Citations de Sharon M. Draper (43)
On a tous un handicap. C'est quoi, le tien ?
Comment le silence peut-il faire autant de bruit ?
Tout le monde utilise des mots pour s'exprimer. Sauf moi. Et je parie que la plupart des gens n'ont pas conscience de leur véritable pouvoir. Moi si.
Les pensées ont besoin de mots, et les mots, d'une voix.
J'adore l'odeur des cheveux de ma mère juste après qu'elle les a lavés.
Et j'adore le contact rugueux du menton de mon père juste avant qu'il se rase.
Mais je n'ai jamais pu leur dire.
Vous n'êtes pas si malin, monsieur, vous êtes juste veinard ! Tous ceux parmi nous qui ont toutes leurs facultés intactes ont de la chance, c'est tout. Mélodie est capable de comprendre des choses, de communiquer et de se débrouiller dans un monde où RIEN n'est adapté à elle. C'est elle, la plus maligne !
Je suis toujours sidérée de voir que les adultes présument systématiquement que je suis sourde. Ils parlent de moi comme si je n'étais pas là, pensant que je suis trop attardée pour saisir.
Parfois, on ne me demande même pas mon prénom, comme si ça n'avait pas d'importance. Pourtant ça compte.
Je m'appelle Mélodie.
-Je voudrais être comme eux.
-Tu veux dire, méchante, hypocrite et égoïste ?
Mme V faisait une tête furieuse ; j'ai détourné les yeux.
-Non. Je veux dire normale.
-Mais c'est nul, d'être normal ! a-t-elle tempêté.
La musique, c'est comme entendre le son des couleurs et sentir le parfum des images. La bande-son de ma vie est faite de couleurs, de parfums et d'images.
Certains portent des appareils sur les dents, d'autres , des prothèses sur les jambes. Mais pour certains, ces appareillages ne suffisent pas, alors il leur faut un fauteuil roulant, un déambulateur, ou quelque chose de ce genre. Tu as de la chance d'être née juste avec des dents de travers. Tâche de ne jamais l'oublier.
J’ai envie de piétiner quelque chose. De taper et taper du pied comme une furie ! Et ça me rend encore plus dingue car même ça, je ne peux pas le faire. Je ne peux pas me fâcher comme une fille normale.
- Première question : laquelle de ces fiches est différente des autres ?
Il avait trouvé ses questions dans le Muppet Show ou quoi .
Les quatre fiches en question représentaient une tomate, une cerise, un ballon rouge et une banane. Il espérait sans doute que je réponde "le ballon", je sais, mais ca me paraissait trop facile. Alors à la place, j'ai indiqué la banane du doigt, qui, contrairement aux trois premiers, n'était pas ronde et rouge.
Le Dr Mastoc a soupiré en griffonnant une autre note.
Tout en regardant distraitement le film, je me suis demandé quel voeu je formulerais si c'était moi et Caramel qui étions emportées dans une tornade au pays d'Oz.
Voyons voir...
Un cerveau ? Le mien est déjà bien rempli.
Du courage ? Caramel n'a peur de rien !
Un coeur ? Les nôtres sont gros comme ça.
Alors qu'est-ce que je demanderais ? J'aimerais pouvoir chanter comme le lion peureux et danser comme l'homme de fer-blanc. Aucun des deux n'était très doué dans son domaine, mais ça me suffirait amplement.
J'ai l'impression de vivre dans une cage sans porte ni clé et je n'ai aucun moyen d'expliquer à quelqu'un comment m'en faire sortir.
Quand j'ai eu deux ans, tous mes souvenirs avaient des mots et tous mes mots, un sens.
Mais seulement dans ma tête.
Je n'ai jamais prononcé un seul mot. J'ai bientôt onze ans.
La professeure a parcouru la salle du regard d'un air plein d'attente, sans doute dans l'espoir que quelqu'un se propose pour me faire une petite place À cet instant, j'aurais donné n'importe quoi pour être de retour dans notre salle aux oiseaux bleus au lieu d'être là, face à trente paires d'yeux braqués sur moi.
Finalement, une fille s'est levé et s'est dirigé vers moi. Elle s'est accroupie en me regardant dans les yeux. Puis elle a souri. C'était celle qui avait croisés les bras sur sa poitrine en jetant un regard mauvais à ses camarades qui se moquaient.
— Je m'appelle Rose, s'est-elle présentée d'une voix douce.
Je lui ai rendu son sourire en me retenant tant bien que mal de battre du pied, grogner, ou laisser entendre un bruit improbable qui aurait risqué de la faire fuir. Retenant mon souffle, j'ai pensé à des choses paisibles, comme les vagues dans la mer. Ça a marché. J'ai respiré à fond, lentement, et pointé du doigt un mot sur ma planche : merci. Rose a compris.
Je crois que la question qu’on le pose le plus souvent et de plein de manières aussi diverses qu’étranges, c’est :
> En général, les gens veulent savoir si je suis malade, si c’est douloureux et s’il existe un remède à mon problème. Alors j’ai préparé deux réponses : une polie mais un peu longuette et une autre légèrement effrontée. Face à ceux qui semblent sincèrement intéressés par la réponse, j’appuie sur la touche qui dit : Je souffre de quadriplégie bilatérale plus couramment appelée >. Ça limite le fonctionnement de mon corps, mais pas celui de mon esprit. La chute est assez cool, je trouve.
Face à des personnes comme Claire et Molly, je répond : On à tous un handicap. C'est quoi, le tien ? J’avais hâte de la sortir, celle-là. Quand je l’ai montré à Mme V, elle a rit si fort qu’elle a failli s’étrangler.
On est maintenant samedi, à deux jours de l’épreuve de sélection, et je suis installée dehors avec Mme V. sur sa véranda. Je ne porte qu’une veste légère, mais aujourd’hui, c’est une de ces rares journée de février où les températures sont agréables et poussent les jacinthes à croire que le printemps est arrivé. J’ai envie de mettre en garde leurs petits bourgeons en leur disant > Mais chaque année, c’est pareil, les fleurs qui se sont épanouies précocement frissonnent sous les dernières neiges de l’hiver .
[…]
La musique, c'est comme entendre le son des couleurs et sentir le parfum des images.
" - Je suis fière de toi ! Et tu peux l'être aussi !" a soufflé Catherine en levant la main pour que je tape dedans.
Mais je n'ai pas réagi.
" - Non, ai-je répondu.
- Mais pourquoi ? Tu les a tous battus."
Ca m'a pris des lustres mais j'ai tapé :
" - Ils pensent que mon cerveau est aussi bousillé que mon corps."
J'ignore comment, mais très tôt et naturellement, j'ai réussi à démêler le mécanisme complexe des paroles associées aux idées. Quand j'ai eu deux ans, tous mes souvenirs avaient des mots et tous les mots, un sens.
Mais seulement dans ma tête.
Je n'ai jamais prononcé un seul mot. J'ai bientôt 11 ans.
Des mots.
Des milliers de mots m'entourent . Peut-être même des millions.
Depuis toujours, ils tourbillonnent autour de moi comme des flocons de neige et fondent , intacts, dans mes mains, tous aussi délicats et différents les uns des autres.
Ils s'amoncellent au fond de moi comme d'énormes congères. Des montagnes d'expressions, de phrases et d’associations d'idées. Des formules bien trouvées. Des blagues. Des chansons d'amour.