Citations de Thomas Edward Lawrence (111)
Et l'on a des aviateurs aussi peu souci qu'eux d'eux-mêmes. Leurs yeux, si simples, tournés vers l'extérieur ; leur vie, naturelle ; leurs indigentes imaginations qui ni ne hersent ni ne moissonnent les bas-fonds de l'esprit : tout cela les expose, comme jachères, aux influences de l'air. En été, nous appartenons aisément au soleil. En hiver, nous luttons, sans défense le long des routes, harcelés du vent, de la pluie, tant que bientôt nous voici pluie et vent. Dès le point du jour, c'est une course jusqu'à la piscine translucide de l'Ecole et nous plongeons dans l'eau élastique qui s'adapte à nos corps d'aussi près qu'une peau : - et nous lui appartenons, à elle aussi. Partout, des affinités : désormais je ne suis plus seul.
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Je ne puis écrire le "Finis" de ce livre, aussi longtemps que je reste dans l'aviation. Quelquefois, j'espère ne jamais avoir à l'écrire.
(Excipit)
Nous autres, dans l'arme, si du bon temps arrive, nous nous en saisissons, car nous savons que le hasard aveugle nous a pour l'instant oubliés, que nous sommes les jouets de la fortune.
C'est que, lorsque nous écrivons, nous ne sommes pas heureux, nous ne faisons que nous en souvenir ; et le souvenir de l'extrême subtilité du bonheur a quelque chose de vicieux, d'illégal : c'est tirer sur la vie sans provision.
La lune regardait, tandis que j'ajustais des mots à ce que nous voyions.
Imaginez un vent froid et pénétrant, un soleil matinal humide encore, qui, sur le sol asphalté, fait nos ombres du bleu même de nos vêtements.
Je me sens comme un poisson dans une citerne paisible et qui passe à rêver ces heures brèves.
Quel homme jamais pourrait décrire son bonheur ?
Mes blessures personnelles sont risibles, toujours ; les blessures personnelles d'un homme quel qu'il soit sont risibles, toujours ; par trop faciles à pardonner, à supposer en vérité que jamais elles vaillent ce grand mot de "pardonner".
Le saint et le pécheur se touchent - en tant que grands saints et grands pécheurs.
Le contact avec des hommes nature me conduit à déplorer la vanité avec laquelle nous autres gens qui pensons sommes une mouvance de nous-mêmes.
Je ne crains pas nos instructeurs, ni le surmenage qu'on leur doit. Comprendre pourquoi nous sommes leurs victimes, c'est s'élever au-dessus d'eux. Néanmoins, en dépit de mon passé (de ce que j'ai fait, de ce que j'ai compris), en dépit de ma bonne volonté (qu'avive mon profond mécontentement de ce que je suis) à me laisser concasser et remodeler par la R.A.F. selon son projet, je veux pourtant crier bien fort que ce châtiment prolongé que nous subissons ne peut seconder ni le beau ni l'utile.
Tandis que ma bouche en est encore toute brûlante, je veux consigner que plusieurs de ceux qui, jour après jour, exercent leur autorité sur nous le font par appétit de cruauté. Leurs visages s'illuminent, quand nous haletons, à bout de souffle ; et l'on peut voir à travers leurs vêtements ce roidissement des muscles (une fois au moins, la montée effective de l'excitation sexuelle) qui révèle qu'on ne nous fait pas mal pour notre bien, mais pour assouvir une passion.
Les Juifs ont dit que Dieu fit l'homme à son image, ambition improbable chez un créateur.
Est-ce que ça ne terrifie pas un peu la R.A.F. de re-faire tant d'hommes à son désir ?
La cérémonie s'acheva sans pas de l'oie guindé autour de la cour du quartier. Et nulle tête de mort fracassée ne vint se glisser à côté du drapeau pour nous regarder avec un air de menace. Je passai l'après-midi, couché dans l'herbe, tandis que le soleil dissolvait et m'ôtait, articulation après articulation, les souffrances de la semaine, jusqu'au point où mon être entier rayonna de bien-être.
La chose est grande, et séduit : mais comment retarder la pendule de mon corps de sorte que je puisse la considérer avec désinvolture ? Comment filer des mots quand tout le jour j'ai peur pour moi ?
De surcroît, j'eus aujourd'hui une souffrance supplémentaire, en la personne d'un jeune cuisinier dont la voix, dans la cuisine tintante, pouvait fort bien singer le jappement d'un chiot. Il était fier de cette maîtrise et avait étudié de quel coin cela faisait le plus de bruit.
Il avait étouffé dans l'œuf notre plaisir à combiner un minable mensonge et à subir une punition collective. Nous commençons à vouloir être une unité, non plus des individus.
Plus pauvre l'homme, plus honteux de la nudité.
Notre journée semblait finie. Le caporal nous accorda un bref répit dans le couchant doré : "Quatre heures et demie, dit-il ; pas mal pour un lundi." Son compliment ne sut pas nous enflammer. De tout le jour, il ne nous avait pas donné un coup de main. En quoi, il avait pour lui la lettre du règlement : mais peu de caporaux étaient assez minables pour laisser la lettre l'emporter sur la besogne.