Sophie Hannah

Elle rit.

-C’est moi qui vous ai offensé, monsieur Poirot, que vous en ayez ou non conscience. Vous passez chacune de mes remarques au peigne fin à la recherche de l’adoration flagorneuse à laquelle vous êtes habitué, et pourtant vous ne la trouvez nulle part. Voilà qui déconcerte. Vous qui êtes accoutumé à ce qu’on vous fasse des concerts d’éloge, vous jugez forcément hostile le comportement d’une personne qui viendrait à vous parler sur un pied d’égalité.

-Vous ne pensez pas que votre attitude envers moi est hostile? s’enquit-il d’une voix pondérée.

-La Sculpure pivota sur son siège pour pouvoir le toiser plus franchement. Il sembla à Poirot qu’elle hésitait à lui dire quelque chose.

-Le travail de toute votre vie – la mission que vous vous êtes donnée, cette vocation qu’à coup sûr vous jugez noble et sacrée – consiste à traîner les meurtriers devant la justice. Vous en convenez?

Poirot réfléchit. Il finit par répondre:

-Je n’ai jamais considéré que j’avais une mission. J’estime que certaines choses sont sacrées: le droit de tout homme, femme et enfant de vivre la vie qu’on lui a donnée et de ne pas voir son existence fauchée avant l’heure par la violence. L’importance de maîtriser les éléments anarchiques dans la société, de sorte à assurer la sécurité de celles et ceux qui souhaitent vivre en paix et conformément à la loi; (Sur ce, il hocha la tête, satisfait de sa réponse) Tel est l’objectif d’Hercule Poirot. En ce sens, traîner les meurtriers devant la justice est une nécessité, je vous le concède, mais tout ce que j’entreprends vise à protéger ce que je chéris par-dessus tout.

(...) La tache de sang, regardez-la bien. Est-ce que rien ne vous frappe ?
-- Eh bien, vous allez peut-être me taxer de pessimisme, mais j'ai peur qu'elle ne s'efface jamais et que lady Playford doive changer de tapis, répondit O'Dwyer.

-- Ah, vous autres Anglais ! Qu'importe l'émotion qui vous étreint, ou la fureur qui bouillonne en vous, votre désir de n'en rien laisser paraître est le plus fort.

Chaque fois que je paie (la pilule du lendemain), j'ai l'impression de régler ma cotisation au seul club au monde auquel je souhaite adhérer, celui des sans-enfants.

Communiquer ses sentiments aux autres n'était jamais une bonne idée. Les ressentir était déjà assez pénible, alors pourquoi les partager ?

Celer et déceler : ces deux mots contraires riment pourtant l’un avec l’autre, et cela me paraît un heureux hasard. Car, comme le savent tous les bons conteurs, les tentatives de dissimulation, même infimes, peuvent être très révélatrices, tandis que de nouvelles révélations dissimulent souvent autant de choses qu’elles en mettent en lumière.

Je suis habituée à obtenir ce que je veux, comprenez-vous. Ma décision est prise. Le facteur psychologique influe grandement sur l’état physique, les meilleurs médecins en conviennent, et donc je vous ai donné une raison de vivre, une chose pour laquelle certains seraient prêts à tuer.

Cette intrigue est un tel méli-mélo qu’il reste encore des tas de choses à découvrir dont Joseph n’a rien dit. Et puis j’espère qu’on ne lit pas mes livres uniquement pour leur dénouement. M. Poirot n’a pas l’esprit aussi borné, j’en suis certaine. Ce qui compte, c’est le déroulement des faits, ainsi que la psychologie des personnages.

C’est seulement parce que si je me mettais à genoux, je ne m’en relèverais pas. Pour le soleil, il est facile de se coucher et de se lever à nouveau, mais pas pour moi, dans mon état.

Quand il arrive qu’on rencontre collectivement un certain nombre de personnes qui nous sont inconnues jusqu’alors, on sait d’instinct avec lesquelles on aura envie de parler et celles qu’on préférera éviter.

Les êtres humains sont ainsi faits qu’ils aiment suivre leurs schémas habituels, et je ne fais pas exception à la règle. Or, j’agis rarement par choix, dans ma vie quotidienne, et suis donc enclin à me soumettre quand quelque chose survient que je préférerais éviter.

Celer et déceler : ces deux mots contraires riment pourtant l’un avec l’autre, et cela me paraît un heureux hasard. Car, comme le savent tous les bons conteurs, les tentatives de dissimulation, même infimes, peuvent être très révélatrices, tandis que de nouvelles révélations dissimulent souvent autant de choses qu’elles en mettent en lumière.

Je sens ma gorge se serrer sous le coup de cette douloureuse accusation. Je sais qu'il est hors de lui, mais comment peut-il déblatérer tant de sottises sur mon compte, en face d'un inconnu, qui plus est ? Jamais, je n'oserais faire de même à son encontre. L'amour ne comporte pas un bouton "marche, arrêt", qu'on peut actionner à loisir. Puis je m'avise que c'est sans doute la force de son amour pour moi qui alimente sa colère. Cela m'arrangerait.

Quand on se donne des règles de sainte, on devrait au moins s'efforcer de bien comprendre les bases même du christianisme non ?

Quelles que soient les règles, les gens ne les considèrent pas tous de la même façon. Des caractères comme le mien sont rétifs à toutes formes de contraintes, mais certains les acceptent volontiers, car cela leur donne un sentiment de sécurité. Ils se sentent protégés.

Entre autres fâcheuses habitudes, j'ai en effet la manie de me perdre en vaines conjectures.

"Que tu sois blâmé n'est pas un défaut chez toi, car la supériorité a toujours été l cible de la calomnie. La beauté a pour ornement le soupçon, ce corbeau qui vole dans l'air le plus pur du ciel. Pourvu qu'il soit réel, la calomnie ne fait que rendre plus évident un mérite que le temps consacre , car le ver du mal aime les plus suaves bourgeons, et tu lui présentes un printemps pur et sans tache. Tu as traversé les embûches de la jeunesse ; tu en as évité les attaques ou les as supportées en vainqueur. Pourtant l'éloge qui te revient ne peut t'appartenir au point d'enchaîner l'envie qui va grandissant toujours. Si le soupçon de la malveillance ne masquait pas ta splendeur, tu possèderais seul le royaume des coeurs. Sonnet LXX William Shakespeare traduit par François-Victor Hugo

Voilà qui m'encourage.En l'absence de preuve concrète, ces dames ont l'air perdues. JE suis peut-être malheureuse, tourmentée par mon mari, désespérée de ne pas retrouver ma fille,seule sans pouvoir compter sur une aide quelconque, mais,au moins, je connais la vérité.J'ai cet avantage.

Mon apparence a considérablement changé depuis que j'ai quitté les Ormes.Je n'ai plus les cheveux longs et blonds, mais brun foncé et courts. Je porte des lunettes dont je n'ai aucun besoin et ce genre de maquillage excessif que j'adorais adolescente. Je ressemble un peu à l'inspecteur chef sans coeur de Simon.

J'ai la gorge tellement nouée que je ne respire plus. Je sais que mon estomac protesterait violemment si je tentais d'y introduire davantage qu'un verre d'eau. Silencieusement, je regarde Vivienne quitter la chambre.