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Critiques de Sophie Tolstoï (20)
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A qui la faute ?

Elle était jeune. Lui, nettement plus âgé.



Elle voulait l’amour. Il lui a fait treize enfants.



Elle était la correctrice. Lui, l’écrivain.



Elle vécu dans l’ombre. Il mourut en icône.



Elle l’aimait. Lui aussi, différemment.



Elle s’appelait Sophie et lui Léon.



Il a écrit la « Sonate à Kreutzer » et elle lui a répondu dans “A qui la faute?”







Ce roman peu connu de la littérature russe sorti pour la première fois en 1994, c’est-à-dire un siècle après son écriture. L’auteure, Sophie Tolstoï, l’épouse du mythique Léon Tolstoï, règle ses comptes avec ce dernier en pastichant une de ses œuvres à coups de détails autobiographiques. Analyse.



Pour comprendre toute la portée du roman "A qui la faute?" il faut une nécessaire remise en contexte. Sophie Andreevna Tolstoï est une femme profondément blessée par la nouvelle misogyne “La Sonate à Kreutzer” écrite par son célèbre mari. Elle estime qu’il s’agit d’une attaque ciblée à l’encontre de sa personne et décide de répondre à Léon Tolstoï en empruntant un chemin qui l’atteindra directement: celui de l’écriture. Il faut dire qu’elle ne s’est pas improvisée écrivaine du jour au lendemain puisqu’elle était déjà la lectrice, correctrice et première critique des œuvres de son mari.



Pour répondre au roman misogyne de Tolstoï, elle reprend dans sa fiction la trame de la Sonate à Kreutzer — une femme mariée trop jeune qui découvre les réalités du mariage ainsi que les affres d’un mari jaloux maladif — et y ajoute une foule d’indices à caractère autobiographique qui concernent son propre couple:



“Entre-temps, Anna s’habituait peu à peu à sa position et s’attachait à son mari. Elle essayait de participer autant que possible à sa vie et aspirait à l’aider. Elle l’accompagnait dans ses déplacements liés à la gestion du domaine, lisait ses articles et recopiait en reportant les corrections ; le soir, le prince ou Anna lisait à haute voix de nouveaux livres ou des revues dans la chambre de la vieille princesse.”



Ainsi, les états d’âmes d’Anna — l’héroïne du roman — concernant son malaise face à sa nouvelle vie d’épouse ne sont pas sans rappeler la vie de Sophie Tolstoï, alors âgée de dix-huit ans, et qui épousa un Léon Tolstoï de vingt-cinq ans son ainé. Nous pouvons aisément comprendre le choc que pouvait produire un mariage pour les jeunes femmes qui passaient, en un claquement de doigts, de la période de l’enfance à celle de l’adulte. Le fantasme du mariage version conte de fées se voyait ainsi explosé dès les premiers jours de vie commune.



Dans “A qui la faute?” l’auteure dépeint non seulement un mari d’une jalousie maladive mais aussi un homme faisant fi de toutes considérations lorsqu’il était question de sexualité:



“Elle se souvenait aussi des nuits où, ayant passé plusieurs heures d’affilée auprès d’un petit malade, elle se retirait, exténuée, dans sa chambre dans l’espoir d’y goûter un peu de repos et où le prince, sans remarquer sa fatigue ni son chagrin, lui ouvrait son étreinte et réclamait sauvagement, passionnément qu’elle répondre à ses avances ; alors, épuisée physiquement et moralement, offensée par son indifférence, elle pleurait sans qu’il y prêtât attention, mais se soumettait à ses désirs, craignant de perdre l’amour de l’homme auquel elle avait jadis confié sa vie.”



Il est permis de faire un parallèle avec la vie du couple Tolstoï qui eut treize enfants. Sophie Tolstoï écrira d’ailleurs dans son journal intime avoir été tourmenté, dès les premiers jours de son mariage, par l’amertume de ne rencontrer chez son époux qu’un désir charnel, elle qui désirait quelque-chose de plus grand qu’eux, qui les élève plus qu’il ne les laissent chevillés à un besoin naturel tel que le sexe. Le personnage d’Anna ne dira pas autre chose, elle qui aime parler de philosophie et qui se questionne sur ce que devrait être une vie saine.



Ainsi, si nous mettons les deux romans, “La sonate à Kreutzer et “A qui la faute? ” côte à côte, nous pouvons nous rendre compte que l’évolution des deux héroïnes est en parfaite opposition. Chez Léon Tolstoï, elle vivra une fugace passion sensuelle avec une autre personne que son mari tandis que chez Sophie Tolstoï, sa recherche de pureté prendra le pas sur toute considération sentimentale. D’un côté un roman qui semble accuser la faiblesse de la femme et de l’autre une réhabilitation qui passe par des raisonnements métaphysiques. C’est d’ailleurs ce qu’on pourrait reprocher à l’auteure russe qui semble se perdre dans des considérations religieuses juste pour essayer d’atteindre Léon Tolstoï en plein cœur.



Mais au final comme l’énonce le titre, à qui la faute? 😉


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A qui la faute ?

La musique recèle des pouvoirs insoupçonnés, notamment de révéler chez certains les sentiments les plus intenses jusqu’à leur faire perdre la raison. Pour Léon Tolstoï, c’est la Sonate à Kreutzer de Beethoven. Elle lui a inspiré une œuvre littéraire à coloration autobiographique mettant en lumière une vie conjugale chaotique, désenchantée dans laquelle l’auteur déverse toute sa haine et sa rancœur contre le mariage qu’il méprise au point de le considérer comme une institution mensongère.

Face à ce discours radical, et se sentant certainement outragée, Sophie Tolstoï choisit de prendre la plume pour répondre au récit pamphlétaire de son mari en adoptant également le ton romanesque.



Dans la Russie des notables, Anna, jeune fille issue de bonne famille et terriblement idéaliste s’éprend du prince Prozorski, que des désirs romanesques pousseront à épouser. Mais le tempérament égoïste, orgueilleux et excessivement jaloux de l’époux transforme très vite ce mariage en une succession de déceptions pour Anna en quête d’un amour transcendant, exalté, sublimé …bien éloigné de l’amour charnel arboré par l’époux dont la jalousie exacerbée va faire perdre la raison.

Avec une écriture portée par le vibrato de l’amour idéalisé, angélique qui imprime une note désuète à ce récit Sophie Tolstoï marque le contraste avec le récit de Léon Tolstoï dans lequel un homme, Pozdnychev, profite d’une discussion avec des voyageurs à bord d’un train pour exposer sa vision des femmes et de l’impossible bonheur conjugal, lui qui a tué son épouse à cause de sa jalousie haineuse et féroce.



Le récit de l’écrivain expose de manière remarquable la progression de la jalousie contre laquelle lutte l’époux. Il saisit avec force et lucidité les scènes clés et les instants de vie de ce couple en perdition. Mais le discours de Pozdnychev derrière lequel se cache Léon Tolstoï se brouille sous le poids de l’ambivalence de l’auteur, qui bascule entre quête des aspirations spirituelles les plus élevées et abandon aux instincts charnels qu’il considère les plus répugnants mais inévitables pour l’homme. La réflexion s’attache à démontrer que le bonheur conjugal est impossible, surtout au regard de la condition des femmes, à la fois légères, faibles, manipulatrices, incapables de réprimer les appétences animales de leur mari mais aussi prisonnières de l’hypocrisie des mœurs.

C’est précisément à cette considération que Sophie Tolstoï a tenu apporter une réponse : prenant le lecteur à parti, elle expose sa justification de l’échec du mariage d’Anna.



Cette œuvre à effet réfléchissant est inédite, elle suggère un dialogue par plume interposée. Mais là où Léon Tolstoï se laisse entraîner dans ses vérités universelles, son épouse engage un récit plus intime laissant davantage le vécu personnel s’immiscer dans l’œuvre.

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Ma vie

Depuis plusieurs mois je vagabonde ene Russie, l’écoute de Maître et serviteur, le témoignage de Tatiana Tolstoï ou l’hommage appuyé de Dominique Fernandez, il me restait à lire Sofia Tolstoï, qui mieux qu’elle pouvait restituer cette époque, le domaine Iasnaïa Poliana, la vie du créateur d’Anna Karénine ?

Le personnage très contreversé de Sofia Tolstoï m’attirait, était-elle une femme hystérique, jalouse et frustrée, ou bien la victime d’un homme violent, impatient, en proie aux tourments de l’âme ?



