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Citations de Tim Corey (25)


Surgissant de la pénombre, une autre personne s'approcha. Je fis de même, histoire de mieux voir qui l'avait rejointe.
C'était une vieille dame, toute de noir vêtue. Hélène ne parut pas surprise en la voyant à ses côtés. Je tendis l'oreille.
— Ma tante, murmura la jeune femme.
— Hélène, répondit l'ancêtre.
— Je viens juste changer les fleurs.
La vieille femme ne broncha pas. Voulant voir la tombe de plus près, je fis un pas en avant. Je marchai sur une branche sèche qui craqua sous mon poids. Les deux femmes se retournèrent en même temps. Je me figeai, espérant qu'elles ne m'avaient pas aperçu.
— Qui est là ? demanda la vieille tante.
Je ne répondis pas. Alors, Hélène prononça mon prénom. Je savais que j'étais découvert, et que je risquais d’avoir des ennuis. Je n'avais pas l'air d'être apprécié ici, je l'avais remarqué dès mon arrivée. Je me doutais bien que les voisins savaient que j'étais encore là, même si je faisais de mon mieux pour rester caché dans la maison. Je pensai soudainement à Hélène, qui allait sûrement avoir droit à des remontrances également. Alors, je me décidai à sortir de ma cachette. Doucement, je déboîtai sur la droite, mes chaussures crissant dans la neige fraîche.
— Ce n'est que moi, dis-je timidement.
Je m'approchai lentement, le pas hésitant. Personne ne bougeait, personne ne parlait. Puis la vieille femme ouvrit la bouche.
— Ainsi donc, monsieur est encore parmi nous ?
— Je…, tentai-je de répondre. J'attends que ma voiture soit réparée. Et Hélène a eu la gentillesse de m’accueillir chez elle.
— Votre voiture ne va pas se réparer toute seule, me lança-t-elle sèchement. Approchez ! me dit-elle enfin.
J'obéis, en baissant la tête comme un enfant pris la main dans le sac. J'étais un adulte, et je n'avais pas à craindre une personne âgée, mais c'était plus pour Hélène que je m'en faisais. Je m'avançai encore de quelques mètres, juste pour me retrouver près d'elles, et j'attendis que quelqu'un parle. Machinalement, je tournai la tête vers la tombe sur laquelle Hélène venait de déposer son bouquet.
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— Comment s'appelle cette charmante demoiselle ? fit le bonhomme d'une grosse voix.
Cela eut pour effet de tasser la gamine un peu plus sur elle-même, et elle ne répondit pas. Ce fut Claire qui vint à sa rescousse pour éviter d’embarrasser une fois de plus le Père Noël avec un enfant devenu subitement muet.
— Elle s'appelle Charlotte.
— Ah, Charlotte, c'est un beau prénom, ça... C'est mon gâteau préféré, tu le sais ? La charlotte au chocolat...
Claire sourit, regarda sa fille en espérant qu'elle fît de même, mais il n'en fut rien. La touche d'humour voulue par le vieux monsieur tomba à plat.
— Qu'est-ce que tu veux pour Noël ? lui demanda-t-il alors rapidement, sentant pertinemment qu'il n'irait pas bien loin avec la petite dans la conversation.
Elle leva la tête doucement puis, d'une petite voix timide, annonça :
— Je voudrais que mon papa soit encore avec ma maman.
Le Père Noël laissa échapper un long « Haaaaaaa », et releva la tête vers Claire, qui ne s'attendait pas à cette demande si particulière. Elle émit un sourire gêné, tandis que ses yeux s'humidifiaient. A cinq ans, la petite pensait à ses parents plus qu'à elle-même. Claire fut touchée par la demande, et elle mit quelques secondes à se sortir de ses pensées.
— Tu sais, je ne suis pas sûr d'y arriver, mais je ferai de mon mieux, lui dit alors à l'oreille le Père Noël. Tu ne souhaiterais pas quelque chose d'autre ? Une poupée ?
Pour toute réponse, la gamine secoua la tête. Eh bien, voilà une petite fille qui savait ce qu'elle voulait. Ayant transmis son message, sans attendre que le lutin vienne l'aider, elle sauta des genoux du Père Noël et fila retrouver sa mère. Ne sachant que dire, Claire salua l'honorable personnage et son aide, qui s'était déjà saisi de la main du petit garçon qui les suivait. Elle récupéra le ticket que lui remit l'assistante du photographe, pour pouvoir télécharger la photo que celui-ci avait prise, et elle fila sans demander son reste.
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Les ambulanciers étaient déjà en train de charger le cadavre quand ils arrivèrent. Autour du véhicule, les voisins curieux s'étaient massés, et il dut les écarter pour rejoindre le médecin qu'il connaissait bien.
— Forteau ? Comment ça se fait que vous soyez déjà là ?
— On m'a appelé. Elle était déjà morte avant que j'arrive.
— Comment ?
— Multiples lacérations, très profondes. Je ne sais pas encore quelle arme a pu faire ça, mais ce fut d'une rare violence.
— Vous pensez à un couteau, ou quelque chose comme ça ?
— Je ne vois pas autre chose qui aurait pu trancher les chairs de cette manière.
— Des... griffes ? hésita l'inspecteur.
— Des griffes ? Des griffes de quoi ?
— Les griffes de Krampus, leur affirma une voix qui venait de leur dos.
— Krampus ?
— Bonsoir. Kurt Lieber, lui dit le nouvel arrivant en leur tendant la main. Je suis ethnologue. Madame Hermann était... une voisine, dit-il en regardant le corps de la victime monter dans l'ambulance.
— Et l'étude des crypto-monstres fait partie de vos spécialités ? lui demanda le policier.
— Ça peut.
— Inspecteur Vallandier, dit-il alors, en lui tendant la main.
