Thomas A Ravier : le
scandale de McEnroe
A la Cité Internationale Universitaire de Paris,
Olivier BARROT présente le livre de
Thomas A RAVIER intitulé "Le
scandale de McEnroe", un hommage au tennisman.
Ce dont on peut être certain c'est que ces charmantes héritières ne discuteront jamais cette scène: Mr Burns laisse tomber délibérément son jeton dans le décolleté de sa voisine à la table de jeu. Combien de commentaires interminables, d'exposés approximatifs pour ce plan-là et pas un autre? Ils sont rares les créateurs capables, de manière aussi limpide et somme toute aussi amusante, de mettre en scène la compénétration des coulisses sexuelles et celles de l'argent - la thésaurisation maternelle -, et ce à partir d'une idée pratique. Ah ce plan.. si j'étais cinéaste, je serais désespéré. Je ne suis pas étonné d'apprendre que cette scène valut justement à son réalisateur de nombreux problèmes avec les censeurs américains. Élémentaire. La mère et les menteurs. L'occulte association. Hitchcock, qui savait exactement ce qu'il faisait et la nécessité d'aller trop loin - la vérité est au-delà! -, craignait particulièrement la censure pour ce film. Mais non. Le crime était plus que parfait: l'oeuvre d'un gentleman.
L'homme Hitchcock, paradoxal, placide, opaque, raffiné, ritualiste, libertin, christique, irréligieux, aura été le grand mystère de l'histoire du cinéma. Quoi qu'on en dise, ce mystère est resté intact.
L'art, comme l'a dit un peintre célèbre, s'adresse à très peu d'individus.
On ne saurait lui donner tort de cette discrétion.
Je me souviens d'un siècle où, adolescent, je pouvais regarder, le dimanche soir, après le journal, un de ces films à la fois intensément expérimental et totalement dépourvu d'élitisme culturel. Je n'ai pas rêvé, n'est-ce pas. On pouvait, je crois, en parler.
Shoot! Shoot! Shoot! C'est l'une des grandes intuitions du film: l'être humain sera à l'avenir de plus en plus séparé techniquement de ses expériences, au profit de ses poses successives, dans une réalité monotone, monotone et pauvrement théâtrale entièrement reconstituée, entièrement falsifiable. Ce que Debord appellera trente-deux ans plus tard: "les conditions d'effacement de la personnalité chez l'individu spectaculaire".
Il n'est pas faux de dire que le cinéma est au coeur d'un processus d'anéantissement visant directement la vie à sa racine: il ne l'est pas d'envisager le cinema, parfois, comme réserve consciente sinon humoristique d'informations concernant cette expropriation.
Dans une conversation avec Jacques Rivette autour de La Règle du jeu, il s'est exprimé clairement sur ce sacrifice de l'innocent pour apaiser les dieux afin que la société puisse continuer. Personnellement, c'est cette victoire Renoirienne, sur les dieux, sur le société, et en fin de compte sur le cinéma, qui m'intéresse. Lorsque vous parvenez à faire ressentir ce péché inévitable de l'organisation sociale moins à travers un discours que grâce à une situation romanesque instinctive, vous gagnez, malgré la règle du jeu. Surtout si la chose est imposée par la farce plutôt que par la force, au détriment du spectateur.
Récapitulons.
1894: le cinéma est né.
1905: découverte par Freud de la scène primitive.
Oui?
S'il y a une chose que le cinéma rend impossible, en tant qu'il relève d'une séparation maladroite du temps et de l'espace, c'est bien la formulation des origines, les siennes pour commencer, puis, finalement, celles de toute organisation sociale.
D'une autre manière, un roman brûlant comme Pompes funèbres n'explique que trop jusqu'où la fièvre vengeresse de la libération aura été furieusement sexuelle, donc furieusement ressentimentale, contre la féerie française et son "elle fut". Si le personnage du milicien français, Riton, est menacé par ses compatriotes, c'est surtout qu'on veut l'empêcher de rester près de son amant, son colosse blond. Le soldat allemand est une splendide puissance phallique et même le seigneur de la guerre, écrit Genet. Le Français, lui, ne possède plus son corps. D'ou l'attraction qu'exerce sur lui la queue de l'occupant... On comprend que personne ne veuille réellement admettre ce roman, Pompes funèbres, préférant le déclarer politiquement incorrect ou tout simplement abject. C'est tellement plus simple.
"Les enfants du paradis n'est pas certes un mauvais film, c'est seulement ce qu'un pays occupé peut produire de mieux, avec sa fuite vers le décor, vers le passé, vers la galerie d'acteurs et les "beaux métiers du cinéma". Vers un art collectif voué au portrait de groupe et aux nostalgies indicibles (quoi de plus "innocent" que les enfants et le paradis?). Tant que le bon peuple cinéphile et les braves gens préféreront la planque dorée des Enfants du paradis au sec à l'exposé de La Règle du jeu, on pourra être sûr qu'une occupation, quelque part continue."
Serge Daney.
invoquer ainsi la perpétuation d'un crime face à face avec une société qui jure, soir et matin, être entièrement du côté du bien, demande, en retour, un tact immense. Une de ses habilleuses a dit pour caractériser Hitchcock qu'il était une sorte de moraliste humoristique. La définition même du gentleman, non?