et qu’en plus d’être insensé, tout ça, ça va finir car c’est la vie, la vie ça finit toujours mal et puis, en ce point précis de la nuit où je sentais un grand vide dans ma poitrine, Rétive me sautait sur le torse, elle ronronnait dans mon oreille, me léchait le menton, me mordillait le lobe et s’endormait sur mon plexus, et je me rassoupissais au chaud dans son sommeil de chat.
Un seul nuage pesait sur nous, mais il était bien noir : j’étais obsédé par l’unique différence, insurmontable, entre Rétive et moi. Celle de « l’espérance de vie ».
Pendant quinze ans, il ne s’est pas passé une semaine sans que j’aie peur que Rétive meure, et cette peur prenait la forme d’une toujours très vive représentation : je la découvrais au fond du jardin ou au pied du lit ou dans le bois voisin et mon imagination se mobilisait pour éprouver la sensation de son corps mou dans mes mains ou alors déjà raide, et l’ampleur de mon chagrin, les sanglots des premiers moments et le vide sans fin de la suite. Pendant quinze ans je me suis dit que c’était là une manière de conjurer un malheur qui n’arriverait peut-être pas avant vingt-cinq années et que peut-être je ne serais plus là pour le ressentir – et je le souhaitais avec sincérité.
Je me disais d’ailleurs la même chose quand j’imaginais aussi, parfois, avant de refouler ça bien plus vite et bien plus loin, la mort d’un être humain aimé. Je détestais la complaisance dans le tableau que je m’en faisais, la nouvelle apprise au téléphone, ou la longue souffrance médicalisée, ou l’accident atroce et bête. Je m’excusais aussi, en mettant cela sur le compte de l’angoisse, peut-être même de ma propre mort. À la fin, je m’abandonnais à une sorte de croyance obscure, jamais vraiment raisonnée : si j’y pensais tant, cela montrait bien que la mort de l’être aimé n’était et ne serait jamais que du fantasme.
Et puis, au bout de quinze ans, Rétive est morte.

Non, il n’y a pas maldonne. Vous n’êtes pas en train de lire les premières phrases d’une autofiction à la française tendance cause animale, mais bien le début d’un polar, et qu’il coïncide avec le récit de ce qui s’annonce comme les derniers temps de ma vie ne devrait pas vous gêner pour vivre par procuration des aventures palpitantes. Je n’écris pas pour vous déranger, bien calé que vous êtes dans votre fauteuil et votre vie à vous. Car vous pouvez certes partager, avec une intensité qui vous est propre, le genre d’angoisse que j’énonce ici en introduction, mais il est peu vraisemblable que vous ayez autant que moi des raisons de craindre, depuis tant d’années, la catastrophe. Car là, oui, quelque part très loin au temps de ma jeunesse, il y a eu, salement, méchamment, maldonne.
Et j’ai toujours sur que, même si je n’étais pas coupable de cette mauvaise répartition des cartes qui m’a si bien réussi, je la paierais.
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C'est ainsi, mijotant à petits bouillons dans la culpabilité, que je m'endormis.
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De toute manière, conclut-il, il y a de plus en plus d'étrangers dans le monde.
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La Commune libre du Plateau

— Lionel, ça vous dérangerait de débloquer les vitres ? Je voudrais baisser la mienne…
— Vous voulez que j’augmente la clim ?
— Non, il y a une guêpe, là, à l’arrière, et je voudrais bien qu’elle sorte.
Le capitaine de gendarmerie Lionel Gaufre retira la main droite du volant pour faire ce que Sylvie Mercure lui demandait, en même temps qu’il jetait un coup d’œil au rétroviseur intérieur.
— C’est pas une guêpe, assura le lieutenant de police Francesco Maronne, le passager à droite du chauffeur.
— C’est quoi ? demanda la jeune femme blonde à l’arrière en suivant du regard l’insecte qui, malgré la glace baissée, n’avait pas du tout l’air intéressé par le grand air du plateau de Millevasques et s’obstinait dans des zigzags aux alentours du nez féminin.
— Un frelon asiatique… assura Maronne.
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Tom découvrit le corps.
As du téléchargement, il avait assez vu de films gores pour reconnaître le cadavre d’un homme à qui l’on vient de planter un pieu dans la poitrine.
Tétanisé, le garçon fixait le mort. Il inspira, expira plusieurs fois, bruyamment, par le nez. Son regard ne pouvait se détacher de la poitrine inondée de sang. « La poitrine », pensa-t-il. Le sanglot qu’il avait réprimé tout à l’heure face aux filles éclata.
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Ce matin-là, il faisait en plus très chaud dans la cuisine. Depuis l’aube, sa mère s’affairait autour du four avec deux autres habitantes d’Ayguière.
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