— Enchanté, répondit-il avant de développer : une société n'est pas composée que d'êtres vivants, elle est faite de tout ce qui entoure ces êtres, tout ce qui les construit. Étant Allemand, j'ai commencé par étudier mes concitoyens. Le folklore est une chose qui sculpte les hommes depuis la nuit des temps.
— Mais Krampus est une légende ?
— Si l'on veut. Cependant toutes les légendes ont bien une part de réalité à la base, non ? Vous n'êtes pas d'accord, inspecteur ?
— Dans un certain sens... Mais qui est-il, dans notre cas ? Un imitateur ? Un cinglé ?
— Krampus a été fêté depuis des siècles, en Allemagne et en Autriche. L'église catholique a, pendant un certain temps, interdit les célébrations autour de Krampus, pour éviter la panique que cela pouvait engendrer. Plus près de nous, le parti fasciste, en Italie, voyait dans le personnage une tradition qu'ils associaient aux sociaux démocrates et ont donc interdit toute manifestation autour du personnage. Mais depuis quelques dizaines d'années il refait surface. Krampus est de retour en Allemagne, et encore plus en Autriche, où on le célèbre durant la nuit du 5 décembre.
— C'est aujourd'hui.
— Oui. Et cela ne me semble pas être une coïncidence. On parle de la « Krampuslauf », la pluie de Krampus. Les gens font la fête, s’enivrent, et se déguisent en Krampus pour courir après les personnes qu'ils croisent. Certains costumes sont particulièrement effrayants.
— Ce serait donc ça ?
— Il s'agit juste de faire peur, non de tuer. Krampus est aussi devenu le symbole des « anti-Noël ». Ceux qui, pour une raison ou une autre, détestent les fêtes de fin d'année.
— Et donc ? On aurait quelqu'un qui a décidé de trucider des gens parce qu'ils ont accroché des guirlandes lumineuses sur le toit de leurs maisons ?
— La déduction est un peu rapide, mais c'est une piste à suivre.
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Une grande et magnifique cabane en bois, que dis-je, un chalet de belle taille, perdu au milieu des arbres, semblait tout droit sorti d'un conte de fée. Les fenêtres dispensaient vers l'extérieur une douce et chaude lumière, et la cheminée sur le toit fumait abondamment. Je m'approchai doucement, me secouai pour avoir l'air présentable, et cherchai la sonnette. Il n'y en avait pas. Alors je frappai, mais mes mains gelées ne me permirent pas d'y aller franchement, et je doutais que les habitants m'aient entendu. Je toquai une deuxième fois, y mettant cette fois-ci tout mon cœur, à défaut d'utiliser mes mains correctement.

La porte s'ouvrit lentement, juste pour laisser passer un demi visage. Je m'excusai et expliquai la situation. Devant ma mine déconfite, la porte s'ouvrit un peu plus, et on me pria d'entrer. Je faisais sûrement pitié, avec ma parka alourdie de neige et mon air de chien battu.

Je les remerciai en essayant de ne pas trop salir leur vestibule, en ne me secouant pas trop pour ne pas mettre de neige sur le parquet de l'entrée.
— Mon pauvre, me dit alors une femme sortie du salon. Débarrassez-vous et venez au salon vous réchauffer près de la cheminée.
La voix était agréable, et très douce. Je défis ma parka et l'accrochai à une patère suspendue au mur, puis je relevai la tête. Je stoppai net en regardant la dame en face de moi.
— Maman... murmurai-je sans pouvoir me retenir.
— Pardon ? demanda la femme âgée en me souriant.
— Ma... euh.. désolé, dis-je alors en tentant de calmer mon cœur qui battait la chamade. J'avais... l'esprit ailleurs.
— Ne restez pas là, entrez, dit-elle en accompagnant son invitation d'un geste de la main.
J'hésitais à avancer. Je la suivis, lentement, découvrant l'intérieur charmant de la maison. Je n'osais relever la tête, et j'attendais d'être au centre de la pièce pour la fixer de nouveau. Un nouveau choc me prit, me coupant la respiration. Je n'avais pas rêvé. La gentille dame qui se trouvait en face de moi ressemblait trait pour trait à ma mère. C'était impossible... Un sosie parfait. Cela me fit immédiatement monter les larmes aux yeux.
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Les trois Conseillers se précipitèrent dans la chambre de Lady Fulton, espérant de tout cœur ne pas arriver trop tard. Derrière eux, Alexander Bays tentait de les suivre pas à pas. Affalée sur le parquet, une dame en vêtements de nuit tentait de se protéger des griffes acérées d'une créature à corps de serpent et à buste de femme. Celle-ci s'avançait, sifflant en ouvrant une gueule qui se déployait sur des crocs imposants. Poppy se retourna vers le gamin :
— Xander ! A toi de jouer, exhorta-t-elle en désignant l'imposante créature.
Le gamin releva la tête. Il fixa de ses yeux le monstre qui se tenait en face de lui. Puis il ferma les paupières et s'évanouit au sol.
— Qu'est-ce qu'il a ? demanda aussitôt Walsh en voyant l'enfant s'effondrer.
— Rien, c'est normal. Son esprit l'a quitté, expliqua Jones. Il est maintenant dans le corps de la wyverne.
La créature s'était redressée et avait stoppé ses sifflements. Elle ne remuait plus les bras en tentant de blesser Lady Fulton, qui avait fini par s'évanouir. Mais elle bougeait nerveusement ses longues griffes, signe qu'Alexander avait momentanément réussi à calmer la rage qui la consumait. Mais pour combien de temps ? La Wyverne secouait la tête, ne comprenant pas le combat intérieur qui se jouait en elle. Qui s'amusait à contrecarrer ses plans ? Poppy Jones imaginait sans mal la difficulté que devait éprouver Alexander pour maîtriser la bestiole. Celle-ci semblait s'agiter de plus en plus. Walsh leva le bras, dévoilant son arbalète à tranquillisants.
