Stéphanie Allenou : Mère épuisée
Je ne m'interroge pas sur la necessité de les laisser patienter un peu. Je gère l'urgence sans aucun recul. Pour moi, il est juste vital que les pleurs cessent rapidement. Je n'ai pas conscience que cette réactivité entraîne finalement une aggravation de la situation. Moins ils attendent, moins ils savent attendre. Mais ma raison ne fonctionne plus depuis longtemps, exclusivement tournée qu'elle est vers un seul objectif: les faire taire.
Je n'ai pas accouché de mon bébé, on me l'a tiré du ventre, D'autres personnes ont agi à ma place. C'est comme si elles n'avaient pas eu besoin de moi pour faire naître Charlotte. Mon sentiment de ne pas être tout à fait sa mère vient sans doute de là. Comment la mère peut-elle naître si ce n'est pas la femme qui accouche ? Je crois fermement que l'allaitement m'aide à me réapproprier cette place de mère. Chacun doit se trouver quelque chose pour compenser ce que le corps médical n'aura pas pu «réparer».
Je reste dans le parc, à ruminer ma rage et mon impuissance. Je ne déserte pas physiquement, mais je me prends à rêver de ne pas avoir d'enfants - de ne pas en avoir eu, car m'imaginer ne plus en avoir implique de supporter un manque immense. Il va falloir que je trouve quelque chose pour m'en sortir - pour nous en sortir.
la peine que l'on perçoit chez un ami nous pousse à essayer de trouver des solutions pour lui. Mais on s trompe sur l'attente de l'autre :l'important est d'écouter de reconnaître, l'accompagner. Il n'y a pas forcément à comprendre; chaque être est unique et fait ce qu'il peut avec ce qu'il est.
Mes besoins ne sont pas épisodiques: je suis en situation de « panne » permanente, et un dépannage ponctuel ne suffit pas à faire repartir durablement la machine. C'est difficile à comprendre pour celui qui ne le vit pas.
La maternité est l'expérience de vie la plus riche, la plus intense, la plus dure, la plus complète et la plus merveilleuse que j'aie jamais vécue.