dis
tu veux pas arrêter d'insérer mon nom
dans chacune de tes phrases
on dirait que tu en as besoin pour cimenter tes mots
comme si elles ne tenaient pas debout tes phrases
sans mon nom à l'intérieur
comme si elles boitaient
j'ai bien compris la solitude
c'est elle que je vous inspire
vous voyez la mienne je vous montre la vôtre
alors celle des autres se dresse elle aussi
face à nous
grande comme des barres hlm
ma seule monnaie c’est mon temps
richesse invisible
beauté immatérielle
du temps personne ne sait combien il lui en reste
on pense qu’on en aura toujours jusqu’au jour
où il n’y en a plus
alors jusqu’ici je suis riche
riche de temps riche tout court
qu’il m’en reste beaucoup ou qu’il m’en reste peu
du temps j’en ai un point c’est tout
c’est mon trésor
je peux le dépenser en merveilles et en rêves
le dépenser utile
le dépenser partage
le dépenser altruiste et égoïste aussi
parfois
et avec ambition
ou simplement
le dépenser
heureuse
ce que j’ai rugi dans ma tête
retourne-toi
retourne-toi
déjà tourné c’est parti
je t’ai perdu dans la ville monstre
elle t’a avalé sans vergogne
et m’as laissé pour seul cadeau
ta nuque
et tes pas assurés
j’ai vu que tu pensais à moi
mes pas foulent le sol
et pourtant je lévite
j’ai filé mes dessous
je n’ai plus de maison
au coin de la rue ivre
mes yeux vagabonds
flous
se posent
sur ton blouson
tu es là
…
nue
j’ouvre l’œil dans des draps inconnus
l’odeur forte du mâle m’étouffe
j’ai la gorge serrée d’un dégoût qui s’engouffre
où es-tu
je tire le drap sur mes reins engourdis
la levée du corps se fait secrète
le dehors l’appelle et la porte me happe
je me dissipe la chair en regrets dans l’automne
…