— Non ! hurla Poppy en l'écartant du bras. Non ! Elle veut son bijou, dit-elle en tournant les yeux vers la console en acajou qui jouxtait le lit de Lady Fulton.
Elle n'y vit rien intéressant. C'est le long du mur, sur une élégante coiffeuse, qu'elle aperçut le collier. Lentement, elle se déplaça jusqu'à ce dernier, et se saisit du bijou. Puis, comme si la créature pouvait se réveiller à tout moment, elle avança vers elle, le collier à la main, l'autre bras tendu pour lui montrer qu'elle ne lui voulait aucun mal, et elle déposa la joaillerie à un mètre de la wyverne, qui la suivait du regard.
Les deux hommes étaient immobiles, et ce fut Mademoiselle Jones, qui, doucement, d'une voix calme, leur dit de reculer. Elle se saisit de Lady Fulton et l'emmena jusque dans le couloir, où son mari gisait encore, inconscient. Puis elle demanda au Superviseur de faire de même avec Alexander ; tous se retrouvaient maintenant en dehors de la chambre, et fixaient la femme-serpent qui semblait danser de gauche à droite, légèrement, le regard passant des inconnus qui se trouvaient en face d'elle au bijou qui était maintenant sur le sol.
Walsh leva le bras, prêt à tirer.
— Non ! lui dit alors sévèrement Poppy Jones en lui assénant un coup sur le poignet. Alexander est encore en elle. Si vous la tuez, vous le tuez lui aussi.
— C'est une puissance de l'Ombre, allégua le Conseiller.
— Pas du tout ! contesta Poppy. C'est une créature fantastique.
— Elle a tué des femmes ! contre-attaqua Walsh.
— Elle ne voulait que récupérer son bien.
— Cela en fera une de moins ! argua-t-il en la remettant en joue.
Poppy se tourna vers Covington. C'était son dernier atout.
— Grégory ! Vous savez bien que ce n'est pas une force de l'Ombre.
— Elle peut l'être, Poppy...
— Oui, si elle est embrigadée, comme toute créature magique ou fantastique, se défendit-elle. Si jamais nous avions affaire à une licorne, auriez-vous cette même envie de l'abattre ?
Walsh tourna son regard vers le Superviseur. Celui-ci fixa l'Agent Jones avant de décréter :
— Baissez votre arme, Walsh.
— Mais, Monsieur le...
— C'est un ordre !
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Elle était là. Mais la silhouette fantomatique qui se tenait aux pieds de son lit n'était pas la même que celle qu'il voyait depuis une semaine. Cette fois-ci, il s'agissait d'une fillette au visage triste, aux longs cheveux clairs, les yeux pourtant très expressifs encore. L'aura qui l'enveloppait était d'un blanc laiteux, mais très puissante. Elle semblait flotter quelques centimètres au-dessus du sol, mais Ernest n'en était pas certain, car ses contours n'étaient pas vraiment bien définis.
Ernest avait appris à ne pas les craindre. Il n'aimait pas cela, c'était tout. Il ne comprenait pas. Pourquoi lui ? Pourquoi depuis quelque temps avait-il ces visions ? Cela faisait maintenant trois ans qu'il avait reçu la visite de sa première apparition. Souvent jeunes. Souvent des enfants. Certains étaient vêtus comme des princes, d'autres plus simplement. Ils se tenaient là, invariablement, à le fixer. Et toujours le même rituel effrayant : les yeux plongés dans les siens, leur bouche murmurant des mots invisibles qu'il ne saisissait pas. Voilà le détail qui l'effrayait le plus : ces lèvres entrouvertes semblaient lui parler, s'adresser à lui, sans qu'il puisse une seule fois comprendre ce qu'elles voulaient exprimer.
Alors il restait là. Il les regardait sans plus rien dire. Au début, une fois la peur primale passée, il avait tenté de communiquer avec eux. Parfois, certains levaient un bras, désignant quelque chose, bien au- delà de la fenêtre de sa chambre, un détail de leur vie qu'ils voulaient lui faire comprendre. Il se souvint s'être levé et avoir tenté, quelquefois, de saisir l'indice qu'ils souhaitaient lui communiquer par ce simple geste, mais son regard s'était perdu sur les faubourgs de Londres sans qu'il pût réellement savoir ce que la présence lui désignait.
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A peine une demi-heure plus tard, Murphy redescendait des archives, un demi sourire sur le visage. Le président Anderson, lui, affichait un regard fermé. Mc Cormick se taisait.
— J'ai découvert ce que sont ces monstres. Même si cela ne correspond pas tout à fait avec ce qui s'est passé dans la Tamise.
— Et nous avons une mauvaise nouvelle à vous annoncer de notre coté, affirma Anderson.
Cela stoppa net le Conseiller, dont le sourire disparut.
— Quelle mauvaise nouvelle ?
— Vous d'abord. Que sont ces bestioles qui semblent pulluler dans le fleuve ?
— Des grindylows.
— Grindylows ? Avons-nous eu à nous battre contre eux par le passé ?
— Pas que je sache. En tout cas pas en bataille rangée. Ces créatures sont des êtres aquatiques qui vivent habituellement en campagne. On les situe souvent dans le Yorkshire et le Lancashire.
— Que viennent-ils faire en plein Londres ?
— C'est là le problème. Leurs habitats sont normalement situés dans des mares ou des étangs, en vase clos.
— Sont-ils dangereux ?