Pour une jeune fille de l’aristocratie russe, fille d’un des médecins du Tsar, se retrouver à 18 ans avec la charge d’un domaine, le choc est rude, mais Sofia Tolstoï est capable d’y faire face.

Quand en même temps elle découvre les exigences sexuelles de son mari et doit vivre continuellement soit enceinte soit en train d’allaiter, la réalité est alors brutale pour une jeune fille élevée bien loin de ces réalités.

En vingt ans Sofia Tolstoï mettra au monde 13 enfants et en verra mourir 4, durant toutes ces années le soin des enfants, la surveillance de leur santé, le souci de leur éducation lui reviendront entièrement et sa vie sera rythmée par les grossesses, les accouchements, le sevrage et fausses couches.



Léon Tolstoï aime son domaine d’Iasnaïa Poliana mais en laisse la gestion à sa femme. C’est une toute jeune femme, cultivée, qui parle parfaitement le français et qui a lu « toute la littérature russe et (..) toute la littérature étrangère traduite en russe. »

Elle va devoir mettre de côté ses rêves et se colleter avec la vie quotidienne.

Pendant des années, jusqu’à ce que les études des enfants nécessitent de vivre à Moscou, Sofia Tolstoï va mener une vie frustrante

« Parfois, l'idée d'être irrémédiablement enfermée dans cette vie campagnarde dont je n'avais pas l'habitude m'oppressait terriblement. J'avais envie de bouger, de m'amuser, de trouver à quoi employer mes jeunes forces. ».



Sa vie tourne totalement autour de son époux, elle l’admire, l’assiste, recopie indéfiniment ses manuscrits, sept fois le manuscrit de Guerre et Paix !! et à l’instar de Anna Dostoïevskaïa, elle s’occupera de l’édition de ses oeuvres.

Les années de création sont les années ou totalement dévouée et heureuse de participer à la naissance des grands romans de l’écrivain, Sofia Tolstoï est heureuse. Elle suit les conseils de lecture du grand homme, fait la lecture à haute voix à ses enfants, lit les classiques et les philosophes.



Elle est bien entendu l’hôtesse accueillante mais ce rôle là finira par peser quand se fera interminable le défilé des admirateurs.

Elle trouve peu de compréhension auprès de son mari et surtout aucune reconnaissance :



« Comme je l'aimais, toute ma vie je fus mue par ce désir ardent de lui être utile, de lui plaire en tout. Oui, toute ma vie fut subordonnée à ce désir. Comment y répondait-il ? Eh bien, il devenait de plus en plus exigeant sans jamais m'encourager par son affection ni sa gratitude pour ce que je lui donnais. Je sentis toujours sa sévérité ».

D’épouse craintive et soumise, elle va petit à petit se transformer en femme frustrée et les dernières années de la vie du couple seront totalement empreintes de mésentente et de déchirements.

Sofia Tolstoï écrivain sait raconter la vie quotidienne avec une belle vivacité, on voit vivre la maisonnée, grandir les enfants, on découvre sa famille, les amis, les divertissements. Elle peint avec beaucoup de bonheur la nature, le domaine, les bois, les rivières, les étangs gelés, la cueillette des baies, les courses de charrettes. Elle aime la compagnie de certains visiteurs, elle rencontra à plusieurs reprises Tourgueniev. A Moscou près de sa famille la vie est plus conforme à ses attentes.

Tout au long de cette autobiographie on entend la sincérité dans la voix de Sofia Tolstoï, elle brosse le portrait d’un homme de génie mais humainement en proie aux tourments, perpétuellement exigeant, prônant l’abstinence mais d’une sexualité débridée, jamais satisfait, en proie à des tocades passagères (l’apiculture, les cures de lait de jument, les échecs, la cordonnerie, la chasse) dont tout son entourage fait les frais.

« Lorsque ses entreprises se soldaient par un échec, ce qui arrivait assez souvent, Lev Nikolaïevitch sombrait dans le désespoire et affichait une humeur maussade. »

Lorsqu’il veut, au nom de ses convictions, abandonner ses droits d’auteur, c’est sans se soucier des besoins de sa famille.

Une fois ce livre fermé, mon admiration pour l’écrivain Tolstoï n’a pas changé mais l’homme ne sort pas grandi de ces pages.

Pourtant en écho tout au long l’amour et l’admiration de Sofia Tolstoï s’y répand, envers et contre tout.
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Ma vie

Rédigée à la demande expresse de Vladimir Vassilievitch Strassov, l'autobiographie de la comtesse Sofia Tolstoï – fille d'Andreï Bers, médecin attaché à l'administration de la cour impériale – est essentiellement composée de journaux intimes commencés à l'adolescence comme cela était souvent la coutume dans les milieux privilégiés, d'extraits de correspondance entretenus avec son mari, sa sœur cadette Tania dont Sofia restera toujours très proche, ses enfants et des amis qui lui étaient particulièrement chers.



Évoluant dans un milieu privilégié, Sofia Bers rencontrera très tôt son futur époux, le comte Léon Nikolaïevitch Tolstoï. Sa sœur aînée, Lisa, en étant secrètement amoureuse et Sofia s'étant promise à un ami de son frère Sacha, ce mariage n'aurait jamais dû avoir lieu. Ayant une haute idée du sentiment amoureux, Sofia Bers ne pouvait concevoir d'union qu'entre deux être demeurés purs, ce dont Tolstoï était exempt compte tenu de son passé tumultueux.Enfant et adolescente heureuse et insouciante, Sofia Bers baignera dans un monde où la culture et l'art seront la règle. Parlant couramment le français, comme dans toutes les familles de l'aristocratie russe, Sofia Bers s'ouvrira aux auteurs classiques à travers la lecture de leurs œuvres. Jeune fille élégante et cultivée, elle sera courtisée tout au long de son existence. Néanmoins, sa passion exclusive pour le comte Tolstoï et la conviction de son destin de muse l'ont toujours dissuadée de poser son regard ailleurs.Mariée à dix-huit ans, alors que Lev Tolstoï en avait déjà trente-deux, un passé mouvementé et bien rempli, la jeune comtesse Sofia Tolstoï sait que, désormais, son existence sera exclusivement consacrée à l'amour, à la dévotion, à la passion d'un seul homme, Tolstoï – déjà rongé par ses démons obsessionnels, en proie à des angoisses et à des craintes permanentes d'abandon de la part de celle qu'il chérit. Il n'aura de cesse de lui demander des preuves de cette affection exclusive qu'il attend de son épouse et inspiratrice.Personnage tout à la fois rustre, austère presque ascétique, bourru, à l'humeur versatile, prodigue avec son entourage, amant fougueux à l'âme mystique, Léon Tolstoï exigeait de sa jeune épouse un dévouement sans bornes, sans que jamais celle-ci ne reçoive une once de reconnaissance de sa part.Très rapidement, Sofia Tolstoï prendra à sa charge la gestion du domaine d'Iasnaïa Poliana, laissé quasiment à l'abandon. Elle va y imprimer sa culture, ses origines aristocratiques et bourgeoises moscovites. Pour se sentir à la hauteur du grand homme qu'était son mari, Sofia Tolstoï ne cessera de s'élever intellectuellement, s'ouvrant à d'autres savoirs, lisant beaucoup, écrivant. Toutefois, toujours planera entre Sofia et Léon Tolstoï l'ombre de la jalousie, notamment en raison de la passion qu'elle éprouvait pour l'homme et son génie littéraire. Elle souffrira énormément de la présence imposée à Iasnaïa Poliana d'Axinia Anikanov et de son fils, ultime maîtresse de Léon Tolstoï avant son mariage.



