Sophie Duquesne

– Peut-être qu'il va finir par partir, a dit Ludo, son bol de Special K à la main, regardant par la baie vitrée, tandis que je tapais frénétiquement sur le clavier de mon ordinateur. Si on l'ignore suffisamment longtemps.
– Ça ne réglera pas le problème, a fait remarquer Anna.
– Non, mais ça deviendra celui de quelqu'un d'autre.

C'est fou comme les gens aiment s'attribuer le mérite de votre propre réussite.

« Acceptez, c'est tout.
Je hoche la tête avec un sourire contrit. Je n'arrive pas à croire ce qui vient de se produire. »

Et puis, au moins, tu n'es jamais tombée sur un psychopathe criminel et repris de justice !

J'ai toujours fait passer les autres avant moi, maintenant, il faut que je fasse une petite place à mon propre bonheur.

Fini les tergiversations. J'avais perdu assez d'occasions d'être heureuse dans le passé à cause de mes doutes et hésitations.

J'étais si triste mais tellement heureuse à la fois de pouvoir compter sur ces cinq personnes pour m'alléger un peu de mon fardeau en me permettant de partager ma peine.

Tu n'as pas à subir les pires humiliations sous prétexte qu'il t'a apporté un niveau de vie que tu n'aurais jamais espéré !

Tu mérites quelqu'un qui soit fier d'être avec toi et qui se rende compte de la chance qu'il a de t'avoir.

Tu n'es pas faible, tu es un être humain. Tu as souffert, les gens ont le droit de le savoir, et ce n'est pas une tare. Quand on connaît ton passé, on comprend ton présent.

Le destin. Quelle belle connerie ! C'était l'excuse idéale de toutes ces personnes qui n'avaient pas l'audace de prendre leur vie en main. [...]. Ça rassure, de se dire que nos misères sont écrites et inévitables, il ne faudrait surtout pas qu'on s'imagine qu'on aurait pu être heureux si on s'était donné la peine de se bouger les fesses. Non, ce n'est pas notre faute. C'est la faute du destin.

Je n’ai jamais été douée en maths, et l’exercice de statistiques ne m’avait pas rapporté tellement de points à l’épreuve du bac. En effet, il existait un troisième scénario qui m’avait échappé : celui où, en chemin vers le ranch, je tombais en panne d’essence sur le bord de la route, au milieu de nulle part, en plein dans un virage si possible.

On ne peut pas toujours compter sur les hommes pour faire le premier pas. Parfois, ils sont aussi timides que nous. Parfois, ils le sont même encore plus.

C’est toute l’évolution de la vie sociale de nos semblables qui s’étale au soleil, sur le sable fin de cette plage. D’abord, il y a ceux (ou celles) qui partent entre amis puisqu’ils n’ont pas encore de famille à eux. Puis il y a ceux qui partent en amoureux parce qu’ils ont enfin trouvé quelqu’un. Et enfin, il y a les familles. Parfois, on peut avoir connu l’étape trois et revenir à l’étape un. Ce qui peut être très dur à vivre quand on croit que l’étape trois est acquise à vie.

J’adore ça. C’est incroyable ce qu’on peut apprendre du mode de vie des gens rien qu’en les regardant. Par exemple, une heure plus tôt, un couple mal assorti s’était installé sur notre gauche. La femme, taille moyenne, peau bronzée, longs cheveux noirs, lunettes de soleil sur le nez et casque audio sur les oreilles, s’était posée nonchalamment aux côtés de ce que je supposais être son mari (un brin plus vieux, bedaine proéminente et poilue, dégarni de la toiture) et ne lui avait pas adressé un mot depuis leur arrivée. Eh bien, j’étais prête à parier qu’ils étaient venus en grosse voiture. Je ne sais pas pourquoi, une intuition.

Je rêve d’entendre un homme prononcer ces mots depuis la fois où ils ont mis en une un type en costard-cravate, le pied sur les fesses d’une secrétaire en jupe crayon et lunettes épaisses, à quatre pattes, en train de ramasser des papiers étalés sur le sol. C’était il y a trois ans, je ne sais plus quel article cette photo était censée illustrer, mais depuis je me suis juré d’apprécier mon magazine pour ados jusqu’à la fin de ma carrière.

La médecine, c’est ma vie. Mais ça ne doit pas être toute ma vie. J’ai trente-deux ans, je dois penser à fonder ma propre famille au lieu de vivre à travers celle de mes patients. J’ai toujours fait passer les autres avant moi, maintenant, il faut que je fasse une petite.place à mon propre bonheur

Le mec hyper mystérieux qui ne parle jamais de lui ni de ce qu’il fait en dehors de son travail. Qui ne répond pas à mes avances à peine voilées. Non pas que je sois irrésistible, mais je connais assez les hommes pour savoir qu’ils n’hésitent jamais à s’engouffrer par une porte quand celle-ci est à peine entrouverte, même si ce qui se trouve de l’autre côté ne casse pas trois pattes à un canard.

Dans un hôpital, il n’y a pas que les malades qui passent de mains en mains. Et, si vous vous demandez pourquoi l’infirmière en question ne fait plus partie de ma liste d’amis, je vous répondrai simplement que sa loyauté n’avait de limite que son appétit sexuel.

En réalité, c’était plus une sorte de rictus qu’un sourire, une crispation de la commissure des lèvres, bref, un truc un peu bizarre, mais je préférais partir du principe qu’il éprouvait vraiment du plaisir à nous voir. Enfin, à me voir.