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Critiques de Shulem Deen (42)
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Celui qui va vers elle ne revient pas

Dans ce récit autobiographique Shulem Deen nous ouvre les portes de la communauté Skver (un groupe de juifs hassidim ultra-orthodoxes), au sein de laquelle il a grandi et a vécu jusqu'à son exclusion pour hérésie.

Il y retrace son parcours, sans jamais rien cacher.

Son adhésion pleine et entière à cette foi qui l'a poussé dans sa jeunesse à verser parfois dans l'intransigeance à l'encontre de ses coreligionnaires moins assidus.

Et puis les premiers doutes, au moment de son mariage arrangé à dix-neuf ans à peine, avec une jeune fille qu'il aura vue en tout et pour tout dix minutes à peine.

Les questions toujours plus nombreuses, l'ouverture sur le monde extérieur notamment par le biais d'internet, jusqu'à ce point de non-retour : la perte de la foi.

Déchiré entre sa famille qu'il ne peut se décider à abandonner et les faux-semblants auxquels il est contraint pour ne pas jeter l'opprobre sur les siens, il essaie de trouver un équilibre qui se révèlera impossible…

Les autorités prendront finalement la décision à sa place en prononçant son bannissement pour hérésie, estimant qu'il est devenu un danger en raison de ses idées et de sa mauvaise influence sur certains membres de la communauté.

Ce départ sera à la fois une libération et un parcours douloureux :

Comment garder le lien avec sa femme à laquelle il est toujours attaché mais dont la foi n'a jamais vacillé, et surtout avec ses enfants toujours élevés dans cette foi qui n'admet pas qu'on la renie ?

Comment s'intégrer dans un monde dont on ne connait pas les codes ?



Shulem Deen nous livre ici un témoignage extrêmement prenant, qui ne verse jamais dans le règlement de comptes et qui nous éclaire sur le fonctionnement d'un monde si éloigné de nos modes de vie qu'il en apparait presque surréaliste.

Difficile de réaliser que de nos jours, si près de nous (la communauté dont il est question se trouve en banlieue de New-York) il existe de tels ilots, où la communauté prend le pas sur les individus, où quelques maîtres à penser décident de tout et où la religion est la seule vérité admise…



Passionnant.



(Reçu dans le cadre de la masse critique Non-fiction du 13 février 2019

Un grand merci à Babelio et aux éditions points pour cet envoi)

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Celui qui va vers elle ne revient pas

c’est le 1er livre de cet auteur que je lis. il a été traduit par Karine Reigner-Guerre. je ne sais pas si c’est nécessaire de le répéter. Je ne suis pas une femme adultère. Je ne suis pas les principes du Talmud ni en yiddish ni en hébreux ni en rebbe. Le Dayan et son bezdinl possédaient le pouvoir judiciaire afin de respecter nos lois. C’était un homme doux et gentil. Avant Souccot, je ne suis pas seul en jeu. Chaque semaine, nous quittions discrètement la salle d’étude de la yeshiva. C’est vrai que j’aime Bob Dylan et New York. J’y suis allé mais je n’y retournerais pas.
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Celui qui va vers elle ne revient pas

Le roman autobiographique de Deen Shulem lève le voile sur un monde aussi mystérieux que secret . Un monde où pour ne pas succomber aux tentations et respecter les préceptes religieux, il faut vivre regroupé loin de la société moderne considérée comme une source permanente de perversions. Un monde sans journaux, sans radio ni télé ni Internet où l'on étudie que les textes religieux

Cet univers est celui des hassidim , ces juifs ultra-orthodoxes reconnaissables à leur style vestimentaire hérité de leurs ancêtres venus d' Europe centrale. L'usage du yiddish, un mode de vie centré sur l'étude et la famille et un rigorisme puritain font de leur communauté un monde à part que l'auteur décrit ici.

Deen Shulem connaît bien cette communauté car il y a toujours vécu, jusqu'à ce qu'une crise de foi l'en chasse...

Il a toujours été un hassid respectueux de ses devoirs mais un jour, il cède à la tentation d'en savoir plus que ce qui est permis. Dès lors sa curiosité devient sans limite. Il ose braver les interdits et même s'il sait qu'il ne transgresse pas la loi juive mais celle de sa communauté, plus rien ni personne ne peut l'empêcher d'étancher sa soif de connaissance. Progressivement il se met à ne plus supporter l'autorité des rabbins, à douter de ce qu'on lui a enseigné et en arrive à perdre la foi. Il est devenu un apikorus. Un hérétique indésirable parmi les siens...

Ce texte limpide et profondément humain, évite les longues digressions religieuses et métaphysiques, il est donc accessible à chacun, quelque soit sa religion (s'il en a une). Deen Shulem y analyse sans acrimonie, la trajectoire le menant à l'apostasie tout en dénonçant des principes ultra-conservateurs qui en séparant les hommes des femmes, en réduisant les études à des sujets inadaptés aux réalités du monde contemporain, en rejetant ce qui est différent, bafouent le droit à la liberté et à l'égalité.

Une découverte passionnante !
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Celui qui va vers elle ne revient pas

À treize ans, Shulem Deen, élevé dans une famille juive ultra-orthodoxe aux États-Unis, décide de s’inscrire dans une école talmudique de la communauté hassidique Skver, ayant entendu dire que l’enseignement n’y était pas trop exigeant. Il ne sait pas alors qu’en pénétrant dans cette communauté, il allait s’extraire du monde.