Cependant, la vie sur ce domaine rustique offrira bien peu de distractions intellectuelles à la jeune et fougueuse comtesse. Celle-ci, habituée à une vie publique et mondaine autrefois très riche et variée, s'ennuiera parfois fermement dans ce coin de campagne russe, loin de Moscou, entourée de paysans farouches, rudes, taiseux, frustes. L'ennui et la nostalgie de sa jeunesse la rendront souvent triste et morose.Dès que Lev Tolstoï quittait le domaine, s'éloignait de Sofia et des enfants pour raisons professionnelles ou pour se divertir tout simplement, celle-ci ressentait un immense sentiment d'abandon, livrée qu'elle était à sa profonde solitude face aux problèmes du quotidien. Petit à petit, Tolstoï était devenu partie intégrante et vitale de son être, rendant ses absences toujours plus douloureuses.« Ma vie » de Sofia Tolstoï est une somme considérable d'informations concernant le quotidien, les pensées, les sentiments et la vie de la famille Tolstoï à Ianaïa Poliana. Plus de mille pages pour dire, raconter, expliquer, explorer, non seulement l'existence de celle qui sera l'épouse attentive et aimante de Léon Tolstoï, mais aussi pour mieux comprendre la complexité, l'ambiguïté de celui qui est l'un des auteurs majeurs de la Russie. Sofia Tolstoï, femme amoureuse des mots, de la culture, de la littérature autant que de son talentueux mari, conservera tous ses écrits relatifs à sa relation avec ce dernier.Dans « Ma vie », forme d'autoanalyse de son histoire intime et personnelle, de ses réussites et de ses échecs, de ses rêves et de ses frustrations, Sofia Tolstoï revient sur une vie entièrement dévolue à ses nombreux enfants, à la gérance d'Iasnaïa Poliana, à la transcription des œuvres de Tolstoï, dont « Guerre et Paix ». Cette jeune fille de dix-huit ans, vive, intelligente, instruite, élevée au Kremlin dans l'entourage de la famille du Tsar, à l'ambition certaine, acceptera de se dépouiller de ses désirs pour épouser le comte Tolstoï. Pour lui, elle s'exilera loin de Moscou, de sa famille et de ses amis pour partager le commun de paysans vivants encore dans une société dépassée et terminée depuis bien longtemps ailleurs.



Son adaptation sera lente et difficile, faite de renoncements et de questionnements. Pour oublier ce dépit, Sofia Tolstoï se consacrera entièrement à la transcription des écrits de son mari, corrigeant, modifiant, relisant attentivement, conseillant, inspirant sur les personnages et les faits décrits. Petit à petit, elle deviendra la compagne incontournable, attentive, discrète, aimante et amoureuse de l'homme, admirative de l'auteur et du penseur. Une réalité très éloignée de l'image que beaucoup de lecteurs se faisaient de cette femme.
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A qui la faute ?

"A qui la faute ?" est la réponse de l'épouse offensée, Sophie Tolstoï, à "la Sonate à Kreutzer" que commit son peu cher et tendre époux.



Horriblement humiliée par la peinture faite par Léon Tolstoï de leur mariage, celle-ci, pour donner le change à ses contemporains, intervint pour faire publier la Sonate, d'abord censurée : espérant ainsi écarter les soupçons sur toute ressemblance de l'oeuvre avec leur vie conjugale et tenter de se dégager du rôle abominable que lui a attribué son mari dans la faillite de leur mariage.



Pour cela, elle reprit en partie la trame de la Sonate, mais du point de vue de l'épouse : il y a un transfert de centre de gravité, le narrateur omniscient adoptant cette fois le regard de l'épouse sur l'époux, époux qui ne nous paraît pas considérablement changé sous la plume de Sophie. Tout confirme les principaux traits du caractère prêtés par l'auteur de la Sonate à son triste "héros", son double : n'ayant d'intérêt que charnel envers sa femme, incapable de gestes affectueux qui n'aient pas pour motivation le sexe, rarement prévenant et toujours par intérêt, calculateur et ego-centré, peu soucieux de la santé de ses enfants, de leur éducation, jaloux jusqu'au délire de persécution, non seulement des autres hommes mais du temps consacré aux soins et à l'éducation des enfants, hostile aux médecins, surtout quand ils lui conseillent de ne pas continuer à agrandir la famille pour sauvegarder la santé de sa femme (mais on découvre qu'il y a volontiers recours pour lui), ressassant des soupçons ridicules fondés sur des scénarios aberrants, étalant au grand jour des infidélités récurrentes qui font ricaner ses rivales jusque sous le nez de son épouse (ce que n'avait pas avoué le le "Pozdnychev" de la Sonate), brutal psychologiquement, menaçant, gueulard, monstrueux d'égoïsme : le "Prince", quand il n'est pas en goguette à la poursuite d'un gibier ou d'un jupon, semble une araignée tapie au sein de la sa toile ; une grosse bestiole atteinte de folie interprétative, surveillant comme un geôlier les faits et gestes de la mouche, son épouse, et toujours se préparant à lui fondre dessus.



Il est possible que Sophie ait forcé le trait, bien que l'ensemble sonne juste. Quoiqu'il en soit, Léon l'a bien cherché en écrivant une oeuvre aussi indélicate inspirée de leur vie commune ; que le retour de boomerang lui érafle un peu le visage n'est que justice : puisqu'enfin, le Grand Homme détenait tout le talent nécessaire au développement du même thème sans puiser aussi grossièrement le matériau dans son propre ménage. A tel point que l'oeuvre semble conçue pour faire du mal et diffuser un venin durable. le poison n'est pas l'arme des seules femmes.



Bien qu'il soit possible de déceler une complaisance certaine de l'auteure envers son héroïne, la magnifique, délicate et pure Anna, double d'elle-même, le portrait qu'elle trace du Prince, le "Pozdnychev" de la Sonate, c'est-à-dire de Tolstoï lui-même, est donc très fidèle à l'autoportrait de l'écrivain : aussi bien dans la Sonate que dans" À qui la faute ?" il se révèle un mari atteint d'une maladie mentale redoutable et sans doute incurable, de nature mélancolique, (dans le sens gravissime du mot que lui attribuait la psychiatrie du 19 ème siècle), avec bouffées incontrôlables de jalousie, tendance à la rationalisation délirante d'affects irrationnels et à la violence, au moins verbale.



Tolstoï a fait porter la responsabilité de l'échec de son mariage à une luxure partagée, mais il apparaît que seule sa propre addiction était en cause. Avec quel effroi, quel sentiment de trahison et d'injustice, la pauvre épouse a-t-elle appris à travers la Sonate que son mari la tenait pour co-responsable de cette "débauche" charnelle : débauche qu'elle vivait comme une persécution constante imposée de droit marital et de droit du plus fort, sans moyen de s'y soustraire, répétitive, rebutante, et se terminant infailliblement dans le sang et les couches.



Victor Hugo, Léon Tolstoï : deux génies qui côtoyèrent d'autant mieux la transe métaphysique et spirituelle qu'ils raclèrent profond dans la bestialité charnelle. Tant il n'est pas rare pour certaines psychés de mélanger, voire unir, sexe et mystique : qu'on pense seulement à Raspoutine, à Héloïse et Abélard, à Bataille, à Colette Peignot (la Laure de Bataille), à Etty Hillesum et son thérapeute Julius Spier. Qu'on pense aussi aux écrits et prières teintées d'érotisme torride de Sainte Thérèse de Lisieux et de bien d'autres.



Si Sophie Tolstoï avait vécu un peu pour elle et n'avait pas accouché de treize enfants, peut-être aurait-elle pu développer son talent littéraire, car "A qui la faute ?" est ma foi très honorable quant au style et à l'agrément de lecture, et je connais bien des écrivains portés au nues qui ne la valent pas.



Bien que cela ne semble pas avoir un lien direct (mais cela en a un), je voudrais dire deux mots de la postface écrite par Léon Tolstoï pour préciser aux lecteurs le contenu et le sens de sa Sonate et les motivations "chrétiennes" qui l'ont poussé à l'écrire : elle ne figurait pas à la fin de mon exemplaire de la Sonate et que je ne l'avait donc pas évoquée dans mon commentaire.



Le lien, c'est qu'il est possible d'imaginer la fureur de l'épouse mise face à cette ultime provocation, recevant ce dernier crachat dans la figure : plus mortifère encore du fait que les opinions des deux époux ne différaient guère : tous deux aspirant à un idéal de vie simple et pur. Mais un mariage ne réussit pas sur les efforts d'un seul lorsque l'autre en sape systématiquement les fondations et en rejette jusqu'au principe (le mariage n'est-il pas pour le Grand Homme une prostitution de l'épouse à vie ? Sophie dut être bien aise de se voir qualifier de prostituée, elle qui participait à l'élaboration de l'oeuvre de son conjoint, tenait sa maison, élevait ses enfants, lui servait de lien avec l'extérieur, d'agent littéraire, d'ambassadrice ; une prostituée en somme qui rémunérait son client en assurant en plus des services sexuels les emplois de secrétaire à plein temps, d' intendante, de gouvernante, de nurse.