— Ce sont des carnassiers. Mais ils ne peuvent s'aventurer sur terre. Alors ils attendent qu'une proie s'approche de l'eau, et l'entraînent avec eux pour la noyer. Puis ils la dévorent. Ils ont une préférence pour la chair de jeunes enfants.
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La chance, cependant, lui sourit, lorsqu'il rencontra de nuit une certaine demoiselle, qui pour quelques pences lui permit d'abuser de son corps sous une porte cochère. Lui qui se sentait moins que rien, avait retrouvé la vigueur de sa jeunesse entre les bras de la prostituée, et s'était presque senti revivre au contact de sa peau. Pourtant la jeune dame, bien que de visage agréable, était vêtue de haillons gras et sales, déchirés et sans valeur. Mais elle avait réussi tant bien que mal à arranger l'ensemble pour lui donner un certain charme, en tout cas suffisant pour attirer les pauvres hères et se procurer de quoi se nourrir et, parfois, quand la chance lui souriait, de se trouver un logement pour la nuit. La pauvresse, encore dans sa pleine jeunesse, subissait de plein fouet les turpitudes de la vie dans ces quartiers abandonnés, juste derrière les murailles médiévales qui cerclaient encore la ville même de Londres. La Tamise, qui bordait l'East End par le nord, délimitait un territoire délaissé par les bonnes gens, où s'entassait toute la misère du monde. Trop de malheurs accumulés au même endroit, pour si peu de travail. Certaines femmes, plus heureuses, plus adroites peut-être, avaient eu l'occasion de se voir embauchées dans quelque atelier de confection, près des grandes halles de tannage ; mais la proche toxicité de ces entrepôts ne leur laissait que peu de chance de vivre longtemps. Au moins pouvaient-elles plus facilement se loger à la nuit, parfois même se payer un morceau de pain ou même une mauvaise soupe.
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Le plus nerveux des scientifiques se leva alors d'un seul coup. Il se précipita vers l'adolescent, au sol, tandis que ses trois derniers doubles continuaient à tournoyer autour d'eux, créant une diversion qui ne servait plus à grand chose. Il se pencha et, difficilement, prit le jeune homme inconscient dans ses bras. Il se releva et s'éloigna de la scène. Cela eut pour effet de faire disparaître les autres versions de Jonathan, qui émit un grognement de douleur lorsqu'il se sentit bringuebalé à gauche et à droite
— Tiffany ! Viens, on file ! ordonna-t-il à la jeune fille, toujours étendue au sol.
Celle-ci n'attendit pas les autres et se remit debout. Le deuxième scientifique les avait rejoints. Ils s'éloignèrent aussi rapidement que possible, alors que le crépitements des balles résonnait dans leurs dos. Puis des hurlements leur parvinrent. Ils surent que c'en était fini pour les militaires lorsque le bruit de la fusillade retomba soudainement.
Ils pressèrent le pas, conscients de la nécessité de s'éloigner des trois créatures, et aperçurent au loin le portail cerclé de rouge. Ils traversèrent le champ violacé, en accélérant. Le premier scientifique qui portait Jonathan semblait rompu à la course à pied, mais Tiffany avait du mal à le suivre. Derrière elle, le dernier homme fermait la marche.
Un cri retentit alors qu'ils étaient proches de la porte. La jeune fille se retourna. Elle aperçut une nuée de taches violettes qui s'envolaient autour d'eux. Elles s'étaient déjà agglutinées autour du scientifique qui se débattait comme un beau diable, essayant de chasser l'essaim qui se concentrait sur lui. Hurlant de douleur, il s'effondra au sol dans des gestes saccadés.
Le premier homme passa le sas, portant toujours Jonathan qui délirait. Il le déposa immédiatement sur le carrelage de la pièce et se retourna vers la gamine, qui courait pour les rejoindre. Mais les particules colorées furent les plus rapides, elles commencèrent à entourer la gamine qui se débattait.
Instantanément, dans un réflexe de survie, elle se transforma en une colonne d'eau, intangible. Sous cette forme, les petites taches violacées ne faisaient que la traverser, et elle put se calmer lentement, constatant que ces dernières ne pouvaient rien lui faire tant qu'elle restait liquide. Au bout d'une minute ou deux, elle fut délaissée par les particules qui repartirent se poser dans le pré d'herbes hautes. Alors, lentement, elle approcha du cercle, toujours flamboyant, et le passa sans encombre, avant de s'effondrer au sol une fois arrivée de l'autre côté.
Le passage se referma derrière elle, abandonnant les cadavres de leurs compagnons dans cet autre univers.
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Elle sentit monter en elle une vague de panique. Elle était entre les mains d'un cinglé. Elle tenta de se dégager de l'étreinte de son agresseur, mais celui-ci était plus fort qu'elle. Alors elle n'hésita plus une seconde.
Son corps s'illumina puissamment, la lumière traversant ses vêtements, aveuglant l'individu qui la lâcha instinctivement. Elle fit quelques pas pour s'éloigner de celui-ci et monta les mains au niveau du visage de ce dernier. Puis elle hurla.
Devant elle se tenait un être à la peau écailleuse, les yeux verts fendus de deux lignes noires verticales. Ses traits étaient presque humains, si ce n'est cette collerette qui entourait son crâne chauve, tel un cobra. Pour confirmer ses doutes, il laissa passer à travers ses lèvres une langue en pointe séparée en deux. Jamais elle n'avait vu une créature aussi monstrueuse, jamais elle n'aurait cru que cela était possible. Mais elle existait bien, elle, avec ses pouvoirs, alors pourquoi pas cette horreur ?
Elle hurla de nouveau en fixant la chimère, et constata qu'il se dressait sur un corps filiforme. Il n'avait pas de jambes, et se tenait devant elle, sorte de serpent géant au visage presque humain.
— Ssssseule ? répéta-t-il en s'approchant d'elle.