Vêtements et chapeau épais et lourd, chemise blanche au col fermé, longues papillotes tombantes de part et d’autre du visage, sous l’égide du Rebbe – le guide de la communauté – Shulem passe son adolescence à étudier le Talmud avec des garçons de son âge. Profanes, les Sciences, les lettres, l’histoire, la géographie, les langues… ces matières ne sont pas enseignées. Il ne quitte jamais son uniforme, n’écoute pas de musique, ne lit que la bible, le Talmud et les livres sacrés, ne croise jamais de filles, ne sort pas hors de la communauté…



À dix-huit ans, Shulem Deen doit se marier. On lui choisit – impose – une femme, qu’il verra quelques minutes, en présence des deux familles, peu de temps avant la célébration. Jour où il dansera avec elle pour la première et dernière fois de sa vie – les époux ne devront plus se toucher en public. Il se fera expliquer le « service de lit » par le Rebbe…



Malgré les doutes et les craintes, Shulem Deen suivra les règles et autres rituels. Il aura cinq enfants, n’aimera jamais sa femme mais apprendra à l’apprécier, il consentira à vivre ainsi retranché du reste du monde, il acceptera d’avoir des emplois mal rémunérés (rappelons qu’il n’a aucune qualification et que son travail doit avoir un lien avec la communauté hassidique)… jusqu’au jour où, trentenaire, il ose appuyer sur le bouton « radio » du lecteur de cassettes qui trône depuis des années sur le meuble de la cuisine.



Et là, sa vie va basculer, inéluctablement. Un changement de regard et de perception. La découverte d’autres horizons, d’autres figures. Un mur qui tombe, le jaillissement d’une lumière, un monde de tous les possibles. Ce simple petit bouton pressé sera le déclencheur puis le catalyseur des émotions et des désirs enfouis de Shulem. Rattrapé par sa curiosité naturelle, la vivacité de son esprit, sa soif de connaissance, il s’affranchira des codes, s’achètera une voiture, passera des heures et des heures dans une médiathèque à lire et relire les encyclopédies qui s’offrent à lui, emplissant sa mémoire des images des sons des odeurs de la ville – New York – et des paysages environnants, se payera un ordinateur, une télévision…



Durant des mois, il dissimulera son ouverture au monde – évidemment sa femme ne le comprend pas -. Lentement, il cheminera vers la liberté, en s’éloignant de la religion, de son extrémisme… jusqu’au jour où, sa communauté, l’apprenant, le chasse pour hérésie.



Avec intelligence et sans jugement, Shulem Deen écrit là un récit sensible et passionnant en levant le voile sur son parcours de vie, et parle de sa reconstruction difficile mais admirable. Beaucoup plus qu’un témoignage sur le fondamentalisme religieux, ce livre se lit comme une fiction et révèle une plume humaniste brillante.
Lien : https://lesmotsdelafin.wordp..
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Celui qui va vers elle ne revient pas

Un témoignage poignant, celui d’un juif hassidique ultra-orthodoxe de l’état de New-York banni de sa communauté pour hérésie.



Au fil des pages, l’auteur parle de sa vie dans un cadre religieux absolu et intransigeant, de l’obscurantisme volontairement entretenu dans une vie coupée du reste du monde, de ses premières interrogations, des doutes et de la perte de sa foi. Il parle de son mariage arrangé, de sa niaise ignorance face à sa femme.



Mais il semble impossible de brider un esprit curieux.



C’est candide, sincère, douloureux, forcément injuste. Cela semble d’un autre temps, sidérant.
Lien : http://noid.ch/celui-qui-va-..
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Celui qui va vers elle ne revient pas

Il y a certains livres qu'il faut absolument prendre le temps de tourner les pages pour mieux les savourer.

Celui qui va vers elle ne revient pas est un récit d'émancipation où l'auteur, lui-même, raconte sa propre histoire au sein de la communauté ultra-orthodoxe, les Juifs Hassidiques, qui sont facilement identifiables : Barbus, Chapeaux noirs, longues papillotes, caftans noirs, pour les hommes, et les femmes mariés, perruques souvent stylisées d'une écharpe ou d'un chapeau et d'un vêtement très, très sobre, entourées d'une ribambelle d'enfants. Bref ! Shulem est né et a grandi Skver, une des branches Hassidiques qui se trouvent en plein New-York, à New Square, village où les membres sont à l'abri des influences du monde laïque, ne parlant que le Yiddish, très peu ou pas la langue du pays, excluant radicalement tous les plaisirs terrestres (télé, radio, internet, magazines, nourritures non casher, vêtements...) pour être en total osmose avec le Créateur, en communion dans la prière et de la Torah (la Bible hébraïque ou l'ancien Testament, pilier de la foi Juive) qui leur sert de guide. D'ailleurs, ils ne fréquentent pas et ne s'intéressent pas aux non-juifs qui pourraient avoir une mauvaise influence sur eux.



C'est donc à travers les lignes que l'on découvre l'obscurantisme et extrémisme de cette communauté, que moi, personnellement, je connaissais un peu. Ici, Shulem, sans pour autant incriminer les hassidiques, préfère décrire son ressenti, ses faiblesses, ses tentations, ses peurs, ses questionnements, ses doutes sur sa foi, qui ont commencé peu avant sa majorité et qui ont pris réellement de l'ampleur quand il découvre internet, par hasard. Il est à cette époque à peine adulte, marié à une jeune femme qu'il n'aime pas, et père de cinq enfants ; à vrai dire, il n'a pas vraiment eu le choix, chez eux, les mariages sont arrangés. C'est donc une faille (internet) qui vient foutre en l'air toutes ses convictions ancrées en lui depuis toujours et qui, par la suite, va détruire sa vie de famille.