Autant donc cette postface est éblouissante dans sa deuxième partie et éclaire le vrai message spirituel du christianisme, proche de la mystique rhénane des XIII et XIV ème siècles, avec des défricheuses d'éternité telles que Hildegarde von Bingen, Hadewijch d'Anvers, Marguerite Porete ou encore Maître Eckhart, sans oublier le mouvement cathare qui en fut la déclinaison dans le Sud de la France, autant la première partie signe sa mégalomanie :



Qu'on en juge par la structure du discours :



"J'ai voulu dire premièrement que....

(...)

Et je voulais dire que c'est mal."



"Deuxièmement je pense que...

(...)

Je crois que c'est mal."



"Troisièmement je crois que...

(...)

C'est mal d'employer (...)"



"Quatrièmement je crois que ...

(...)

Et je crois que ce n'est pas bien (...)"



"Cinquièmement je crois que ...

(...)

Et je crois que ce n'est pas bien (...)"



Je je je... moi moi moi... ce ton de procureur m'a singulièrement évoqué le prédicateur fou du film "La nuit du chasseur".



Pas besoin d'avoir recours à la prédication, Monsieur Tolstoï, ni d'accabler votre conjointe avec le poids de vos désordres mentaux et de vos obsessions maladives. Ce sont bien les vôtres, et celles d'une partie des personnes de votre sexe.



Et vous bénéficiez, pour vous livrer à ce stakanovisme de la fornication, d'"institutions" qui le favorisent : prostitution générant une mortalité précoce de celles qui s'y livrent, avec pour conséquence la naissance d'enfants sans pères, qui constitueront une nouvelle classe de pauvres, d'exclus, de délinquants et provoqueront un abaissement du niveau moyen de l'humanité ; mariages forcés, destins féminins avortés avec leur lot d'aigreurs, vilains secrets de famille... C'est cher payé pour des péripéties de braguettes.



Tout cela vous le savez bien Monsieur Tolstoï, vous qui ne manquez jamais une occasion de le dénoncer dans chacune de vos oeuvres.



Vous stigmatisez une société coupable de complicité envers ces débordements, et une Eglise dévoyée qui les absout trop facilement, pleine de vile indulgence. Les parents quant à eux, notamment les pères, loin d'enseigner la mesure à leur fils pour en faire des hommes véritables, selon l'Evangile que vous révérez, ou simplement selon le simple respect d'eux-mêmes, les poussent sur la pente de l'intempérance. Ainsi fonctionne un monde où on accouple une oie sotte à force d'ignorance à un lévrier dont la langue pend vilainement, dominé par ses pulsions et dispersant sans vergogne, comme on pisse, sa semence aux quatre vents.



Cependant la responsabilité collective ne vous dédouane pas de la vôtre, vous l'Ecrivain, le penseur, l'Erudit, vous qui donnez à autrui des leçons de vertu, et même d'ascétisme.



D'un ascétisme sans doute profitable à quelques uns, mais dont le fanatisme peut s'avérer dangereux pour presque tous : puisque je ne peux m'empêcher de manger ce chocolat, autant finir la boîte...



Le Christ, que vous citez souvent, était plus indulgent que vous aux péchés de la chair : sans doute parce qu'il n'en commettait pas, ou peu. Ce qui le rendait clément à la femme adultère, dont il empêchait la lapidation, à la pècheresse, à laquelle il s'adressait sans condescendance. Enfin le Christ était le Christ, et tandis que vous...vous êtes... vous.



Victor Hugo, Léon Tolstoï, deux immenses écrivains, deux visionnaires, et deux tristes sires.



Je vais faire une pause dans la lecture du grand Tolstoï, l'auteur, pas l'être humain. Celui-ci sut pourtant s'engager, dit-on, à de nobles causes. Je n'en doute pas. Mais il est toujours plus valorisant d'oeuvrer pour l'humanité que pour soi-même et les siens. Et Ô combien plus visible.



Il me faut oublier un peu cette expérience éprouvante.... et j'entamerai "Résurrection", son oeuvre préférée. Mais pas tout de suite, laissons le temps amoindrir mon ressentiment.



Qui sait, peut-être "Résurrection" me fera-t-il oublier la Sonate ?



... l'épreuve m'aura au moins permis de rencontrer la valeureuse Sophie Andréïevna Behrs, et j'en suis heureuse.

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Journal intime

Souvenirs de Alexandra Andreevna Tolstoï (1817-1904)



Mais qu'est-ce que Tchertkov faisait encore là à la gare d'Astapova ? (*)



On ne peut pas parler durablement comme je l'ai fait ici de Léon Tolstoï sans évoquer le nom de la comtesse Alexandra Andreevna Tolstoï, cousine de l'écrivain, attachée à la cour sous quatre tsars qui vont se succéder, qui fut sa meilleure amie pendant près d'un demi-siècle.



Une relation d'amour (chaste) s'est engagée entre les deux personnes cousin, cousine (*). Cette dernière était son aînée de 10 ans. Dans leur longue correspondance qui a traversé les décennies, l'écrivain multiplie les bons sentiments à son égard.. Presqu'une sensualité sous jacente les anime. C'est même réconfortant de voir cette liaison s'installer sous le haut signe d'une confiance absolue ..Elle servit assurément l'épanouissement de l'écrivain dès son plus jeune âge, et évidemment Alexandra Andreevna était très flattée du rôle grandissant de son cousin dont la réputation devint mondiale.



Dans ses Souvenirs, la comtesse Alexandra Andreevna évoque cette liaison torride à demi-mot. C'est l'aveu d'une personne bien élevée, pieuse devant la chose qui s'interdit d'en dire davantage, laissant la vie se faire en priant le ciel de couvrir de voile cette ambiguïté. Voici ce qu'elle écrit : "Nous avons fait mentir l'axiome qui veut que l'amitié soit impossible entre un homme et une femme. Tout fut toujours pur entre nous, et c'est son âme que j'aimais, oui son âme seule.." Pourtant elle avait sans doute rêvé d'autre chose ! le sensuel Léon Tolstoï note à lui-même ceci au temps fort de leur amour : "Merveilleuse Alexandra, je n'ai jamais rencontré une femme qui lui vienne à la cheville. Ah si elle avait dix ans de moins.." Nous sommes sur le fil du rasoir de la relation amoureuse qui peut basculer dans un sens ou dans l'autre. On a le sentiment quand même que c'est Tolstoï qui se retient après ses nombreuses conquêtes féminines en deçà de ses vues, il est là dans le grand jeu et semble ressentir les effets pesants d'une telle situation. Alors comme un petit garçon qui recule par timidité qui a tout de même la trentaine et qui semble regarder son avenir, se ravise par la suite en disant sans ambages la cible de son mariage : " Une femme belle, jeune, à la fois, tendre, modeste et soumise, intelligente, supérieure, capable avant tout de procréer, d'être une mère de famille forte et active, devant adopter en toutes choses les opinions et les goûts de son mari, posséder à la fois le tact mondain, les manières recherchées, savoir oublier le monde, vivre à la campagne .." Il cochait ainsi en plein les cases de celle qui allait devenir peu après sa femme en la personne de Sophie ! Et je pense que pour Alexandra, c'était ce qu'elle pouvait souhaiter de mieux à son chaud cousin, la raison l'emportant finalement sur la passion.



Alexandra Andreevna était une personnalité forte, belle femme, son influence à la cour était grande. Elle côtoyait Pouchkine, Tourgueniev, Joukovski, Dostoïevski : de ce dernier elle en disait le plus grand bien.



Dans les moments de désarroi, c'est vers Alexandra que se tournait Léon Tolstoï. Son intelligence et sa fermeté morale le requinquaient. Et peut-être seule la femme qu'elle était pouvait apporter cela à l'orphelin de père et de mère, sans faire injure à la tante Toinette !



Cela dit, il arrivait aussi à Alexandra Andreevna d'avoir des moments de doute dans son existence, plutôt rarement toutefois tant la personne était presque une maîtresse femme, comme ce jour où Tolstoï à 29 ans lui répond ceci alors qu'elle envisageait de quitter la cour pour se retirer dans un ermitage :

" Vous me demandez un conseil et moi je viendrai chercher auprès de vous la même chose et ni l'un ni l'autre ne trouverons ce que nous cherchons .."



