Syrie Astrahan James

Marcher était l’une de ses activités favorites ; traverser champ après champ, escalader les échaliers, déambuler entre les maisonnettes et fermettes éparpillées incarnait pour elle l’un des bonheurs les plus essentiels de l’existence.

Si, au début, la compagnie de Sarah lui avait manqué, elle s’était habituée à jouir de son intimité. Jamais elle n’aurait imaginé pouvoir coucher dans la même pièce qu’un bébé et deux garçonnets.

Elles avaient dépassé depuis longtemps le stade de la jeunesse ; leurs visages suggéraient qu’elles n’avaient jamais été belles ; il était impossible de les distinguer l’une de l’autre, quand bien même l’une fut présentée sous le nom de Cecilia, la seconde de Cordelia.

Sarah était une jolie femme agréablement rondelette qui tenait avec bonheur son rôle d’épouse et de mère, dont la tendresse et la générosité de cœur se lisaient dans ses yeux brillants, ses joues épanouies et son sourire toujours prompt.

Se borner à la sécurité d’un cocon, ne jamais franchir les limites auxquelles l’on est accoutumé, je n’appelle pas cela vivre, mademoiselle Stanhope, mais stagner.

Songer qu’il leur fallait renoncer à leur indépendance, qu’ils allaient être redevables de la bonne volonté d’autrui… c’était affreux !

Mais, dans ma jeunesse, vagabonder me ravissait. Je suis devenu trop vieux, trop attaché à mes habitudes, Rebecca. Je me suis également montré imprévoyant.

Lorsqu’un jeune homme a des aspirations, il est naturel que son intérêt personnel ait la préséance sur son cœur.

Vous le connaissez depuis quarante ans et plus. On ne tourne pas le dos à une si vieille amitié !

Jamais il ne se conduirait de façon aussi honteuse, jamais il n’aurait mis en jeu un seul penny de l’argent récolté par ses ouailles. Les carillons neufs devaient honorer la mémoire de ma mère. Il n’aurait pour rien au monde laissé quoi que ce soit entraver leur acquisition. Pour rien au monde !

Vous êtes sa fille, et il est parfaitement légitime que vous nourrissiez ce genre de sentiments. Mais vous n’étiez pas sur place au moment où ce prétendu « vol » a eu lieu. Et si ce n’en était pas un ?

Ce mode de vie insouciant cesserait d’ici un ou deux ans quand, afin de se ranger et plaire à ses parents, le jeune homme épouserait une cousine choisie d’autorité pour lui.

Le Seigneur donne, le Seigneur reprend. Ceci est un coup dur. Mais Il a un plan. Si nous ne sommes pas en mesure de le saisir pour l’instant, nous le comprendrons en son temps. Nous nous en accommoderons.

J’ai un devoir à accomplir, et je ne me déroberai pas. Les sacrifices qu’ont faits nos paroissiens pour parvenir à cet exploit me renvoient à l’humilité qui devrait être la mienne. De surcroît, l’idée me rassérène que nous allons enfin répondre au vœu de ta chère mère.

Chaque ouvrage, chaque gazette était pour Rebecca une fenêtre ouverte sur le monde, qui la fascinait avec ses innombrables cultures et différences ; pourtant, elle ne souhaitait nullement quitter la sécurité et le confort de cette fenêtre.

Elle possédait également une belle voix, que sa famille et leurs amis aimaient à écouter. Elle était aussi douée en dessin et en langues. Mais, par-dessus tout, Rebecca se passionnait pour la lecture. La moindre leçon l’enchantait et avivait encore sa soif d’érudition.

Seuls deux défauts empêchaient qu’on le considérât comme un individu véritablement parfait : il avait tendance à être pointilleux au-delà du raisonnable (ce qui se manifestait par une sainte horreur de la saleté) et n’avait guère l’esprit aux chiffres, se laissant aller à des actes irréfléchis d’une générosité impulsive qui mettaient parfois sa propre famille dans de fâcheuses difficultés.

Jeune femme épanouie, jolie et accomplie, chaque matin au réveil, elle distinguait depuis sa fenêtre à vantaux la même ravissante perspective – la douce pente herbeuse à l’arrière du presbytère jusqu’au pied de laquelle, enfant, elle avait aimé à se rouler –, une vue qui ne manquait jamais de la faire sourire.

Il me sourit, son expression affichant avec évidence qu’il avait apprécié les heures de camaraderie que nous venions de partager. Je n’aurais pu nier que je ressentais la même chose. Ce que trahissaient ses traits était si captivant que mon cœur s’affola un brin. Comme si nous avions conspiré ensemble dans notre quête d’une précieuse relique liée à Austen.

Traquer d’éventuelles cachettes était ma raison d’être. Je rampais sous les meubles, me faufilais à l’intérieur des placards, j’écumais les moindres recoins et fissures de cette baraque. J’ai d’ailleurs découvert tout un tas de trucs qui ravissent les jeunes garçons, mais rien qui ressemble de près ou de loin à une pile de calepins rédigés et cousus à la main.