Mon Père, ce tueur - Bande annonce
[ Algérie, 1956 ]
Le MAS 36 est un fusil avec un fort recul, assez difficile à manier, et les instructeurs ne s'attendaient pas à de meilleurs résultats. Le plus souvent, les appelés ne touchent pas leur cible lors de leur première séance.
- Bons à rien, vous éplucherez des patates, plaisantent les militaires de carrière.
Personne ne rit. Tous les appelés préféreraient éplucher des patates pendant vingt-huit mois plutôt que combattre le FLN.
(p. 44)
Jim [ le père ] aussi avait de l'amour-propre, doublé d'un sens moral paradoxal puisqu'il n'avait foi qu'en lui-même. Que sa femme le quitte, il ne l'aurait jamais accepté. J'en étais sûr. Il aurait pu nous flinguer pour ne pas avoir à subir la honte. Le regard des autres comptait pour lui. Il lui fallait la plus belle bagnole, le plus impressionnant tableau de chasse, les amis les plus fortunés. Il en rajoutait, il se vantait. Un divorce aurait gâché le portrait supposé idyllique que ses admirateurs se faisaient de lui. A croire qu'il ne vivait que pour eux.
(p. 15)
Le chef du service de l’entretien entre dans la danse. « Monsieur Pittet, ça va pas du tout. Votre solution tache les sols. » Didier doit le convaincre d’expérimenter de nouveaux produits d’imprégnation des linoléums jusqu’à ce qu’il découvre celui qui les protège de l’alcool. En même temps, Didier suggère à William Griffiths de fabriquer une formule gélifiée. « On en mettra moins partout. » La fac de pharmacie planche sur le sujet. Peu à peu, le projet devient multidisciplinaire. Tous les corps de métier de l’hôpital participent à l’aventure.
Je peux tuer tout le monde, Katelyn. Je ne suis qu'une arme. Une balle n'éprouve aucune culpabilité quand elle fait exploser une tête ou déchire un cœur.
Jusque-là, Jim a peu quitté le Midi, sinon pour quelques voyages dans les Pyrénées où sa mère l'emmenait soigner ses bronches de colosse. Il ne sait du monde que ce qui se raconte. L'Algérie est aussi abstraite que l'Ouest américain où se déroulent les westerns qu'il aime voir au cinéma. Le gouvernement lui a simplement proposé d'entrer dans un film.
(p. 29)
« Ces antibiotiques vous ont transformés à tout jamais .
Votre corps est un véhicule pour des billions de bactéries .
Elles forment l’écosystème que nous connaissons , le plus dense, le plus extraordinaire .
Ce microbiote est en contact permanent avec l’écosystème global, que les bactéries gouvernent depuis presque quatre milliards d’années. »
Il crée alors la fondation Guillaume-Depardieu pour recueillir le témoignage des 770 000 Français victimes chaque année d’infections nosocomiales, dont 40 000 mortelles. « En un an, tout le monde commence à avoir peur des hôpitaux, commence à s’y intéresser de près ; les chiffres sont effarants. »
Ironie de l’histoire, en octobre 2008 Guillaume contracte une pneumonie, doublée d’une nouvelle infection par un staphylocoque doré résistant à la méticilline (MRSA16). Il décède trois jours plus tard.
(au sujet de Guillaume Depardieu)
Un jour, une infirmière britannique d’origine musulmane a des problèmes avec son père qui a remarqué qu’elle se désinfectait les mains avec de l’alcool. « On sait pas quoi faire, annonce l’agence anglaise pour la sécurité des patients. On a beaucoup de soignants musulmans. » Didier reste sans voix. Un moment, il craint une fatwa.
Il consulte un ami médecin en Arabie Saoudite et ils décident de monter un groupe de travail avec le clergé musulman. Ils se réunissent à Genève, puis à Riyad, traquent dans le Coran tout ce qui concerne l’alcool. Au bout de quatre mois, le verdict tombe. Les musulmans n’ont bien sûr pas le droit de boire de l’alcool, mais aussi pas le droit de l’ingérer par tout autre moyen. Le Coran est inflexible.
L’Angleterre devient le premier pays à promouvoir l’hygiène des mains avec la solution hydro-alcoolique dans tous ses hôpitaux. Et ça marche. La preuve est faite que les résultats obtenus à Genève sont reproductibles ailleurs, à grande échelle. Didier est soulagé. Certains sceptiques avaient postulé un « effet Pittet ». Ils avaient imputé la réussite extraordinaire des HUG à la présence de Didier, à son charisme. Il n’en est rien. La méthode est universelle. Et son universalisation entraîne des conséquences surprenantes.
Jim chassait partout, dans l'hémisphère sud quand la chasse était fermée en Europe. Il partait en bande avec ses amis chirurgiens, notaires, architectes. Il accompagnait à l'affût Gaston Defferre, alors ministre de l'Intérieur, pas très bon tireur, à qui il donnait quelques pièces pour que le grand homme ne paraisse pas ridicule à son retour au rendez-vous de chasse.
(p. 17)