Citations de Sophie Marvaud (134)
Quel courage il fallait — ou quelle désespérance ! — pour partir sur des mers inconnues sans moyen fiable de calculer sa position !
Les romans « historiques » se contentent parfois de transposer nos préoccupations dans un décor du passé plus exotique. J’ai cherché au contraire à être aussi fidèle que possible à l’histoire du XVIIe siècle, y compris à la manière de penser des gens de l’époque. Privilégiant l’esprit à la lettre, j’ai pourtant choisi d’utiliser une langue moderne. Le français de la fin de la Renaissance est encore très différent du nôtre. Tout en comprenant très bien que d’autres auteurs effectuent un choix différent, j’ai préféré ne pas créer une distance artificielle entre les personnages et les lecteurs.
Quel malheur de passer pour un homme aux yeux de celui qui m’attirait si fortement !
Je souriais toute seule en rêvant à des humains amicaux qui nous offriraient des fruits inconnus et nous conduiraient dans des maisons couvertes de fleurs... Ces rêves me délivrèrent de l’attitude que, sinon, j’aurais prise malgré moi, avec le regard honteux et le pas pressé d’un indiscret.
Comment se faisait-il qu’un pays aussi riche produise autant de mendiants ? Etait-ce l’or des Amériques qui avait concentré toutes les richesses en peu de mains, rendant le peuple encore plus pauvre ?
La différence de statut entre les hommes et les femmes ne s’explique au départ que par la force physique supérieure des hommes. Ensuite, elle a été maintenue grâce à toutes sortes d’inventions masculines : pas d’instruction pour les femmes — car le savoir aide à devenir autonome —, interdiction d’exercer un métier valorisant, idéalisation du rôle de mère et d’épouse, et toutes sortes de théories plus ou moins stupides, y compris religieuses...
Il lui fallait un critère de comparaison ; il a décidé que ce serait la taille. L’homme est plus grand que la femme, il a un crâne plus volumineux, etc. Selon lui, ce sont autant de preuves que le masculin est supérieur au féminin. Arrivé à la poitrine, il s’est heurté à un problème : elle est plus développée dans sa version féminine... Qu’à cela ne tienne !
L’homme est une créature extraordinaire, dans le bien comme dans le mal.
N’oublie jamais que le moindre péché permet à Lucifer de s’engouffrer en toi et ensuite de te hanter.
Quelle libération de retrouver un usage efficace à mes mains ! Quel soulagement de dépenser sans dégâts l’énergie sauvage accumulée par trop de souffrances ! Et quelle euphorie d’apprendre à me défendre contre des agresseurs potentiels !
J’ai bien observé nos marins et nos soldats. Ils sont beaucoup mieux traités que ceux qui servent Charles Ier, d’accord. Mais la plupart restent des brutes que seule la misère a contraints d’embarquer. Ils sont tous en manque de femmes, au point que la jeunesse des mousses les fascine. Sans la discipline de fer imposée par le capitaine, certains n’hésiteraient pas à les violer. S’ils savaient qu’il y a une fille à bord, elle occuperait en permanence leurs pensées.
La beauté de chaque étoffe la touchait : la laine chaude et le lin frais, le chanvre rugueux et la soie merveilleusement douce.
Elle aimait faire partager son émerveillement aux clients et les guider dans leur choix : à un riche bourgeois brutal et porté sur la boisson, elle suggérait du vert tendre ; à une dame mélancolique au grand front pâle, elle conseillait un orange éclatant...
Le portraitiste a besoin de bien connaître son sujet. Car chaque détail du tableau va nous transmettre un message.
— Quand il y a une épidémie, ce doit être terrible...
— C’est ça, l’enfer, frère Paolo. Les cris de souffrance, les corps déformés par la maladie, les flammes... Les miséreux sont les premiers frappés mais bientôt toute la société est touchée, y compris la Cour. La dernière fois que la peste a envahi Londres...
Il faudrait pouvoir comparer notre heure au soleil avec celle du méridien de référence. Ce serait facile, si seulement on pouvait emporter une horloge réglée à l’heure de ce méridien. Mais, sur un navire, les horloges se détraquent tout de suite, parce que les balanciers sont perturbés par le roulis et le tangage. Alors, à défaut, on estime la vitesse du navire et sa direction, et on en déduit la longitude. Et régulièrement, de minuscules imprécisions entraînent de grosses erreurs de calcul...
Je crains les jaloux autant que les idiots.
Et la personne que j’avais jusque-là le plus aimée et admirée, mon père, n’avait pas eu un mot de compassion pour moi, violée, humiliée, et dont l’avenir était détruit. Pourquoi la justice s’était-elle ainsi acharnée sur moi, la victime, sans réellement punir le bourreau ? Avais-je commis une faute sans en avoir conscience ?
Je me sentais absolument seule... Abandonnée de tous...
Jamais je ne redeviendrai une femme ! Jamais ! Le monde est trop injuste pour nous !
De victime, j’étais devenue fautive. D’être une femme. D’être attirante pour les hommes. Sans avoir rien fait pour provoquer Marco, au contraire. Hier, dans l’atelier, par-dessus mes vêtements habituels, j’étais vêtue de ma blouse de peintre, qui dissimulait aussi bien mes hanches que mes épaules et la naissance de mes seins ; travaillant sur une toile, je n’avais même pas relevé la tête lorsqu’il était entré.
Dans la vie exaltante qui m’attendait ne se trouvait nulle place pour un mari qui pourrait m’interdire de peindre, et encore moins pour un amoureux ; je l’acceptais. Je me concentrais sur mon travail et il suffisait à me rendre heureuse...