Elle laissa tomber le sac de hamburgers au sol, tandis qu'elle augmentait l'intensité lumineuse de son corps. Cela ne semblait pas ralentir le monstre qui continuait à s'approcher d'elle. Puis ce dernier la fixa, alors que sa collerette s'écartait, entourant sa tête qui n'en devenait que plus terrifiante.
Ce fut à ce moment qu'elle l'entendit. Ce son de hochet que l'on remue. Un peu comme un grelot silencieux que l'on agiterait rapidement. Puis elle fit le lien. L'homme serpent, le bruit... comme la queue d'un crotale s'apprêtant à bondir. Elle monta encore la luminosité de son corps, et vit l'être difforme reculer un peu. La lumière était trop puissante pour lui. Elle ne pouvait pas l'affronter. Elle devait garder la même force, continuer à l'aveugler. Elle releva la tête et fixa son assaillant. Celui-ci ne la lâchait pas des yeux, il se tenait bien droit en face d'elle, même s'il avait reculé un peu. Puis elle sentit dans son esprit que quelque chose n'allait pas. Elle ne pouvait détacher son regard de celui de la créature. Que se passait-il ? Pourquoi se sentait-elle soudainement si lasse ? Se pouvait-il qu'il prenne le contrôle sur elle ? Elle devait se battre, ne pas se laisser aller.
Augmenter encore la puissance. Encore un peu.
La luminosité passa d'un jaune pâle au blanc. Tout son corps émettait maintenant une lumière qui devait se voir à des kilomètres. Heureusement, elle se trouvait dans une ruelle, et aucune fenêtre ne donnait sur le passage. L'homme serpent recula à nouveau. C'était trop pour lui.
Elle fit encore un dernier effort et se mit à hurler alors qu'elle projetait toute l'énergie contenue en elle aux alentours. La lumière était aveuglante, et le cri qu'elle poussa semblait se mêler à cette dernière pour en multiplier la puissance. Dans un autre hurlement, elle atteignit ses dernières limites. Des étincelles jaillirent de ses doigts, puis de ses yeux. Le monstre recula de nouveau et détourna le regard.
Puis elle s'embrasa, inondant la ruelle d'un flot d'énergie pure. Son corps éclaira le quartier, libérant une quantité phénoménale de son pouvoir, ne pouvant par lui-même stopper cet incendie lumineux qui envahissait la ville. Puis, comme une torche qui arrive soudainement au bout de son combustible, elle s'éteignit et disparut dans les airs, ne laissant que quelques lucioles jaunes qui s'éparpillèrent dans le ciel.
— Merde, balança alors laconiquement l'homme serpent en glissant sur le sol.
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Malgré tout Sarah ne pouvait s'empêcher de suivre du coin de l'oeil la petite chose qui avançait vers elle. Mon Dieu, elle était maintenant sur sa gauche, totalement visible, et elle se rapprochait encore. Sarah sentit un frisson lui parcourir le dos. Les poils de ses bras se hérissèrent, et elle ne put retenir un léger mouvement. La créature l'avait-elle ressenti ? Elle espérait bien que non. Celle-ci s'approcha encore, doucement, puis sembla s'attaquer à la montée de son oreiller. Il était maintenant à quelques centimètres d'elle, et elle pouvait presque entendre la respiration rauque de la bestiole. Elle ferma malgré elle les yeux lorsque la chose s'approcha de son cou. Il était tellement proche qu'elle faillit se mettre à hurler, mais elle espérait toujours qu'il ne l'avait pas perçue comme une proie, ou quelque chose comme ça. Puis elle sentit. Elle sentit ses petits doigts, au bout de ces longs membres décharnés, elle les sentit lui toucher la peau, d'abord le cou, imperceptiblement, puis remonter le long de sa joue. Son cœur était à deux doigts de lâcher, mais elle arrivait quand même à contrôler sa peur et ses gestes. Il n'y avait aucune chaleur dans ce toucher, la peau rugueuse de la créature était totalement froide. Sarah n'osait plus respirer, elle avait bloqué toutes ses fonctions vitales. Il fallait se faire aussi petit que possible. Ne rien laisser paraître.
Puis la créature redescendit, lentement, et quitta l'oreiller. Sarah la suivit du regard, toujours sans bouger, et la vit s'éloigner par le chemin qu'elle avait emprunté pour arriver jusqu'à elle. Elle prit son temps, humant toujours l'air, comme si elle recherchait quelque chose en particulier. Puis elle disparut derrière la montagne formée par ses genoux. Sarah ne la voyait plus, mais elle savait qu'elle était toujours là.
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— Allô, fit-elle d’une petite voix mal assurée.
— Madame Darmon ?
— Oui ?
Elle ne reconnaissait pas la tonalité de l’appel du matin. Cela la rassura un peu.
— Alors vous êtes malade ?
— Quoi ?
— On m’a dit que vous étiez malade ?
— Ça ne va pas recommencer, dit-elle en s’énervant. Je porte plainte, vous savez. Je ne plaisante pas.
— Mais vous n’avez pas eu d’opération bancaire depuis plus d’un mois sur votre compte. Vous savez, le protocole exige des opérations bancaires .
— Comment ça, le protocole exige ?
— C’est noté noir sur blanc dans le contrat.
— Mais c’est absurde ! Je suis obligée de dépenser mon argent, c’est ça ?
— Oui.
— Mais j’étais malade, vous comprenez ? Malade. Bloquée chez moi, sans pouvoir bouger ! Comment voulez-vous que j’aille faire les magasins ? Et je ne suis pas du genre à acheter tout et n’importe quoi sur internet !
— Vous n’êtes pas sortie du tout durant toute votre convalescence ?