Au delà de ça, on sait que Léon Tolstoï eut recours à elle pour intercéder auprès du tsar. j'ai le souvenir par exemple de cet épisode de l'été 1866, en plein milieu de la création de Guerre et Paix. L'écrivain s'accorde une pause, est sollicité pour défendre le soldat Chibouchine qui vient de souffler son capitaine et qui s'expose de fait à l'exécution par les armes. C'est à Alexandra que s'adresse Tolstoï pour sauver la situation dont il sent très bien qu'elle ne tourne pas à son avantage. La missive arriva en retard et l'exécution du soldat aura lieu. Mais plus tard, de nombreuses affaires furent réglées par ce biais, tant la renommée de l'écrivain était forte et la position à la cour d'Alexandra grande. Après ce douloureux épisode, il paraît que la suite de Guerre et Paix fut changée, mais je crois peu à cela, c'est un bobard.



Dans les années 1880, les choses se gâtent entre les deux épistoliers si proches. A cause des positions morales de l'écrivain contre l'administration impériale et l'Eglise, ce qu'on a appelé sa crise morale, Alexandra marque sa différence légitime en rembarrant les lettres du prédicateur. Elle tentera vainement de refreiner les ardeurs de son cousin par le biais de Dostoïevski qui lui au contraire s'était rapproché de la religion. Celui-ci mourut et l'affaire tomba à l'eau, ainsi que l'espoir d'une rencontre entre les deux plus grands écrivains de la Russie qui n'eut donc jamais lieu.



En 1897, c'est Tchertkov qui, condamné à être exilé en Angleterre pour la propagation d'idées subversives tolstoïennes - étant entendu que Tolstoï était intouchable -, fut une nouvelle pomme de discorde entre les deux protagonistes. A Saint-Pétersbourg, ils se retrouvent, L'un reprochant à l'autre de ne cesser de venir à la charge pour faire revenir Tolstoï dans le giron orthodoxe, et l'autre reprochait à l'un ses fréquentations, ses idées anti-régime, les tolstoïens.. Cette fois, c'est fini entre eux. Une brouille définitive est consommée



Tolstoï au tournant du 20 e siècle aura l'occasion deux fois d'adresser des courriers à Alexandra. C'était pour souffler le chaud et le froid, comme il avait l'habitude de le faire pour sa propre femme.



Ma conclusion à ces incidents entre deux personnes marquantes de la vie russe, cousins de surcroit, qui se multiplièrent dès les années 1880 est que non seulement la crise morale et les changements radicaux de Tolstoï en sont la cause, mais l'influence pernicieuse de Tchertkov sur l'écrivain plus encore, abusant d'abord du renoncement à la foi de l'écrivain, puis de sa vieillesse et de sa vulnérabilité. Ce Tchertkov, tolstoïen de chez les tolstoïens a non seulement brisé une famille, mais détruit cette relation magnifique qui existait entre Alexandra Andreevna et Léon Tolstoï, j'en suis convaincu. On a tellement attribué de torts de manière abusive à Sophie, la grande dame, envers laquelle Alexandra avait un immense respect, pour expliquer les brouilles nombreuses qui agitaient le couple légendaire à partir des années 1880, qu'il ne saurait être question de se faire l'économie des charges qui pèsent sur Tchertkov le nuisible. Oui bien sûr ces charges ont été minorées au cours de l'histoire et dans bien des livres, car on a trop suivi Tolstoï en fonction de ses écrits, de ses journaux intimes, de sa correspondance, de ses professions de foi, de ses partis pris, ses prechi precha jusqu'à son dernier souffle, sans savoir qu'il se jouait un drame à Iasnaïa Poliana dont le vrai coupable était Tchertkov. Tolstoï devenait de plus en plus absent et toujours présent par contre pour répondre aux menées des tolstoïens dont Tchertkov en tête. Il aura beau s'en défendre et multiplier les démentis vis-à-vis de Sophie, ce sera trop tard et idem pour Alexandra qui en apporte la preuve ici non sans courage intellectuel et conviction morale, car malheureusement Tchertkov avait un allié de poids, l'air du temps et le sens de l'histoire ..Oui le vrai drame connaitra son dénouement dans la fuite de Tolstoï repêché à la gare d'Astapovo un certain mois d'octobre 1910 accompagné de ses fuyards tous acquis à la cause de Tchertkov qui aura encore l'audace de parler pour Tolstoï en annonçant à l'Eglise qu'elle pouvait faire demi-tour, elle n'était pas réclamée pour les derniers sacrements, et ce n'est que par pitié qu'on laissa finalement Sophie approcher son mari dans ses derniers instants. La boucle était bouclée, Tchertkov eut le dernier mot. Ce qui s'est passé en 1897 à Saint-Pétersbourg décrit plus haut avec Alexandra n'était qu'un avant-goût de la scène finale ? c'est le vrai sang Tolstoï qui ne fit qu'un tour ce jour-là ! Ca fait un moment déjà que le Géant Tolstoï, vénéré dans le monde entier ne s'appartenait plus !



(*) Cousin, cousine. Cousine germaine côté Tolstoï

(*) Extrapolation bien entendu aux Souvenirs de AAT. Question que je n'ai pas vue souvent posée à vrai dire, d'une rareté sidérante !



Malheureusement ces Souvenirs de la comtesse Alexandra Andreevna Tolstoï n'ont pas, sauf erreur de ma part, été traduits en français. Selon Serge Tolstoï, petit-fils de l'écrivain qui a fait beaucoup en France pour le déploiement de l'oeuvre de son célèbre grand-père, affirme que ces Souvenirs sont une source de première importance et sans contestation possible pour la connaissance de la vie et l'oeuvre du Maître russe.



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Ma vie

Ce livre est un régal à lire, mais il se mérite. Avec pas loin de 1000 pages, il ne se lit pas en 2 jours. Mais les pages défilent sans problème. Sous nos yeux, Sofia Tolstoï raconte sa vie et celle de son mari, Lev Tolstoï.



Cette autobiographie s'étend de la naissance de Sofia jusqu'en 1901. Et c'est une mine de renseignement sur plusieurs sujets.



Tout d'abord sur Sofia Tolstoï elle-même. On découvre une jeune femme instruite, vive, intelligente qui s'épanouit dans l'art en général. A 18 ans, elle épouse le comte Tolstoï plus âgé qu'elle et déjà célèbre. Dès le mariage, elle se met au service de son époux (et plus tard de sa famille), mettant de côté sa vie. Comme elle le dit elle-même, elle se consume auprès de Tolstoï. D'une vie citadine à Moscou elle passe à une vie campagnarde à Iasnaïa Poliana où, il faut le dire, il ne se passe pas grand chose. Très vite, les enfants se succèdent et la vie de Sofia est rythmée par les enfants, la gestion du domaine et le travail du recopiage du travail de Tolstoï.



Je me suis prise d'affection pour Sofia. Sa vie n'est pas dès plus facile. La vie auprès de Tolstoï n'est pas évidente d'après ce qu'elle nous raconte. Il n'est pas facile à vivre, se passionne pour un sujet un temps avant de l'oublier pour un autre sujet. Et puis il faut le dire, la vie des femmes n'est pas facile à cette époque.



C'est un autre des thèmes abordés dans cette autobiographie: la vie des femmes russes au XIXème siècle. On découvre la vie maritale, la maternité, l'éducation des enfants, la gestion de la maison. Le tout avec le spectre de la mort et de la maladie qui rode. Par moment, Sofia parle de choses de la vie quotidienne et c'est tout le mode vie de l'époque qui passe sous nos yeux. C'est un régal de découvrir la vie en Russie à cette époque (avant la Révolution).



D'ailleurs, la petite et la grande histoire se mélangent pour mon plus grand plaisir. Sofia a grandi au Palais Impérial et j'ai pris beaucoup de plaisir à lire les passages consacrés au Tsar. Tout comme j'ai adoré lire les passages consacrés à l'écriture des romans de Tolstoï. On assiste entre autres à la création d'Anna Karenine. Mais le plus intéressant, c'est de découvrir que de nombreux personnages sont issus de personnes réelles comme des membres de la famille Bers.



On découvre ainsi l'homme derrière l'auteur. J'avoue que je ne savais pas grand chose sur Tolstoï avant cette lecture. Et le moins qu'on puisse dire c'est qu'il était torturé. J'ai néanmoins découvert que Tolstoï ne se résume pas à ses romans très connus. Son oeuvre est beaucoup plus importante que cela.







