Une fois n’est pas coutume, le livre ne s’ouvre pas directement sur le prologue, mais sur un avant-propos de Steven Erikson himself. Les précédents différents volumes du cycle sont d’un seul tenant, avec une construction similaire. Ce ne sera pas le cas ici : ce tome 9 n’est pas un tome comme les autres, c’est la première partie du diptyque qu’il compose avec le tome 10. Ce qui implique aussi… un cliffhanger, ce dont on avait pas l’habitude.
Et cette particularité ce ressent dans ce volume, avec une intrigue plus diluée, moins épique peut-être que ce que l’auteur nous avait proposé jusqu’ici. C’est qu’il faut mettre en place les derniers pions avant le début de la partie finale. Et puis, cela ne gâche pas le plaisir, loin de là.
Pour commencer, les personnages. On approche de la fin, donc on a principalement des têtes connues, assez peu de nouveaux personnages importants. C’est toujours un plaisir (et une tragédie, parfois), de retrouver les Osseleurs, les Letherii, Onos, Silchas et tous les autres. Mais quand même, une nouveauté très intéressante : c’est la première fois depuis le début du cycle que nous avons l’occasion de côtoyer les K’Chain Che’Malle d’aussi près, avec une incursion dans leurs propres croyances, leur propre civilisation. C’est à la fois perturbant et fascinant, et on se prend d’une certaine compassion pour cette ancienne race sur le point de disparaître.
Et j’ai là amorcé deux des principales thématiques du tome, et même du cycle tout entier, et je pense qu’elles ne sont pas un hasard compte tenu de ses formations d’anthropologie et d’archéologie. Le cycle des Martyrs est riches de races différentes, parfois très anciennes, parfois disparues ou sur le déclin, remplacées par les suivantes, qui disparaitront probablement à leur tour. Il y a beaucoup de mélancolie et de regrets à certains moments, alors que les personnages pensent à ces rêves et ces espoirs qui sont retournés à la poussière. Des races avec des cultures, des croyances, des façons de penser qui leur sont propres, qui nous serrent à la gorge parfois, mais dont la disparition nous attriste un peu aussi, malgré ce qu’ils ont pu commettre. Car à travers leurs exactions, Erikson nous place face à notre propre humanité, pleine d’horreurs, mais aussi de beauté. Et de compassion. Et c’est le mélange qui nous rend humains et vivants. Combien de fois j’ai dû m’arrêter une seconde pour réfléchir à une phrase, voire un passage entier ?
Par contre, ce tome conserve sa dureté, avec des passages absolument horribles (un en particulier, en réalité), même si Erikson a la pudeur de ne rien nous montrer de graphique. Mais je comprends que ces passages sont nécessaires, afin de rehausser encore la compassion et l’empathie qui filtrent tout le long. Mais quand même, heureusement que Tehol ou Hellian sont là pour apporter un peu de fraîcheur et d’exubérance à cette gravité. Il y a quelques arcs qui demeurent encore obscurs, notamment celui d’Icarium, mais enfin, ce n’est pas comme si l’aventure s’arrêtait là.
Mais adeptes des batailles, rassurez-vous ! Même s’il est plus calme que d’habitude, le dernier axe est particulièrement épique, avec une fin qui ne manquera pas de vous donner envie de fondre sur le tome suivant, tel un shi’gal affamé. Entre temps, on aura droit à pas mal de scènes dans les camps militaires, avec ces soldats qui désespèrent, qui s’ennuient et s’amusent avec leurs camarades, sans avoir la moindre idée des objectifs de Tavore, de quoi rappeler un peu une certaine Compagnie. En tant que lecteurs, on commence enfin à percevoir ces fameux objectifs, pas aussi évidents qu’on n’aurait pu le croire au premier abord, surtout avec les Dieux et les Ascendants qui manipulent à tout va et essaient de tirer la corde de leur côté.
Quoi qu’il en soit, si vous vous attristez de devoir bientôt quitter cet univers, rassurez-vous… C’est loin d’être la fin, vu le nombre de cycles secondaires. En attendant, vous pouvez toujours lire La Complainte de Danseur pour patienter avant de rencontrer le Dieu Estropié.
Bilan
Après 9 tomes, que dire que je n’ai déjà dit ?
Steven Erikson nous a prévenus, ce tome est avant tout la première partie du final. Si le déroulé est tout aussi fascinant, épique et riches en émotions (T_T) que d’habitude, quoi que plus lent, on sent bien que cette aventure approche de son dénouement. Je n’ai d’ailleurs pas réussi à attendre la sortie du tome 10 aux éditions Leha, je m’y suis d’ors est déjà attaquée… en VO 😉
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