Parce que oui, internet est une immense porte qui s'ouvre au monde, qui ne cache pas et qui attise comme le serpent et la pomme. La tentation. Internet répond aux questions, documente... et c'est comme ça que Shulem va découvrir le monde qui l'entoure aux choses futiles complètement interdites au sein de la communauté et également voir qu'il n'est pas seul à être dans cette situation délicate. Mais tout cela à un prix, le prix de la liberté aura des conséquences et il va vite le comprendre une fois dehors.



Un livre passionnant, percutant, mais surtout, très instructif, et riche par les mots, sans trop mettre en avant le côté biblique que beaucoup évite en littérature. Une belle découverte que je vous recommande !
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Celui qui va vers elle ne revient pas

Shulem Deen raconte dans « Celle qui va vers elle ne revient pas » la vie (la sienne) d'un juif membre d'une communauté hassidique ultra-orthodoxe, les Skver, vivant dans le village de New Square pas loin de New York. Celle d'un homme qui commence à avoir des doutes sur le dogme qui l'écrase. Il se rend en cachette dans la bibliothèque de la ville voisine, écoute discrètement la radio dans sa voiture, rêve de boire un gin-tonic dans un bar de Manhattan, puis finir par ouvrir un blog « Hasidic rebel ».

Le Beit din (tribunal rabbinique) de la communauté hassidique de Skver finit par l'apprendre. Deen est convoqué, et déclaré « apikoros », hérétique, puis renvoyé.

Les membres du tribunal rabbinique lui promettent, à son départ de la communauté, qu'il sera détruit psychologiquement et financièrement. Ses enfants, sa femme restés fidèles à leur foi refusent de revoir celui qui les a déshonorés. À sa sortie de la secte, il sera aidé par une association dont le but est d'aider les « sortants » et de leur apprendre à reconstruire leur vie.



L'hassidisme Skverer met l'accent sur l'étude de la Torah, la prière et l'abstention des plaisirs terrestres excessifs, afin d'atteindre la pureté du coeur et de l'esprit. À cette fin, le village de New Square a été créé, en 1956, par Rebbe Jakov Josef afin que ses habitants soient à l'abri des influences jugées décadentes.

Un élément central de ce mode de vie est l'attachement au Rabbi. La position de Rabbi est généralement atteinte par la lignée. Rebbe Jakov Josef, survivant de la deuxième guerre mondiale en Roumanie et émigré aux États-Unis en 1948, est un descendant direct de Reb Itzikl, fondateur de la dynastie. Cependant, pour être accepté par les masses, le Rabbi doit afficher des comportements tels que l'humilité, l'amour pour les autres Juifs et la dévotion générale au service de Dieu. le Rabbi, en tant que tsadik, ou personne juste, est considéré comme un conduit vers Dieu pour les masses.



La plupart des groupes hassidiques ont réussi à maintenir leurs membres coupés du monde extérieur en interdisant la radio, les journaux ou la télévision. Internet constitue une brèche plus difficile à contrôler car les gens doivent l'utiliser pour travailler et ainsi ils y ont accès de façon discrète dans leur téléphone ou à la maison ce qui qui leur ouvre une fenêtre sur le monde. Et ceux qui désirent quitter la communauté y trouvent des sites entièrement consacrés à la défection hassidique. Ils peuvent y rencontrer virtuellement d'autres comme eux et s'entraider.



Shulem Deen, dans ce récit autobiographique, sans chercher à régler des comptes, nous livre un récit passionnant. Il nous ouvre les portes d'un monde que l'on côtoie sans jamais vraiment savoir ce qu'il s'y passe.

À lire, absolument.



https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/par-les-temps-qui-courent/shulem-deen-n-accordez-pas-trop-d-importance-a-la-verite-car-tout-peut-etre-remis-en-question-1202588



Prix Médicis – Essai (2017)

New Writers Award for Creative Non-Fiction (2016)

National Jewish Book Award (2015)

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Celui qui va vers elle ne revient pas

La religion dans ce qu’elle peut avoir de pire, de destructeur pour l’individu, voilà un thème qui m’intéresse.

J’avais lu avec grand intérêt un roman d'Anouk Markovits sur le sujet il y a quelques mois, ce livre-ci est l’autobiographie d’un homme qui dès l’enfance appartient à un milieu religieux orthodoxe, c’est une famille juive de la mouvance hassidique.

Ce sont ces hommes (on ne voit que très peu les femmes) qui passent la majorité de leur temps à l’étude de la Bible et du Talmud.

Enfants ces jeunes juifs se voient refuser des études normales, pas de littérature, pas de sciences, pas d’histoire, matières censées corrompre l’individu.

Une vie en circuit fermé, une union bien entendu arrangée avec une jeune femme qu’il rencontre quelques minutes avant le mariage.

Une famille nombreuse évidement, une vie très difficile financièrement et épuisante. Impossible pour Shulem de trouver un emploi correctement rémunéré n’ayant aucun bagage, aucune formation professionnelle.

Le quotidien de la famille repose sur des règles, des lois, plus restrictives et contraignantes les unes que les autres.

En écrivant cela j’ai l’impression de faire le portrait d’une famille du quart-monde et pourtant tout cela se passe aux Etats-Unis à une heure de New York !

Une fois dépeint ce milieu hyper religieux où le moindre faux pas se paie de représailles de l’entourage, Shulem Deen s’attache à nous révéler son parcours propre, ses interrogations, ses doutes, sa lassitude mais aussi sa soif de savoir, de lecture, sa curiosité toujours en éveil.

Il nous révèle à quel moment il a perdu la foi, comment il a longtemps fait semblant pour ne pas perturber sa femme et ses enfants.

Sa communauté le surveille, il enfreint les règles d’abord en cachette, puis plus ouvertement. Quand je parle de transgression n’allez pas imaginer des choses effrayantes,par exemple il se met à écouter la radio, il apprend à lire et écrire l’anglais, il emprunte des livres en bibliothèque, il se forme à l’informatique et même au scandale de tous y compris de son épouse, il va sur internet.

