Je les vois. Ou plutôt je les sens. C'est un peu comme descendre une échelle en pleine nuit : on pose son pied et on sent un autre barreau en dessous. Je fais marcher mon esprit, je découvre un autre sens, et à ce moment-là, je sens que c'est le bon.
Mon hypersensibilité ne s'émoussa pas. Bien au contraire.
Peu à peu, dans le brouhaha assourdissant qui se déversait en moi sans interruption, j'appris à choisir ce que je voulais entendre. J'appris aussi à ne plus écouter.
Il est grand. Il ne se cache pas. Les poissons devraient le fuir mais parce que le héron demeure immobile, ils finissent par l'oublier. C'est à ce moment-là qu'il frappe. Il n'y a pas plus rapide que lui. Il ne rate jamais sa proie.
Le mot ange ne désigne pas leur nature, mais leur fonction. Si tu cherches le nom de leur nature, c'est le mot esprit ; si tu cherches le nom de leur fonction, c'est le mot ange. Esprit pour ce qu'ils sont. Ange pour ce qu'ils font.
— Pourquoi les gens ont-ils des daemons ?
— Personne ne connaît la réponse. Depuis qu'il y a des êtres humains, il y a des daemons. C'est ce qui nous distingue des animaux.
— Et les ours alors ? Qu'est-ce qu'ils sont ?
— Ni humains ni animaux, les ours sont les ours. Un autre mystère de la nature.
— Les sorcières de Laponie vivent-elles ici, à Trollesund, Farder Coram ?
— Non, elles vivent dans les forêts et la toundra. Leur univers, c'est la nature, mais elles possèdent un consulat ici.
— Lord Faa m'a dit que vous étiez amis avec une sorcière.
— Disons plutôt que l'une d'elles a une dette envers moi.
Lyra : Tu ne te défends pas ?
Iorek : Pour quoi faire ? Je sais parfaitement quand tu feintes et quand tu attaques pour de bon. Je vois tes ruses aussi clairement que le mouvement de tes bras et de tes jambes.