— Non, combien de fois vais-je vous le dire ? Et qu’est-ce que ça peut vous faire ?
— Moi, personnellement, rien. Mais…
— Mais quoi ?
— Vous auriez pu disparaître !
— Disparaître ? C’est quoi cette nouveauté ? Vous me demandez si je suis morte, si je suis malade, et si je n’ai pas l’intention de disparaître ?
— C’est le protocole.
— Eh bien non, dit-elle en s’énervant, je n’ai pas l’intention de disparaître. Je reste bien tranquillement chez moi, sans dépenser un centime, ça vous va ?
— Et comment avez-vous fait pour…
— Pour quoi ?
— Pour les achats du quotidien, par exemple ?
Maddy resta interloquée. Les achats du quotidien ? Qu’est-ce qu’il entendait par là ? Et là encore, qu’est-ce que ça pouvait bien lui faire ?
— Je veux dire, pour manger, par exemple ?
— Je dois avouer que je n’avais pas trop d’appétit, vu mon état.
— Oui, mais quand même.
— Eh bien les voisins se sont occupés de moi. Ils venaient me voir régulièrement.
— Vos voisins ?
— Oui, pourquoi ? Ce sont des amis. On s’entend bien, c’est tout. Vous commencez à me gonfler avec vos questions indiscrètes, c’est décidé : j’appelle la police.
— Attendez, attendez… Vous l’appellerez après.
— Après quoi ?
— Après que vous m’aurez donné les noms de vos voisins et leurs adresses.
— Quoi ?
— Oui. Le protocole. Vous devez déjà me donner le nom de votre médecin, de votre employeur, et de toutes les personnes qui pourront attester de votre absence et de votre maladie. Ce qui aura pour but de clarifier votre dossier.
— Mais quel dossier ?
— Votre tentative de disparition.
— Ma tentative de quoi ? s’étrangla-t-elle.
— De disparition, lui répondit le banquier calmement. Votre passage à l’ennemi, quoi.
— Mon passage à l’ennemi ? Mais quel ennemi ? Nous ne sommes pas en guerre, que je sache ! hurla-t-elle dans le micro de son téléphone.
Son interlocuteur ne fut pas le moins du monde troublé par les cris qu’elle poussait. Il restait aussi calme qu’au début de la conversation. Maddy reprit :
— Vous pensez quoi ? Que je vais changer de banque, c’est ça ? C’est ça, votre ennemi ? si je ne dépense pas mes sous chez vous, c’est peut-être que je les dépense ailleurs ?Et même si c’était vrai, qu’est-ce que cela peut vous foutre ? s’emporta-t-elle.
— Non, cela n’a rien à voir Madame Darmon. Rien à voir.
— Mais alors pourquoi ? dit-elle en sanglotant.
— Chaque être humain doit avoir un compte bancaire. Même les plus pauvres y ont droit, vous savez ? Le gouvernement a mis en place un système pour que tous, y compris les gens les plus endettés et qui sont refusés dans toutes les banques traditionnelles, puissent posséder un compte. Je devrais dire qu’ils DOIVENT posséder un compte.
— Mais qu’est-ce que je viens faire là-dedans ? dit-elle en pleurant carrément.
— Vous n’avez rien dépensé. Depuis un mois. C’est suspect, non ?
— J’étais malade.
— Quand même. Vous refusez de donner les noms de vos amis, de votre médecin, de votre employeur…
— Je bosse pour un laboratoire de recherche pharmaceutique, voilà. Je suis secrétaire, vous êtes content ? dit-elle en reniflant.
— Oui, nous savons tout cela.
— Alors pourquoi me le demandez-vous ?
— Pour vérifier. C’est le protocole. Bref. Chaque compte permet de vérifier ce que fait son possesseur. Où il est. Ce qu’il consomme. Qui il voit. Les paiements sont regroupés au niveau mondial et croisés. Du coup, si deux paiements se font à quelques secondes d’intervalle dans un restaurant, par exemple, toutes les données sont croisées pour vérifier si les deux personnes qui règlent leur déjeuner n’ont pas mangé ensemble. Cela s’appelle la traçabilité. Comme pour la viande ! dit-il en rigolant.
C’était la première fois qu’elle l’entendait rigoler !
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Le grésillement des micros fit sursauter Richards qui s’était assoupi dans sa combinaison.
— Thompson ?
— Non, Détroit. Ici Richards.
— Thompson et Stevens sont à vos côtés ?
— Eh bien… nous avons eu un problème.
— Oui, nous savons… Cela fait quatre heures que nous essayons de nous reconnecter au système…
— Oui, je sais.
— Que s’est-il passé ?
— Nous avons perdu le moteur droit. Et le système de refroidissement nous a lâchés. J’ai dû essayer de brancher la dérivation en manuel, mais… Stevens et Thompson étaient restés dans la cabine… L’incendie a pris, je suis immédiatement revenu en arrière pour les secourir mais le sas était coincé…
— Vous n’avez rien à vous reprocher. Nous savons tous ce que nous risquons dans cette mission !
— Je m’en veux.. J’aurais pu les sauver ! J’étais derrière le sas mais rien ne pouvait débloquer la porte… J’ai pourt…
— Menteur !
Richards se tut. Pourquoi lui avaient-ils dit ça ? Il tenta de reprendre.

— J’ai voulu rentrer mon code d’identi…
— Dis-leur…. Dis-leur quelle saloperie tu es en réalité !
Ça ne venait pas de Détroit. Ça n’était pas dans la conversation.
— Richards ? Vous allez bien ?
— Oui, oui… je.. j’ai essayé de tap…
— Allez, vas-y… sors leur tout ton baratin. Mais tu sais que tu n’es qu’une petite ordure !
— Restez calme, et économisez-vous… On vous envoie des secours, mais il y en a pour deux jours au moins.