C’est un récit peut être un peu trop long mais tellement prenant qu’on oublie qu’il se passe aujourd’hui, dans le monde dit civilisé !

Vous avez déjà deviné que cela se termine mal pour lui, la religion juive orthodoxe n’est pas tendre pour les renégats de son espèce, il est littéralement chassé de chez lui, privé de ses enfants. Il doit faire le deuil de sa famille.

L’hérétique ne peut revenir car la société « normale » est comparée à une prostituée, et celui qui va vers elle ne revient pas c'est la Bible qui le dit hélas.

Il lui faut reconstruire sa vie et oeuvrer pour aider d’autres juifs qui comme lui ont quitté le milieu hassidique.

C’est un récit sobre, d’une grande honnêteté et poignant. Shulem Deen ne garde aucune haine, aucune rancune et l’humour juif n’est jamais loin.
Lien : http://asautsetagambades.hau..
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Celui qui va vers elle ne revient pas

Si on m'avait dit qu'un jour je m'intéresserais de près à la vie quotidienne d'un ultra-orthodoxe juif de la banlieue new-yorkaise de trente ans mon cadet, je ne pense pas que je l'aurais cru. Et pourtant... Dès les premières pages de son récit, Shulem Deen expose tout un entrelacs de règles auxquelles il a été soumis dès son enfance ; le lecteur découvre le filet à mailles serrées des lois, coutumes et conventions issues d'une lecture des textes sacrés qui ne laisse aucune place à l'interprétation. Dans cette communauté-là, il s'agit de croire sans aucune autre raison que le respect de la tradition. La foi exclut la raison.



Comme d'autres se sont convertis en un lieu et à une date qu'ils n'oublieront jamais, Shulem Deene se souvient avec précision de l'instant où il a découvert qu'il avait perdu la foi.



D'entrée, le récit précise que l'auteur a été banni de sa communauté parce que considéré par celle-ci comme hérétique. Tout l'intérêt du livre réside dans l'exposé des événements et de la progression de l'état d'esprit de son auteur entre son état initial (croyant et pratiquant) et son état final (non-pratiquant et bouleversé d'être devenu non-croyant) en passant par des étapes intermédiaires (croyant, non-pratiquant). La confrontation avec la réalité des idées que l'on a toujours tenues pour véritables peut s'avérer dévastatrice. Si famille et enseignants ont toujours dit que l'univers n'avait que six mille ans, comment réagir quand la science parle de milliards d'années ?



En marquant chacun de ses membres par sa langue, ses vêtements, ses habitudes alimentaires, son entre-soi et ses pratiques religieuses, la communauté ultra-orthodoxe décrite par Shulem Deen isole du reste du monde les enfants qu'elle élève. le mariage, considéré comme un commandement, ne résulte pas d'un choix délibéré entre les époux, mais de celui de la communauté : Shulem ne rencontre son épouse que quelques jours avant la cérémonie. Je vous laisse découvrir ce qu'il en résulte.



Pendant des années, dans des établissements spécialisés, Shulem a étudié la Torah et le Talmud. Pendant son enfance, personne dans son milieu familial n'écoutait la radio. le vase était clos, quasi hermétique. Quand Internet est arrivé (Shulem avait alors vingt ans), quand la télévision est devenue accessible, quand porter un jean ou se faire couper les cheveux a été pour d'autres une provocation voire une insulte, il réalisa que ce qu'il avait appris ne concordait pas avec ce qu'il voyait et entendait.



Au-delà de l'aspect matériel des us et coutumes et de leur inadaptation croissante au monde moderne, ce récit s'interroge sur la nécessité pour les hommes de se soumettre à une conviction, elle-même soupçonnée d'être en réalité profondément humaine puisque le "concept même de la foi suggère l'intervention de l'homme".



Ce récit est poignant : l'auteur doit choisir entre paraître croyant pour pouvoir rester avec ses enfants ou se séparer de ces derniers pour vivre en harmonie avec ses convictions.



Cette introspection attachante et apparemment sans concession, donc sincère, est particulièrement intéressante à découvrir en cette période où la radicalisation religieuse ne concerne pas qu'une seule religion monothéiste. Réfléchissez aux transpositions possibles.
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Celui qui va vers elle ne revient pas

« Se distinguer par sa langue et sa tenue permet de réduire au minimum les échanges avec le monde extérieur, et contribue à vous en maintenir à l’écart. Limiter l’éducation profane, et le savoir venu de l’extérieur tient à distance les idées étrangères. »



Si l’on décrit, à raison, l’intégrisme musulman pour sa sévérité, sa rigidité et ses multiples interdits incompréhensibles aux yeux d’un chrétien, qui plus est laïc, l’hassidisme, ou l’application stricte de la religion juive n’en est pas moins archaïque et liberticide.



Ce récit est le parcours d’un homme issu d’une des communautés hassidiques les plus extrêmes des USA, élevé dans ses principes, marié au sein de sa communauté, et qui au fil des années et de ses explorations du monde moderne auquel les juifs orthodoxes n’ont pas droit, va peu à peu perdre la foi, s’affirmer dans son émancipation et finalement se faire exclure de sa communauté.



Être chassé d’une localité où vit en vase clos une groupe homogène et surtout très solidaire de personnes partageant les mêmes valeurs, fait d’un homme, père de famille qui plus est, un véritable paria, rejeté aussi par ses enfants.



Je connaissais le mouvement hassidique, mais pas jusque dans le détail de ses pratiques, de ses obligations, ni de ses interdits absolus. A cet égard, ce récit est extrêmement bien fait, facilement compréhensible, même dans ce que la religion peut comporter d’ésotérisme.



