Le combat d'Henry Fleming
Si je devais me défaire de ce manteau déguenillé
Et entrer libre dans le ciel puissant ;
Si je devais n'y rien trouver
Qu'un ample bleu,
Sans écho, ignorant...
Eh bien, quoi?
Quand il regarda autour de lui, il éprouva une stupéfaction soudaine en découvrant le ciel bleu et pur, et les rayons du soleil éclairant les arbres et les champs. Il était surprenant que la nature ait poursuivi tranquillement son glorieux processus au milieu de tant de malignité.
AMER...
In the desert
I saw a creature, naked, bestial,
who, squatting upon the ground,
Held his heart in his hands,
And ate of it.
I said, "Is it good, friend?"
"It is bitter -- bitter," he answered;
"But I like it
Because it is bitter,
And because it is my heart."
Stephen Crane
"The Black riders and other lines", 1895
Traduction française :
Dans le désert,
j'ai vu une créature, nue, bestiale,
qui accroupie sur le sol,
tenait son coeur entre ses mains
et le dévorait.
Je lui ai dit : "Est-ce bon mon amie?"
"C'est amer, amer", répondit-elle;
"Mais je l'aime
parce que c’est amer
et parce que c'est mon coeur."
Il était alerte, vigoureux, ardent dans sa certitude de victoire. Il contemplait l'avenir d'un œil clair et fier, et jurait avec l'assurance d'un combattant aguerri.
Il avait commis ses erreurs dans l’ombre et, par conséquent, il était encore un homme.
Les hommes, en se précipitant comme des déments, s’étaient mis à poser des cris d’encouragement, telle une horde barbare, mais sur des tonalités singulières, propres à galvaniser le faible d’esprit et le stoïque. Il en résultait un enthousiasme insensé, incapable de se brider, semblait-il, face au cuivre des balles et au granite des murailles. C’était l’excitation effrénée qui, fonçant à la rencontre du désespoir et de la mort, demeure insensible et aveugle aux probabilités. Une absence d’égoïsme temporaire mais sublime.
(Gallmeister, p.136)
Il venait d'avoir la révélation qu'il était un barbare, une bête. Il s'était battu comme un païen qui défend sa religion.
Les premières phrases : Comme un être qui s'éveille à regret, le froid brouillard se lève et s'étire au long des collines, révélant l'immobile éparpillement d'une armée au repos. Pendant que le paysage s'éclaire, passant d'un brun foncé au vert tendre, l'armée s'éveille à son tour et se prend à frémir d'attente, impatiente des rampantes rumeurs.
Il y avait une frénésie dans cette ruée furieuse. Les hommes, piquant droit devant de manière folle, éclataient en cris de guerre dignes d’une foule barbare ; mais hurlés de façon si étrange qu’ils éveilleraient le veule comme le stoïque. Ce qui donnait en apparence un enthousiasme qu’on ne pouvait réfréner, même par le feu et le fer. C’était le genre de délire inconscient et aveugle aux obstacles, qui finissait par rencontrer le désespoir et la mort. Le moment sublime d’une absence d’égoïsme. C’est pourquoi, peut-être, ‘adolescent se demandera, lus tard, la raison de sa présence en cet endroit. (p. 121, Chapitre 19).
A un moment, la ligne de front de son régiment rencontra le cadavre d'un soldat. Il reposait sur le dos, les yeux rivés sur le ciel. Il était vêtu d'une tenue disgracieuse d'un marron jaunâtre. Le jeune homme remarqua que la semelle de ses chaussures étaient usée au point d'avoir l'épaisseur d'une feuille de papier à écrire, et que l'une d'elles, par une large déchirure, laissait pitoyablement dépasser le pied. On eût dit que le destin avait trahi ce soldat. Dans la mort, il exposait à la vue de ses ennemis la pauvreté que, vivant, il avait peut-être dissimulée à ses amis.