La France vivait le printemps de mai, à 1500 km de là, la Hongrie vivait au Moyen Âge... L'insurrection de 1956 avait été réprimée plus d'une dizaine d'années auparavant
Un gamin de 8 -10 ans nous fait partager sa vie de gamin de la campagne hongroise. Les communistes sont au pouvoir dans le village, ils dirigent le kolkhoze, et donnent du travail à qui bon leur semble...Tout le monde ne peut pas avoir ce sésame ...la carte du Parti. Et ceux qui ne peuvent pas, vivent de petits boulots, vident les fosses d'aisance, sont employés occasionnellement ou s'expatrient dans les villages voisins, rêvent d'émigrer au Canada. Il faut faire de la lèche pour avoir du travail, se méfier des mouchards
Tout serait plus facile si le père travaillait et ne passait ses soirées au troquet du village, ne rentrait pas saoul après avoir bu verre de gnôle après verre de gnôle, ne battait pas sa femme...comme tous les hommes du village
La famille élève quelques volailles, un cochon....pour améliorer un ordinaire bien fade, Le gamin a toujours faim, la famille vit dans une maison au sol battu, couche sur des matelas fait avec des sacs pris dans la cimenterie, et bourrées de paille...Bien pratique quand le gamin pisse au lit ....on change la paille. On économise les vêtements...les autres gamins se moquent de lui parce qu'il est habillé avec les vêtements et les chaussures de sa grande sœur.
"Chez nous, ce n'est pas comme chez les pauvres : il n'y a pas ceci, où il n'y a pas cela. Chez nous il n'a rien du tout"
Une vie sans aucune intimité dans la pièce unique, chacun se lave après l'autre dans la bassine unique au milieu de la cuisine, la mère tient, dans leur pauvreté à une certaine rigueur contrairement aux autres familles :"Ils ne prennent jamais de bain, ça me répugne. Ils ne se lavent pas, leurs enfants sont sales, ils se fichent d’eux. Ils les lâchent comme Dieu lâche les mouches."
Tout irait sans doute mieux si le père n'était pas l'enfant naturel d'un juif, si la mère n'était pas la fille d'un koulak, ces propriétaires terriens dont les terres ont été confisquées par les communistes...Régulièrement l'un ou l'autre sauront leur rappeler leurs origines...
A coté de ces pages noires, des pages de poésie quand le gamin s'émerveille devant les insectes, la campagne..
Un roman qui permet d'une part de connaître cette vie de la Hongrie campagnarde à la fin des années 60, mais aussi celle de cette campagne depuis le début du siècle pendant la grande guerre, cette vie qui a été raconté au gamin par ses grand-parents, ses tantes, sa mère ..., le départ des juifs vers les camps, le pillage de leurs commerces : "Les articles de son magasin. Les meubles de la maison. Les livres de l’étagère. Le crochet du mur. Le linge de l’armoire. La miséricorde des cœurs.", les relations entre les communautés, l'immigration roumaine...le racisme plus ou moins avoué envers les Juifs et les tziganes... cette vie dont l'enfant devenu adulte se souvient, ou dont on lui a parlé.
Si vous cherchez un roman pour vous distraire, passez votre chemin. Si vous cherchez une découverte, lisez-le...Pas facile de s'y retrouver parfois, car il n'est pas construit de façon chronologique, comme ces souvenirs d'enfance qui nous reviennent par bribes et sans ordre quand nous sommes adultes
Un romancier que j'ai découvert...
"La miséricorde des coeurs" est-il un roman autobiographique... Szilárd Borbély a emporté son secret avec lui : Vous ne pourrez pas découvrir d'autres romans de Szilárd Borbély.. Il s'est suicidé en 1964, il avait 50 ans
Lien :
http://mesbelleslectures.com..