Par ailleurs, habilement construit, dans ce récit se succèdent les quatre étapes de vie de l’auteur depuis sa vie intra-communautaire, jusqu’à celle de sa nouvelle vie de non pratiquant, en passant par sa période de doute le conduisant à perdre la foi puis par celle de toutes les transgressions le conduisant à son exclusion.



Quelle que soit la religion, l’endoctrinement et la manipulation spirituelle ne donne jamais rien de bon. De la manipulation de la jeunesse qui se voit privée de tout accès légitime à la culture et à l’ouverture d’esprit, à l’intolérance au sein du couple et de la communauté, l’application pure et radicale d’un courant de pensée quel qu’il soit détruit davantage qu’il ne construit.



Je remercie masse critique Babélio et les éditions Points pour l’envoi de ce livre.


Lien : https://leblogdemimipinson.b..
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Celui qui va vers elle ne revient pas

Shulem Deen nous livre ici son récit de vie dans et hors de la communauté des skver, communauté hassidique ultra-conformiste.

Dans la communauté, là où il se verra marié, père de cinq enfants, tenu à de rigoureuses pratiques journalières, le tout sous l'oeil inquisiteur des membres de ce village dans la ville.

Hors de la communauté, dans une vie semblable à la nôtre, sans tabous.



Et entre les deux, le long cheminement d'un homme qui se questionne sur sa foi, ou du moins sur sa pratique. Tabous les téléviseurs, les ordinateurs, les radios, tabou tout ce qui permet de s'ouvrir au monde, les livres, les études. Et pourtant, c'est par ce biais, ce fruit défendu qu'il va se questionner, se remettre en question jusqu'à perdre femme et enfants et être banni tel un hérétique.



Son récit de vie peut s'appliquer à chacun de nous, quelle que soit notre foi, nos croyances. Aller jusqu'au bout de ce qui nous semble juste, au risque de tout perdre est une forme de courage, se lancer dans une nouvelle vie un énorme challenge. Mais la liberté d'esprit vaut peut-être bien tous ces sacrifices
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Celui qui va vers elle ne revient pas

Ce n'est absolument pas un essai, mais un récit autobiographique. Je me demande pourquoi il a eu le Médicis essai. Déjà que les romans bien souvent ne sont plus des romans, si en plus les essais ne sont plus des essais, cela va devenir compliqué …



Il s'agit donc d'une histoire personnelle, qui apporte un témoignage sur la communauté des Juifs américains ultra-orthodoxes (les plus ultras de chez les plus ultras). Shulem Deen met en lumière leurs méthodes d'éducation, de bourrage de crâne, de manipulation, en un mot de terrorisme intellectuel. Bourrage de crâne pratiqué par des gens tout aussi intoxiqués, persuadés qu'ils ont la Vérité parce que, à eux non plus, personne n'a appris à voir autrement, à envisager l'autre. Mais dans cette multitude, (ils sont vraiment nombreux dans ce shetl recomposé à deux pas de New-York), certains se prennent cependant à douter, à jeter un œil ailleurs, à réfléchir. Internet, quoique prohibé, a fait beaucoup pour cela, terreau prodigieux du libre arbitre.



Shulem Deen est de ceux-là. Peu à peu, il a abandonné complètement la foi en la Torah, en Dieu, en tout cette parole castratrice dans laquelle il avait été élevé. Mais elle est aussi protectrice, et il raconte la difficulté de remettre en cause une croyance aussi douloureusement et viscéralement inscrite, la douleur que cela constitue, comment il s'est longtemps caché. Il parle aussi des difficultés plus pratiques : comment se réinsérer dans une société américaine quand on n'a fréquenté que les écoles juives et aucun diplôme, jamais adressé la parole à une femme sans frémir, jamais porté de jean, jamais connu les livres, la radio, télé, cinéma… quand on est rejeté, banni par sa communauté, sa famille, ses propres enfants. Comment on regrette la douceur des rituels et de l'appartenance à un groupe, même tyrannique.

La tolérance, la liberté, ça se paye très cher. Mais c'est une foi comme une autre et pas moyen de transgresser une fois le pas fait.



Vital à qui aime voir comment ça se passe ailleurs, un vrai ailleurs complètement autre, ou à qui s'interroge s'il faut être tolérant avec l'intolérance, et comment naissent les fanatiques (qui sont de tous bords, on l'oublie un peu vite), cet ouvrage vaut plus par son aspect documentaire que par ses qualités littéraires, l’émotion y émerge un peu trop rarement.. Mais il mérite qu'on s'y arrête.
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Celui qui va vers elle ne revient pas

Shulem Deen, jeune homme candide qui se consacre à l'étude de la Torah et au Talmud au sein d'une communauté Juive Ultra-orthodoxe de New York, marié et père de 5 enfants, découvre la modernité et brave naïvement les interdits du dogme dans lequel il a pourtant été élevé....



Cet éloquent témoignage fait pourtant ressortir sans haine les rouages implacables du communautarisme.



La communauté, c'est l'unicité, rien ne doit être remis en question, jamais, au risque d'en être tout bonnement exclu comme une bactérie qui serait combattue et phagocytée par chaque élément qui compose l'organisme, autrement dit, chaque membre de la communauté.



"Kol bo'eho loyechouvoun": "Celui qui va vers elle, ne revient pas". Tels sont les mots de la Bible envers la femme adultère. Tels sont ceux du Talmud envers l'hérésie.





Plus largement, lorsque l'individu n'est pas libre de poser des questions sur sa pratique, tant religieuse, au sein de sa communauté ou de son parti politique sans qu'il se voit exclu, on peut en conclure que son libre-arbitre a été anéanti, effacé, au profit de la pensée unique.