Outre son nombre de pages, cette autobiographie présente deux "défauts" pour moi. Le premier, Sofia n'y peut rien: il s'agit des noms russes des personnages. Les prénoms russes sont tous basés sur le modèle: prénom - fils de (par exemple pour Sofia: Sofia Andreïevna pour Sofia fille de Andreï Bers.) Et ils ont tous plus ou moins le même prénom puisqu'on donnait souvent le nom des parents aux enfants. De plus par moment, Sofia utilise les diminutifs des prénoms qui sont en fait aussi longs que les prénoms eux-même. Et cela m'a posé des problèmes au début de ma lecture, j'avais du mal à savoir qui était qui.



Le deuxième "défaut" que j'ai trouvé à cette autobiographie, c'est la fait que Sofia se répète souvent. Elle parle de quelque chose dans un paragraphe, puis elle le reprend plus loin. Par moment, c'est un peu redondant.







Mais ces deux "défauts" ne m'ont pas empêché d'apprécier cette lecture. Sofia Tolstoï n'a rien à envier à son mari. Elle dépeint sa vie avec beaucoup de talent et de style. C'est une fresque de sa vie qu'elle nous propose.



Je recommande chaleureusement cette autobiographie à tous les amoureux de Tolstoï, de la Russie et des biographies.
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A qui la faute ?

Ce que Tolstoï a raté, c'est Sophie.



Je me méfie comme de la peste de toutes les conneries qu'on a pu raconter sur le couple



Tolstoï n'avait pas tellement changé au point que cela eût pu constituer une rupture définitive, une large correspondance en montre tout le bien fondé. Certes comme l'a écrit Alain Rafelo, sa personnalité était égale à celle d'un génie littéraire tourmenté, mais il s'est laissé embarquer dans des trucs, dès les années 1880, avec la présence de parasites dans sa propre vie qui le tétanisèrent et le sortirent de sa zone de confort qui lui eût permis de voir clair et de trancher, ce fut d'ailleurs à deux doigts d'être fait !..



Au moment où il était à même d'être dieu, eh ben il ne fut plus dieu parce qu'il perdait sa lucidité pour ne pas voir que son bonheur, vertu cardinale, à côté de lui qui lui avait tout apporté, il ne le voyait plus distinctement et il s'en éloignait même physiquement pour aller vers ces sirènes de chiens qui lui montaient trop souvent à la tête. Je dis chiens parce que je ne vois pas d'autre mot pour qualifier des gens qui profitaient d'un vieillard aux idées prophétiques jusqu'à le détourner de sa propre famille. Ben oui, c'était quoi d'autre ces gens qui veillaient sur lui , tolstoïens se disaient-ils ? Quelle fumisterie ! Sans ces marchands du temple, la vie de Tolstoï eût continuer bon an mal an, et il est probable qu'il n'aurait pas envisager sa fuite, ne serait-ce que pour préserver la santé de sa femme bien-aimée, à défaut de la sienne et de son voeu chimérique selon la légende indienne de se retirer du monde pour mourir comme les éléphants sentant leur mort proche. Par la grâce de dieu, son talent d'écrivain, son génie fut préservé et son Hadji Mourat, et des nouvelles écrits dans le grand âge nous le prouvent. Ces oeuvres me font penser à ce que n'auront pas eu les bolcheviks qui détruisaient tout ce qui signifiait la réaction blanche, ces icônes qui ont été miraculeusement sauvées des mains sales des mécréants par les fervents. Oui le Tolstoï artiste était toujours là en sommeil cachant son Diable ..



Ca commençait comme dans un rêve leur histoire : Sophie à 11 ans était groupie de Tolstoï, son livre de chevet était Enfance. Elle l'aimait déjà tendrement, en secret. Puis quand il la vit pour la première fois, ce fut une fillette qu'il rencontra avec une curiosité amusée au milieu de ses deux soeurs, l'animal en lui s'en détourna pour regarder plutôt du côté de la mère qui avait de quoi séduire et bien sûr une fois de plus l'interdit se dressa devant lui, c'est un autre Tolstoï qui vint à son secours pour lui dire que ce qu'il cherchait pour son bien, ce n'était absolument pas Mme Bers, pas plus sa tante aînée de 8 ans Alexandra, belle femme pleine de charme, attachée à la cour impériale qu'il aimait avec avidité ..



N'était-il pas en train de naître un Lord Byron des frimas !... Des fois à quoi ça tient tout ça, c'est plutôt comme Tara qui sauva Scarlett : Iasnaïa Poliana maintint Tolstoï sur la piste : c'était plutôt où la mort avec la perte d'Iasnaïa Poliana, ou pas la mort, et la vie a toujours ceci de bien qu'elle sourit toujours à celui qui sait attendre un peu sans rien forcer du tout .. Ce n'était pas un ours, Tolstoï avait des relations .. Et l'important, il ne cessait d'écrire ..
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La sonate à Kreutzer - A qui la faute ? - Rom..

Une controverse familiale



Lorsque Léon Tolstoï publie la sonate à Kreutzer en 1889, il est un écrivain reconnu, auréolé du succès d’Anna Karénine et Guerre et Paix.



Ce nouveau texte fera, lui, l’objet d’une incroyable controverse et non des moindres :

et c’est ainsi qu’en réponse au texte de Tolstoï, sa femme et l’un de ses fils vont écrire un roman.



Mais pourquoi une telle controverse ?



Pour le comprendre, il faut se pencher sur la Sonate à Kreutzer. Ce roman narre comment, à l’occasion d’un voyage en train, un homme écoute le récit de son compagnon de voyage Pozdnychev, qui a tué sa femme qu’il accusait de tromperie. Ce récit d’un homme qui semble aux confins de la folie, a été pour beaucoup l’écho des pensées de l’auteur sur le mariage et les relations conjugales. Afin d’expliciter sa pensée, Tolstoï publia une postface au récit. Pour résumer grossièrement, il prône l’abstinence comme idéal de vie à atteindre dans la vie.



Mais, pour sa femme : «  À quoi bon chercher auprès des autres ce que j’ai éprouvé dans mon cœur : cette nouvelle était dirigée contre moi, elle m’a blessée et humiliée aux yeux de tous et elle a détruit le peu d’amour qui subsistait entre nous » et oui, c’est le moment de préciser que la vie de couple des Tolstoï fut loin d’être un fleuve tranquille.



C’est ainsi que sa femme décida de rédiger un roman en réponse à son mari, À qui la faute. Dans celui-ci, on retrouve une femme qui sera tuée par son mari jaloux alors qu’elle n’e l’a pas trompé. Elle reprend de nombreux éléments de la sonate à Kreutzer mais aussi de sa vie de couple offrant dans cette fiction une vision de sa vie conjugale. Elle déplore les appétits charnels de son mari qui semble peu se soucier de jouer d’une union spirituelle entre eux. Elle continuera de développer sa vision dans un autre roman, que l’on retrouve également ici: Romance sans paroles.



On aurait pu s’arrêter là dans le règlement de compte familial mais c’était sans compter sur le fils Léon Tolstoï qui décide dans un court récit de développer sa théorie en opposition à celle de son père : pour lui, il faut se marier tôt pour éviter la tentation. Il célèbre également une union monogame pour éviter la débauche.



Je ne peux que saluer les éditions des Syrtes pour avoir réuni ces quatre récits dans un seul livre. Je conseille de les lire les uns à la suite des autres. Ils se répondent et sont en miroir, en lire un permet de mieux comprendre les autres. Ils offrent une plongée incroyablement intime dans la vie d’un grand auteur et de sa famille.



Même si littérairement parlant, tous les textes ne sont pas au même niveau, j’ai aimé cette incroyable controverse familiale littéraire.



Alors si vous aimez la littérature russe, les livres sur le mariage et le lien conjugal ou les potins, foncez ce livre est fait pour vous !

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Journal intime

Sophie la grande dame.



En plus c'était une artiste, elle écrivait très bien, était cultivée, jouait aussi bien du piano et faisait de très jolies photos. On ne peut pas dire que c'était son passe-temps favori, elle en faisait tellement, et jamais rien qui ne pût déplaire à son mari célèbre.