— Deux jou…
— Deux jours… Tu tiendras deux jours avec ta conscience ? Fils de…
— Vos gueules ! Fermez vos gueules !
— Richards ? Vous allez bien ? Qu’est-ce qui vous prend ?
— Désolé… la fatigue… C’était tellement horri…
— Tu as aimé nous voir mourir ? Un vrai petit sadique, en plus…
— Fermez-la ! fermez-la, dit-il en sanglotant. Arrêtez !
— C’est toi qu’on aurait dû arrêter !
— Je n’ai rien fait ! Je n’ai ri…
— Mais personne ne vous dit le contraire, Richards ! Vous êtes émotionnellement très touché d’avoir perdu vos collègues et amis, mais il faut tenir le coup. Le Faucon ne peut pas revenir sur terre seul…
— Le Faucon ne reviendra pas sur terre seul ! Nous sommes ensemble… ensemble, Richards, tu entends ?
Richards hurla lorsque ses yeux rencontrèrent le visage brûlé vif de son capitaine. Ses orbites noires, d’où le fixaient deux billes de charbon, lui firent perdre le peu de raison qu’il lui restait. Il tenta de s’éloigner, et se trouva en face de Stevens, livide, qui le transperçait d’un regard froid, éteint.
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Le rock résonnait dans la pièce et envahissait la cabine de douche. Ricky tentait d’accompagner la musique tout en ouvrant le robinet pour se rincer. L’eau fraîche qui coulait sur sa peau lui faisait du bien, tonifiant ses muscles, le requinquant pour la fabuleuse soirée. Il prit le pommeau de douche et, s’improvisant un micro, il se mit en tête de donner un concert virtuel tout en se lavant. Bien entendu, les mouvements de salut au public accompagnaient son chant à peine juste… Il salua une dernière fois l’assistance virtuelle, éloignant le pommeau de douche vers la droite, lorsque sa main toucha quelque chose qui n’était pas du carrelage. Il tourna la tête et hurla, lâchant par la même occasion la douchette qui retomba au sol : sa mère se tenait dans la douche, les yeux vitreux, la bouche à moitié ouverte, et elle semblait le regarder. Il paniqua, recula, et son dos vint frapper le carrelage chaud du mur. Sa mère hurla : « De l’eau ! De l’eau ! », d’une voix gutturale, caverneuse, qui n’avait rien à voir avec la voix douce qu’il lui avait toujours connue. Ricky ferma les yeux, se disant que ce n’était qu’une illusion. Il les rouvrit et hurla de plus belle, constatant que sa mère, dans sa robe détrempée, était toujours là, à hurler les mêmes mots : « De l’eau ! De l’eau ! ». Il poussa alors le battant vitré de la porte de douche mais celle-ci refusa de s’ouvrir. Il tourna les boutons d’arrivée d’eau pour arrêter la douche et peut-être du même coup mettre fin au cauchemar, mais les boutons refusèrent de pivoter. Le liquide continuait à s’écouler, toujours et encore. Il remarqua que sa mère, bien qu’immobile, avait son pied posé sur la bonde d’évacuation. Son chausson trempé retenait ainsi l’eau dans la cabine. Il se pencha et, maîtrisant sa peur autant que possible, prit le pied de sa mère dans sa main. Il poussa, tira, le tout en hurlant pour décupler ses forces, mais le talon ne bougea pas. Impassible, sa mère continuait son triste chant, à peine couvert par la musique rock : « De l’eau ! De l’eau ! ». Alors, Ricky se retourna vers la porte vitrée. Elle devait s’ouvrir. Elle était coincée, peut-être par la vapeur, mais elle devait s’ouvrir. Il la prit à deux mains, mais elle refusa de bouger d’un pouce. Il s’élança alors l’épaule la première, tentant de la faire voler en éclats. Rien à faire, elle résista. Il hurlait, tentant de couvrir les mots de sa mère qui continuait, sans bouger, à lui crier : « De l’eau ! De l’eau ! ». Puis Ricky se rendit compte soudainement de ce qui était en train de se passer : il avait de l’eau jusqu’aux genoux, la porte refusant de s’ouvrir. La cabine de douche faisait office de bocal, d’aquarium, et se remplissait inexorablement. Il frappa des deux mains contre la paroi, tenta une nouvelle fois de pousser le chausson de l’évacuation. En vain. Le temps lui sembla s’écouler à grande vitesse. L’eau montait, la douche coulait toujours et sa mère, face à lui, trempée, dans sa robe à fleurs et en chaussons, les yeux vitreux, la bouche toujours à demi-ouverte, criait sans discontinuer : « De l’eau ! De l’eau ! ».
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— Est-ce que Georges est là ? demanda l’homme en complet gris.
— Désolé, lui répondit Cindy, une jeune femme élancée, aux cheveux roux qui faisaient ressortir ses beaux yeux verts. Je pense que vous faites erreur, il n’y a pas de Georges ici. Passez une bonne journée, rajouta-t-elle en repoussant le battant de la porte.
L’homme en complet gris la bloqua avant que celle-ci ne fût totalement refermée. Cindy tenta de pousser sa chaussure, mais il était bien plus fort qu’elle. De la main gauche, il écarta la porte et entra dans le vestibule sans y avoir été invité.
— Ce n’est pas grave, nous allons l’attendre ici.
— Mais… vous n’êtes pas à la bonne adresse, répliqua Cindy. Il n’y a pas de Georges à cette adresse. Je vis seule.
— Oh, nous ne sommes pas pressés, nous pouvons l’attendre toute la journée.