En effet, ce questionnement représente pour les "gardiens du dogme" ou les chefs du parti politique un danger, une remise en question de celui-ci et partant la perte totale d'ascendant sur les membres de la communauté ou du parti.



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Celui qui va vers elle ne revient pas

Voilà une lecture dense qui mérite que l'on prenne le temps de s'y attarder car, au delà d'une analyse des plus fines d'une communauté et de la société, c'est un récit de vie passionnant et émouvant.

Ou comment se poser des questions peut conduire à l'exclusion et, au final, à une liberté tenue à l'écart, jamais effleurée ni goûtée.

Cela ne se fera pas sans remises en question (justement).

Cela ne se fera pas sans douleurs (au pluriel).

L'auteur quitte ce qu'il a toujours connu, vu et subi.

L'auteur n'est plus un des leurs, il est chassé.

Quel homme devenir après cela ?

Comment retrouver les fondations de soi lorsque toutes ses certitudes, jusqu'aux plus fortes et intimes, s'effondrent ?

Comment poursuivre un chemin, privé de ses enfants, et les savoir là-bas ?

Shulem Deen a payé le prix fort de sa liberté et de son courage.

Il en tire un livre sincère qui ne laissera personne indifférent.
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Celui qui va vers elle ne revient pas

Shullem Deen est un juif ultra orthodoxe vivant dans une communauté repliée sur soi pour éviter toutes les tentations. Impossible de réfléchir, de penser par soi-même et de poser des questions.

Le monde extérieur est totalement inconnu.

Mais sa curiosité lui fait allumer un jour la radio, puis aller à la bibliothèque et de découvertes en découvertes, il remet sa façon de vivre en cause…
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Celui qui va vers elle ne revient pas

On plonge dans l'univers des Hassidiques, communauté qui fascine par son côté secret et mystérieux. L'auteur en toute transparence nous livre ses interrogations sur sa foi, ses doutes, sa colère et surtout ce qui m'a le plus touché sa solitude au sein de sa famille, famille au sens large.



Un récit autobiographique très émouvant. Je suis curieuse de savoir comment ses liens avec sa famille ont pu évoluer avec le temps.



Une lecture très intéressante, un récit qui se dévore à chaque page.

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Celui qui va vers elle ne revient pas

"Kol bo'eho lo yechouvoun -Celui qui va vers elle ne revient pas." Tels sont les mots de la Bible envers la femme adultère. Tels sont ceux du Talmud envers l'hérésie".



Shulem Deen est né en 1974 dans une communauté hassidique de l'état de New-York, des Juifs ultra-orthodoxes. A l'adolescence il fait le choix d'intégrer la communauté skver, une des plus extrêmes et des plus isolées des Etats-Unis.



Dans la ville de New Square, fondée dans les années 1950 sur le modèle d'un shtetl par un rebbe venu d'Ukraine, les Skver vivent entre eux et se marient entre eux. Ils parlent le yiddish (certains ne maîtrisent pas l'anglais), l'éducation -surtout celle des garçons- est uniquement centrée sur la religion, ils portent des habits traditionnels, la radio et la télévision sont interdites. Tout ceci tient grâce à la peur, peur de Dieu, du rabbin et des maîtres qui frappent leurs élèves, du qu'en dira-t-on, et les coupe de ce qui n'est pas leur communauté. En France on dirait que c'est une secte.



Hommes et femmes sont concernés par des interdits spécifiques mais je découvre avec surprise que ceux-ci sont plus nombreux pour les garçons. Les filles sont par exemple autorisées à étudier la littérature anglo-saxonne, l'histoire et même un peu d'art et de sciences.



Shulem Deen s'est marié à 18 ans avec une femme qu'il ne connaissait pas. Même la vie intime du couple est régie par des règles religieuses : "Nous accomplissions la mitsvah [commandement] tous les mardis et vendredis soirs après minuit, exactement comme on m'avait dit de le faire, en veillant à la "sainteté" et à la "pureté" de nos actes ; nous récitions les prières requises ; nous tendions une couverture en travers de la fenêtre ; nous évoquions la vie de certains Justes ; nous échangions deux baisers sur la bouche ; puis nous le faisions rapidement, "comme sous la menace d'un démon" -la puissance de cette expression suffisant effectivement à priver l'acte lui-même de toute charge érotique."



Malgré cela le couple fait connaissance, s'apprivoise et Shulem commence à ressentir de la tendresse et parfois même de l'amour pour sa femme. C'est cependant à la naissance de son premier enfant qu'il découvre vraiment ce qu'est l'amour.



Mais il arrive aussi à Shulem Deen de se poser des questions sur ses choix de vie (il traverse une phase de doute au moment de son mariage) et sur le monde qui l'entoure. Une nuit, après avoir longtemps hésité, il se décide à écouter la radio. A partir de cette première transgression, toutes les barrières vont tomber petit à petit : Shulem fréquente une médiathèque, il achète un ordinateur, se connecte à internet et échange avec des inconnus puis tient un blog. Enfin, il achète un poste de télévision ! Il s'aperçoit que sa foi le quitte et que plus il cherche à la retenir, plus elle s'éloigne. Les offices du samedi matin qui lui semblaient si chaleureux l'ennuient maintenant. Cette évolution est un véritable traumatisme pour lui : "Plus rude encore fut la découverte du champ de ruines que laissait ma foi en partant. Je devais ériger par moi-même un nouveau système de valeurs -mais comment ? Quand ce en quoi vous avez toujours cru se voit remis en question, quelles sont les valeurs que vous conservez et celles que vous jetez par dessus bord ? Comment démêler le vrai du faux, le juste et l'injuste quand vous n'êtes plus guidé par la volonté de Dieu ? Et surtout, si nous ne sommes que le fruit d'une rencontre accidentelle entre un peu de matière et d'énergie, sans autre objectif que la satisfaction immédiate de nos besoins vitaux, quel sens donner à notre existence ?"



