Avec « Karoo », réédité dans la collection « Les grands animaux », Monsieur Toussaint Louverture nous gâte, une fois de plus. Jaquette brûlée d’aluminium, bestiole à bois de cerf, histoire à l’avenant…
Mais de qui, mais de quoi qu’on cause ?
À l’instar de Steve Tesich, auteur de ce roman, le narrateur Saul Karoo, travaille pour les studios hollywoodiens en tant que script doctor. Il vit seul à New York, est marié, séparé et père d’un fils adoptif.
Dès les premières pages, la séduction opère. Le narrateur use d’un ton corrosif pour dépeindre un microcosme huppé et superficiel. Il se décrit lui-même en ivrogne névrosé, qu’une sobriété toute neuve plonge dans une crise existentielle. Cette soudaine tolérance à l’alcool, en dépit d’une consommation vertigineuse, lui est insupportable, car elle le rend lucide. Il la surnomme sa « maladie », cependant qu’un autre mal le tourmente : une incapacité chronique à entretenir des rapports sincères avec ses proches.
Dès lors, il tente de racheter une vie de dépravations par des manœuvres exigeant bien plus de détermination qu’il n’en possède. De revirements en lâchetés, sa fuite en avant jalonne la première moitié du roman d’occasions tourné au désastre.
Quand, enfin, Saul Karoo entrevoit une chance de salut, il s’humanise et son cynisme craquelle au profit d’affleurements de tendresse. Le lecteur – quoique pressentant le pire – se prend à croire en la rédemption de ce vieux bonhomme maladroit et pathétique. Une seconde partie de roman durant laquelle Steve Tesich nous piège par quelques chapitres lumineux, où foisonnent les réflexions fulgurantes. Le bonheur le dispute à la fatalité, si bien que, d’une satire acerbe, le roman glisse vers la tragédie pure.
« Karoo » s’achève par une troisième partie d’inspiration élégiaque.
Autant dire que le scénariste a brillamment élaboré son bouquin. Il sait planter son décor, caractériser ses personnages avant de nous mener où il l’entend. Au fil de ces trois parties, l’histoire prend de l’ampleur, la vivacité de l’écriture traque l’ennui, la justesse des observations tour a tour nous réjouit et nous émeut.
Voilà donc un voyage odysséen qui mérite d’être entrepris sans attendre.
Bonne lecture à tous !
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