On a raconté beaucoup de choses sur ce couple légendaire et pas toujours à leur avantage, mais qui renseignait si ce n'était pas eux-mêmes, alors ayons un peu de pudeur. Beaucoup de choses étaient de la littérature. En tout cas pour l'histoire de la Sonate à Kreutzer qui est un peu le point d'orgue de ce point de vue, il ne faut jamais perdre de vue que Tolstoï était avant tout un littéraire et que beaucoup de choses constatées autour de lui étaient des prétextes ou servaient de matériaux à ses fictions. l'inspiration de Tolstoï qui venait de la vie autour de lui , il l'illustrait dans ses écrits et ainsi il apportait de la vraisemblance à ses romans et l'imagination faisait le reste



Tolstoï a eu beaucoup de chance de tomber sur elle, c'était la femme qui lui fallait je pense pour calmer ses ardeurs et gérer ses propres affaires qu'il accomplissait avec plus ou moins de constance. Il ne s'est pas toujours bien comporté avec elle sur la fin et même un peu avant. C'est un des regrets qu'on peut avoir pour la brave Sophie qui a tellement contribué à la réussite littéraire de son mari et qui s'est vraiment toujours comportée comme une grande dame !..
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Ma vie

Dans ma bibliothèque, j'ai rangé les livres de Sophie Tolstoï avec ceux de Léon Tolstoï, non pas parce que c'est la même chose, on les sait trop tenant à leur personnalité propre, mais je ne vois pas pourquoi je les séparerais. Je les ai toujours vus ensemble, Ils ont été trop imbriqués l'un dans la vie de l'autre, ils ont été mari et femme, ils ont eu beaucoup d'enfants, ils ont fait les grands chantiers littéraires ensemble, chacun dans son rôle bien entendu, et surtout quand je lis un livre de Sophie Tolstoï, je suis sûr d'y trouver du Léon Tolstoï.
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A qui la faute ?

C’est suite aux attaques de Lev Nikolaïevitch Tolstoï sur le mariage, que sa femme, Sophie répond avec un roman, et pour la première fois en France ce roman « A qui la faute ? » est édité, suivi par « La sonate à Kreutzer » de Léon Tolstoï

Dans la première partie du roman « A qui la faute ? », l’héroïne, Anna, a épousé un ami de sa famille, prince et âgé de vingt ans de plus. Ils vont habiter dans le domaine du prince. Au début elle prend part à la vie paysanne jusqu’à ce qu’elle rencontre l’une d’elles Arina qui était la chérie du prince. De ce jour, elle se réfugie dans la maison, une première grossesse, et les premières paroles douloureuses de son mari.

Dans le seconde partie, dix ans ont passé, Anna continue de s’occuper de sa famille grandissante, le prince de son domaine, de la chasse et d’écriture, il ne s’intéresse guère à sa femme et à ses enfants, Anna fait tout pour reconquérir son mari, mais il devient de plus en plus jaloux, une jalousie folle, voire meurtrière… Anna ne rêvait pas de cet amour, elle rêvait d’un amour plus spirituel, plus mystique.

Comme Sophie Tolstoï le dit si bien « je voulais montrer la différence entre l’amour d’un homme et celui d’une femme. L’homme met au premier plan l’amour physique, la femme idéalise et poétise l’amour, il y a d’abord la tendresse, l’éveil sexuel ne vient qu’après ».

Dans « La sonate à kreutzer », réquisitoire contre le mariage, comme le dit l’auteur c’est un piège « une prostitution légalisée ».

L’histoire est celle de Pozdnychezv qui a épousé la jeune Lise, mais qui souffre en découvrant que leur union n’est que charnelle. Il raconte son drame conjugal pendant un trajet en train, après l’idylle arrivent la jalousie, les disputes, les réconciliations. C’est un être misogyne, d’une jalousie extrême.

Tolstoï a écrit ce roman pendant qu’il traverse une crise morale et mystique, il prône la chasteté.

On comprend après cette lecture pourquoi Sophie Tolstoï à écrit son roman, ne pouvant que répliquer et avec une très belle plume.

Deux très bons romans
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A qui la faute ?

Ce bref roman pourrait paraître presque banal mais, de par sa simple genèse, est très loin de l’être. En effet, en 1889 en Russie commence à être diffusée « La sonate à Kreutzer » (elle paraîtra officiellement en 1891), longue nouvelle de Léon TOLSTOÏ dans laquelle se distinguent les traits de sa propre femme, Sophie, imaginée en amoureuse éperdue et adultère de son professeur de piano. Alors que le calme ne règne déjà pas dans le couple TOLSTOÏ, Sophie est ulcérée par ce texte et choisit les armes de son mari, l’écriture, pour répliquer.



Est-il nécessaire d’avoir lu « La sonate à Kreutzer » pour s’engager dans « À qui la faute ? » ? Sans doute car, même si l’ouvrage de Sophie TOLSTOÏ est indépendant de celui de son mari, elle s’y appuie afin de tisser sa propre trame. Mieux : il est une réponse sans ambiguïté. Une jeune femme, Anna, tombe amoureuse du prince Prozorski, de quelques années son aîné. De son côté Prozorski, loin d’être indifférent aux charmes d’Anna, s’ingénie à la séduire tant et plus. Ce qui ressemble à un roman à la Jane AUSTEN s’assombrit brutalement lorsque Anna apprend que son désormais époux, qui fut un coureur de jupons, continue à faire risette à de jeunes femmes.



« Si l’on considère le mariage comme on le fait d’ordinaire, il vaut mieux ne pas se marier du tout. Il faut de l’amour en premier lieu, et que cet amour soit au-dessus des choses terrestres, qu’il tende vers l’idéal… ».



Le cœur d’Anna, empreint par ailleurs de forte religiosité, se met à battre pour un certain Bekhmetiev, lui-même fort attiré par la jeune femme. Ils se rencontrent régulièrement, le plus souvent en présence du prince, lui-même ami de Bekhmetiev. Quand soudain, ce prince voit rouge, devient jaloux, de plus en plus insistant dans ses allusions à la relation Anna/Bekhmetiev, il prononce des paroles humiliantes pour Anna, alors simplement en admiration devant Bekhmetiev, mais pas du tout sa maîtresse.



Depuis sa rencontre avec cet homme, Anna est métamorphosée, reçoit, sort beaucoup, se lie d’amitié avec la bonne société russe. Le prince devient possessif et agressif. Il souhaite sa femme soumise, toute à lui, sans distinction.



« Le prince observait avec incrédulité et un certain agacement l’état d’Anna et constatait que tout ce que lui avait dessiné son imagination perverse quand il songeait à sa lune de miel avec une jolie épouse de dix-huit printemps n’avait abouti à rien, hormis l’ennui ; ennui, déception et une jeune mariée en plein désarroi ».



Il faut bien lire entre les lignes car, dans ce roman où le plus important n’est que suggéré, c’est son propre mari que Sophie met en scène. Le prince Prozorski est en fait le comte TOLSTOÏ, et les reproches que peut annoter sa femme sont nombreux et féroces, notamment la gestion du couple par TOLSTOÏ, plus intéressé par ses écrits, son domaine et ses amis que par sa femme. Cette femme oubliée, abandonnée, qui fut éblouie par son professeur de piano. TOLSTOÏ verra le vice et le désir charnel dans ce qui sera vraisemblablement un amour platonique, pur. Dès lors, les relations au sein du couple TOLSTOÏ, tout comme chez le couple Prozorski, vont se tendre jusqu’à devenir irréversibles.



« La sonate à Kreutzer » fut en quelque sorte le déclencheur de la dégradation relationnelle pourtant déjà tumultueuse entre Sophie et Léon TOLSTOÏ. Sophie voit en son mari un être misogyne, irrespectueux pour la gente féminine. Jadis obsédé d’ailleurs par les femmes (comme son double Prozorski), il ne les voit souvent que comme des choses à séduire. Et parallèlement imagine le diable en Sophie dans ses contacts aux hommes. C’en est trop pour celle-ci qui, vivant depuis des décennies à l’ombre des écrits de son mari, décide de prendre la plume car « J’ai moi-même senti dans mon cœur que ce récit était dirigé contre moi, il m’a immédiatement occasionné une blessure, m’a humiliée à la face du monde entier et a détruit le dernier amour entre nous ».