Shulem Deen a quitté la communauté skver. Il a été accusé d'hérésie, exclu et obligé de quitter New Square. Son mariage n'y a pas survécu. Il a divorcé. Dans un premier temps il a continué à voir ses cinq enfants toutes les semaines puis ceux-ci ont été repris en main par leur entourage et les aînées ont refusé de le voir. Aujourd'hui il ne voit plus les plus jeunes que six fois par an et en souffre beaucoup. Dans ces moments très difficiles d'adaptation à un nouveau monde dont il ne maîtrise aucun code il a été soutenu par une association qui aide les Juifs hassidiques qui le souhaitent à quitter leur communauté et dans laquelle il s'est investi.



J'ai été fascinée par la découverte des conditions de vie de cette communauté repliée sur elle-même et dont je n'ai dit qu'un peu ici. Du coup j'ai voulu en savoir plus sur le hassidisme et je me suis tournée vers Une histoire des Juifs de Pologne qui contient un chapitre sur le sujet. Le hassidisme est né en Pologne au milieu du 18° siècle. C'est un mouvement mystique d'origine populaire qui recherche "un accès à Dieu sans le recours à une hiérarchie, sans le barrage que les érudits ou maîtres à penser avaient sciemment établi". Shulem Deen montre bien comment ce mouvement s'est sclérosé au 20° siècle : "En vérité, à l'exception d'un petit bataillon de mystiques et de quelques survivances de pratiques anciennes -dévouement au rebbe et manifestations collectives accompagnées de chants et de danses-, les hassidim du XX° siècle paraissent bien loin du mysticisme, de l'extase, de la mélancolie et de la joie du Baal Shem Tov [fondateur du mouvement] et de ses disciples. Ils semblent au contraire avoir régressé vers l'autoritarisme et l'inflexibilité auxquels le hassidisme avait pourtant cherché à mettre fin."



Je ne peux que saluer le courage de l'auteur qui a réussi à s'extraire de ce milieu étouffant et qui cependant réussit à en parler sans aigreur. J'ai trouvé passionnant cet ouvrage qui est en plus fort bien écrit.
Lien : http://monbiblioblog.revolub..
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Celui qui va vers elle ne revient pas



Cette histoire, c’est celle d’une personne qui grandit dans la carapace trop étriquée d’une communauté aux multiples interdits. D’abord émerveillé et convaincu par les préceptes qui l’ont structuré, Shulem Deen s’en détourne progressivement à mesure qu’il goûte à la liberté. En effet, il n’est pas question pour les skver de se mélanger au monde extérieur, vu comme corrompu et menant à la perdition.



L’auteur nous raconte alors son cheminement, de l’enfance à son exclusion, mais aussi des accusations lancées contre lui. Cette exclusion, il avoue l’avoir redoutée autant qu’appellée, parce que le prix à payer pour enfin respirer revient à tout perdre pour gagner l’essentiel.



J’ai adoré découvrir les pratiques et traditions des skver à travers les yeux de Shulem Deen. Tout est si complexe et éloigné de mon monde, que le dépaysement fût total. Bien après et séparé de la seule vie qu’il connaît (lorsqu’il était dans sa communauté), tout est à réapprendre et la solitude est difficile à apprivoiser. J’ai été sincèrement touchée par sa quête de vérité et la manière dont il décrit cette cruelle sensation de détester son quotidien, de s’y sentir étouffer sans y voir aucune sortie de secours.



En bref, j’ai adoré cette autobiographie que j’ai trouvée équilibrée. Shulem Deen dépeint son histoire et les personnes qui l’ont blessé, sans toutefois condamner qui que ce soit. Malgré toutes les souffrances endurées pour en arriver là, Shulem Deen se relève et ose la liberté ! Quel courage !
Lien : https://allezjelis.com/jai-l..
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Celui qui va vers elle ne revient pas

Celui qui va vers elle ne revient pas. Tels sont les mots de la Bible envers la femme adultère, tels sont les mots dans le Talmud envers l'hérésie.

L'auteur est américain, ce livre est autobiographique, l'auteur est né dans une communauté très fermée, les skvers, établie dans l'Etat de New-York. Il nous conte le cheminement qui l'a mené à douter, puis de sa lente perte de la foi. Jusqu'à son expulsion pour hérésie de la communauté hassidique à laquelle il appartient, alors qu'il est marié depuis 10 ans et père de 5 enfants. Ces juifs ultra-orthodoxes sont reconnaissables à leur style vestimentaire datant du XVIIIe siècle, hérité de leurs ancêtres venus d'Europe centrale, longs caftans noirs, grands chapeaux bordés de fourrure et longues papillotes, ils parlent le yiddish et certains ne parlent pas la langue vernaculaire. Les femmes portent des perruques et sont habillées de longues jupes informes et de châles masquant le plus possible leur féminité, elles se réalisent uniquement dans la maternité. Ils ont un mode de vie centré sur l'étude de la Bible et la famille, un rigorisme puritain fait de leur communauté un monde à part que l'auteur décrit ici. A aucun moment l'auteur ne transgresse la loi juive mais celle, très stricte, de sa communauté. Mais il est curieux du monde quelquefois entrevu.

Un jour il cède à la tentation et rentre dans une bibliothèque, il est déjà père de 2 ou 3 enfants, à partir de ce moment plus rien ne peut arrêter sa curiosité. Parallèlement il met en doute les paroles rabbiniques qui régissent sa vie dans les moindres actes de la vie quotidienne.

C'est remarquablement bien écrit et accessible à tout lecteur, l'auteur arrive à travers son histoire, à dénoncer les principes ultra conservateurs qui séparent les femmes et les hommes. Il parvient sans agressivité, à nous faire comprendre comment en réduisant les études à des sujets inadaptés aux réalités du monde actuel et en rejetant ce qui est différent, cela conduit à une fermeture d'esprit dangereuse pour les communautés

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Celui qui va vers elle ne revient pas

The choice is yours



« On ne peut pas laisser les règles des autres définir qui l’on est. » Elizabeth Brundage in Dans les angles morts



Cette phrase, tirée du livre « Dans les angles morts », se marie admirablement bien avec le sujet de ce livre magnifique.



Shulem Deen est un homme qui s’en est sorti. Non pas que la situation dans laquelle il était était en valeur absolue un problème, mais c’est ainsi qu’il le vivait. De religion juive, Shulem Deen, à la mort de son père, alors qu’il n’était âgé que de 13 ans, avait besoin d’une communauté qui l’accueille, qui lui offre un soutien. Tout cela, et bien plus encore, trop peut-être, il l’a trouvé dans la communauté hassidique de New Square, petite commune de 7000 habitants environ, au nord de New-York, à 45 minutes de bus de Manhattan.



Cette communauté a été fondée au milieu des années 50 et devait s’appelait New Skver en hommage à la communauté juive skver issue de l’Europe de l’Est. Pour décrire cette communauté et son mode de vie, disons qu’ils rejettent tout modernisme et dans leur foi et dans leur mode de vie. Pas de télé, pas de radio pas de journaux, pas d’études d’anglais, de mathématiques ou d’histoire. L’étude du droit leur permet de rédiger sans sourciller un contrat valable du temps de la splendeur de la civilisation sumérienne ou de savoir comment proprement égorger tel ou tel animal mais ils sont incapables, pratiquement, de se mêler au monde dont la communauté fait tout pour se couper.



Le code vestimentaire en vigueur est le triptyque schtreimel, téphillim et papillottes.



Au sein des communautés ultra-orthodoxes juives, la communauté skver, de l’aveu même de Shulem Deen, passe pour une des plus extrémistes qui soit… certains des membres de la communauté ne parlent pas anglais et ne s’expriment qu’en yiddish.



Grandissant dans cette communauté, Shulem Deen s’est fatalement marié à une jeune fille issue de cette communauté qu’il a pu rencontrer au court d’une présentation de 7 minutes totalement épique et ubuesque.



Il va sans dire que cette isolement, volontaire, s’accompagne d’une soumission sans faille exigée par le rebbe et ses sbires (en gros le reste de la communauté dans la mesure où ce type de protectionnisme exige l’implication de chacun dans un système d’auto-surveillance et d’auto-délation).



Et pourtant, au cœur même de Shulem Deen, tout concourt à faire grossir sa propension à (se) questionner. Tout commence par la remise en question que Shulem Deen fait de sa propre foi avant d’étendre ses interrogations à la foi telle qu’elle est mise en avant, prônée, par les autorités religieuses.



Si au départ, il parvient à garder secrets ses propres doutes, y compris aux yeux de sa femme et de ses enfants, il devient au fil du temps de plus en plus dur de cacher le fait qu’il ait totalement perdu la foi. A partir de cet instant il est tiraillé entre son désir de s’émanciper et le besoin qu’il ressent malgré tout de continuer à faire partie d’une communauté, et d’une famille, aussi castratrice soit-elle.



Les origines des remises en causes auxquelles procède Shulem Deen sont multiples. Elles prennent racine dans un terreau familial propice : son père et sa mère étaient des orthodoxes qui n’hésitaient pas à s’ouvrir aux athées, aux juifs non pratiquants voire aux non-juifs. Elles se construisent ensuite à travers une jeunesse passée dès le plus jeune âge à douter. On sent que le doute ne s’est pas insinué en une seule fois en Shulem Deen mais qu’il a pris le temps de germer au fil des années, sachant rester en sommeil quand il le fallait, à la mort du père, par exemple, se terrant dans l’ombre d’une foi déjà vacillante pour mieux resurgir à l’âge adulte.



De toute les façons, le mode de vie de la communauté skver n’est pas fait pour favoriser l’attitude de Shulem Deen. Et son donc bien finalement la communauté qui prendra en quelque sorte la décision pour Shulem Deen : celle de le rejeter, de le bannir pour hérésie. Mais le fait que cette exclusion vienne de la communauté et non pas de Shulem Deen lui-même aura des conséquences dramatiques sur ses relations avec d’une part sa femme mais aussi et surtout d’autre part ses enfants.



Le livre de Shulem Deen est un témoignage somptueusement écrit et magnifiquement traduit avant tout. Mais c’est un livre sur l’importance de faire des choix, même si certains sont imposés ou provoqués, et surtout de les assumer, quoi qu’il en coûte. C’est un livre sur la libre conscience de l’homme qui ne devrait échapper à personne mais que le poids et le pouvoir d‘une communauté peu endiguer et mettre sous l’éteignoir. Le poids du nombre en impose fatalement à l’individu.



C’est ainsi le sens qu’a pris la vie de Shulem Deen : seul face à une communauté, il s’est engagé dans une association « Footsteps » qui vient en aide aux personnes qui souhaitent s’extraire de ces communautés qui ressemblent beaucoup à ce qu’on appellerait chez nous une secte mais qui n’est pas reconnue comme telle par les pouvoirs américains.
Lien : https://wp.me/p2X8E2-UZ
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