La stature de TOLSTOÏ écrase son ménage, jusqu’aux écrits bien entendu. « À qui la faute ? » ne sera publié… qu’en 1994, soit 84 ans après la mort de Léon TOLSTOÏ, et 75 ans après celle de Sophie. Il est pourtant à lire, au même titre que l’œuvre du grand Léon. Il en fait même partie intégrante puisqu’il en est une réplique aux couleurs inversées. Par ailleurs, l’écriture de Sophie est très agréable, elle ne possède pas la puissance de celle de son mari, mais détient une part toute féminine et délicate absente chez lui.



Puisque nous sommes dans la littérature russe, inutile de dire que le présent roman va très mal se terminer. Il est en tout cas une vraie curiosité, il est même un chaînon de cette grande littérature russe. Cependant, il a malheureusement du mal à exister seul et, dans la version présentée ici, il est encore suivi par « La sonate à Kreutzer », c’est dire si le poids de TOLSTOÏ continue aujourd’hui à écraser Sophie et à la rendre invisible ou presque, et la mémoire de sa femme, ses points de vue et ses révoltes, auront du mal à percer sous le grand écrivain. Pourtant ce roman est convaincant et très soigné par sa chute, où Sophie montre qu’elle peut faire jeu égal avec son Léon, y compris pour les coups bas.



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A qui la faute ?

Cet ouvrage rassemble deux nouvelles, rédigées par Léon Tolstoï et sa femme Sophie (avec qui il eut treize enfants), qui proposent deux visions complémentaires d'un même sujet : un mariage décevant qui amènera l'époux à tuer son épouse. Les deux textes se répondent de manière assez efficace.



"La sonate à Kreutzer" (qui porte le nom d'une oeuvre de Beethoven), nouvelle de Léon Tolstoï raconte cette histoire du point de vue du mari. Son style et sa construction sont très intéressants, plus originaux que dans le texte de Sophie Tolstoï. Mais le ton de la narration est violemment misogyne.



"A qui la faute ?", oeuvre rédigée par Sophie Tolstoï en réponse à la nouvelle de son mari précédemment citée, présente une histoire similaire du point de vue de l'épouse. Le ton est beaucoup plus nuancé, même si le texte n'est pas exempt de clichés.



Cet ouvrage donne ainsi un avant-goût très intéressant de l'oeuvre des deux auteurs. Il m'a donné envie de continuer à découvrir leur travail, en lisant par exemple "Guerre et paix". A creuser donc.
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A qui la faute ?



C'est un livre un peu particulier que j'ai emprunté là : ça faisait un moment que je l'avais repéré et quand je l'ai vu à la bibliothèque j'ai sauté dessus ! :) La Sonate à Kreutzer, de Tolstoï, a suscité beaucoup de polémiques par son sujet et ses propos. Mais surtout, le livre a suscité une réponse de la propre femme de Tolstoï, Sophie. Celle-ci décida d'en publier un texte qui part du point de vue d'une femme et non d'un homme, comme l'a fait Tolstoï. C'est devenu, A qui la faute ? Roman d'une femme.



Il y a de cela quelques temps déjà, j'avais lu une imposante biographie de Tolstoï par Henri Troyat. Les relations qu'il entretient avec sa femme sont extrêmement complexes. On le dit volontiers misogyne (mais ce n'est pas une exception au XIXe, ni au XXe d'ailleurs ...) et il se disait volontiers persécuté par sa femme. Au point qu'à la fin de sa vie, il fugua ! il mourut ainsi dans une petite gare de Russie, entouré par une poignée de proches mais non pas avec sa femme.



Et pourtant Sophie Tolstoï a été son soutien durant sa vie entière. Elle lui a donné treize enfants (dont cinq moururent en bas âge), l'a soutenu dans la plupart de ses projets littéraires, et c'est elle qui retapait tous ses manuscrits. Mais ils se sont peu à peu éloignés, s'opposant entre ses conceptions matérialistes et Tolstoï de plus en plus préoccupé de questions éthiques et spirituelles.



Ces deux romans m'ont finalement posé beaucoup de questions.



Dans celui de Sophie, elle présente l'histoire d'une femme qui rêve d'un amour parfait, idéalisé. Elle épouse un homme qui semble répondre à son amour, mais qui en réalité n'a que des désirs charnels, et se fiche totalement d'elle ou des enfants qu'il va lui donner. Pour elle, l'amour existe, et elle ne nie pas la nécessité des désirs charnels, sauf qu'ils doivent pouvoir coexister.



"Elle aurait voulu, au moins pour quelques instants, redevenir ce qu'elle était jadis, oublier les affres de la jalousie, oublier toute cette dernière période marquée par l'amour brutal et passionné de son mari, oublier aussi son indifférence à son égard quand il cessait d'éprouver du désir."



De son côté, Léon décrit un homme qui avoue dans les premières pages avoir tué sa femme. Il pense l'avoir pris "pure", l'aime mais au bout de 3 jours cet amour disparait. Il finit par la soupçonner de l'avoir trompé. La misogynie, l'égoïsme et l'orgueil de cet homme vont mener le couple au drame. Pour Tolstoï, l'amour n'existe pas et c'est les femmes qui en sont responsables. Pour éviter le joug des femmes, mieux vaut être chaste.

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A qui la faute ?



J'ai lu ce roman qui regroupe "La Sonate à Kreutzer" de Léon Tolstoï qui raconte le naufrage d'un couple ( le sien très certainement) et la réponse que Sophie Tolstoï a faite à son mari, sous le titre "A qui la faute ? dans l'ordre inverse puisque j'ai lu en premier le roman De Sophie Tolstoï.



Cela n'a pas été très gênant et même mieux je trouve. J'ai trouvé très émouvante l'histoire de cette femme qui aura tout essayé pour sauver son couple sans y arriver, car comment lutter contre cette terrible maladie : la jalousie, qui rend les deux personnes concernées tellement malheureuses.



lu en 2012.
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A qui la faute ?

Ce livre réunit deux ouvrages : le premier (que l'éditeur a choisi de mettre en second) n'est autre que la célèbre "Sonate à Kreutzer" de Léon Tolstoï qu raconte le naufrage d'un couple. Le second est la réponse que Sophie Tolstoï a faite à son mari, sous le titre "A qui la faute ?". Il a fallu sans doute beaucoup d'audace à Sophie pour répondre ainsi à son mari, alors célèbre écrivain, et contester la version qu'il avait faite (en la déguisant sous une forme romanesque) de son couple. Le style de Sophie est peut-être un peu plus conventionnel que celui de son mari mais son roman "tient bien la route" et apporte un autre éclairage à celui de son mari. C'est de plus un acte d'engagement féministe qu'il faut saluer. J'ai appris que un de leur fils avait également donné sa propre version de l'histoire en écrivant un roman intitulé "Le prélude de Chopin". Ces Tolstoï sont décidément bien originaux !
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Journal intime

une autre vision...... celle de l'épouse du génie ! à comparer avec celle de son auguste mari, que j'adore
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A qui la faute ?

J'ai lu il y a quelques années La sonate à Kreutzer de Tolstoï et me souviens combien j'avais été tiraillée entre la beauté du style et la rudesse du propos. On ferme le livre en se disant qu'il est difficile de prétendre que le féminisme n'a rien changé à nos vies. Il semblerait bien que Sophie Tolstoï, bien évidemment première lectrice du grand homme, ait ressenti un inconfort semblable, alors qu'elle recopiait de larges passages - sinon l'entièreté - du texte avant de le confier à l'éditeur.



Elle décide donc d'offrir la contrepartie du récit de son mari (présenté ici pour la première fois en traduction française), opposant à la bestialité de l'amour charnel de la Sonate à Kreutzer un texte dans lequel elle aborde plutôt les aspirations disons moins incarnées de la femme, à travers le personnage d'Anna, une jeune artiste qui, par amour, lie son destin à celui du prince Prozorski, qui écrit des textes philosophiques. Plus âgé qu'elle, il a bien sûr vécu et donc connu de nombreuses aventures et, en digne représentant du genre, il continue bien évidemment de « garder l'œil ouvert », ce qui la torture de jalousie. (Difficile d'être plus transparent ici.) D'abord déchirée, elle finit par se faire une raison et trouve un exutoire auprès de ses enfants... jusqu'à ce qu'elle fasse la rencontre d'un vieil ami de son mari, Bekhmetiev, avec lequel elle entretient non pas une aventure extra-conjugale sulfureuse, mais bien plutôt un amour platonique qui favorise échanges, réflexions et même rires partagés avec les enfants.
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Ma vie

centenaire de tolstoi
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