Cindy recula. Elle ne pouvait plus le repousser, il était bien trop imposant pour elle. Grand, les sourcils épais, le regard d’un noir profond, le sourire énigmatique, il portait un chapeau qui dissimulait sa chevelure brune mais l’on devinait tout de même qu’il avait les cheveux mi-longs. Cindy tenta une dernière fois de s’expliquer, en essayant de garder son calme.
— Je vous assure que vous devez vous tromper. Il n’y a pas d’homme à la maison, et je ne connais aucun Georges.
— Très bien, très bien, dit juste l’inconnu au complet gris.
Puis, une femme, menue, pâlotte, fit son entrée elle aussi. Sa silhouette contrastait avec l’imposante stature de l’homme, et elle semblait timide et réservée.
— Jocelyne, dit l’homme en présentant la jeune femme de la main.
Celle-ci émit un sourire craintif, qui retomba aussitôt en quelque chose de triste. Les présentations étaient faites. Cindy pensa soudainement à quelque chose : un homme, une femme, qui faisaient du porte-à-porte. Cela ne pouvait pas être des démarcheurs quelconques. Non. Elle avait déjà reçu la visite de quelques-uns d’entre eux et leur avait toujours précisé ne pas être intéressée.
— Écoutez, je suis catholique de naissance, baptisée, je n’ai nullement l’intention de changer de religion. J’ai déjà conversé longuement avec vos confrères, et je ne suis pas du tout prête à vous écouter de nouveau. J’ai énormément de choses à faire ce matin, alors je vous prierai de bien vouloir quitter ma maison. Je connais les Témoins de Jéhovah, et vos théories ne m’intéressent pas le moins du monde.
L’homme ne tenta même pas de dissimuler son sourire.
— Je pense que vous vous méprenez, Jennifer. Nous ne sommes pas Témoins de Jéhovah.
— Je ne m’appelle pas Jennifer. Je m’appelle Cindy. Ce qui prouve encore une fois que vous vous êtes bel et bien trompés de maison. Il n’y a ici ni Georges ni Jennifer.
— Ce n’est pas grave, Jennifer. Et nous avons tout le temps d’attendre que Georges revienne. N’est-ce pas, Jocelyne ?
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Cela commença tout d’abord par un mal de tête effroyable, qui s’estompa aussitôt que je tentai de me retourner. Une douleur lancinante me paralysa le bas du dos, un peu comme si j’avais dormi depuis quinze jours dans de mauvaises conditions. Je tentai de remonter la couverture sur mes jambes, mais je ne la trouvai pas. Je tâtai ce qui aurait dû être mon matelas, et je constatai que j’étais étendu sur le sol.
Vint ensuite la désagréable impression de ne pas être à ma place. Comment avais-je pu tomber du lit sans m’en apercevoir ? Je me redressai, puis, assis sur le sol, je tentai de prendre appui sur le rebord du lit pour me mettre debout. Je ne trouvai pas ce foutu rebord. J’avais dû tomber et rouler sur le sol. Je me frottai la tête, conscient que j’avais peut-être un peu trop abusé de l’alcool lors de la soirée de la veille. Mais de là à ne pas me sentir tomber du lit ! Je ne me félicitais pas de cette beuverie, et me dis en mon for intérieur : « Adam Brockner, ça t’apprendra à picoler comme un trou. Tu feras attention la prochaine fois ! »
Je tournai la tête pour apercevoir l’heure, mais je n’arrivai pas à distinguer les chiffres lumineux de mon radio-réveil. Peut-être avais-je entraîné celui-ci dans ma chute ? Si c’était le cas, je craignais qu’il ne fonctionne plus. Je regardai de l’autre côté et aperçus la lumière du jour qui filtrait à travers les volets. Au moins le jour s’était-il levé et avais-je une petite indication supplémentaire. De toute manière, il fallait que je me lève. Je me mis debout et fis quelques pas mal assurés. L’effet de l’alcool bu la veille, sûrement. C’est à ce moment qu’un détail me frappa : la fenêtre paraissait être placée très bas dans le mur, trop bas d’ailleurs. En tout cas, plus bas que je ne l’avais laissée hier soir. Je m’avançai en titubant. J’avais l’impression que le sang me montait à la tête, la douleur s’étant amplifiée depuis que je m’étais relevé. J’avançai la main vers la poignée de la fenêtre et en tâtai le montant sans trouver cette fameuse poignée. Je finis par la saisir bien plus bas, elle aussi, puisque je dus me baisser. J’ouvris la fenêtre puis, machinalement, je saisis le loquet lui aussi placé plus bas, pour ouvrir les volets. Il résista, puis finit par céder, sans m’être rendu compte que j’avais dû pour cela l’ouvrir à l’envers. Le soleil m’éblouit et je dus fermer les yeux quelques instants. Je ne saisis pas l’importance du bouleversement tout de suite…
Je hurlai et me raccrochai tant bien que mal à la fenêtre. J’espérai simplement que la poignée tiendrait bon et que je ne tomberais pas dans la rue, m’écrasant ainsi lamentablement sur le trottoir. Mon cœur battait la chamade, et je ne pus lâcher la poignée. Je cherchai un moyen de revenir dans ma chambre, mais après quelques instants, je constatai que j’étais toujours à l’intérieur de celle-ci. J’avais paniqué en me voyant la tête à l’envers, plongé vers le sol, mais j’avais pourtant bien les pieds sur le plancher. Ou du moins sur le plafond…
Imaginez la peur panique qui vous saisit quand, ouvrant votre fenêtre, vous constatez qu’à la place d’un beau ciel bleu, au-dessus de votre tête, vous avez votre jardin, ainsi que la rue et les lampadaires plantés régulièrement tous les cinq mètres. Ne penseriez-vous pas comme moi que, par un malencontreux hasard, vous venez de trébucher et que vous vous retrouvez la tête à l’envers, prêt à faire le grand plongeon par la fenêtre de votre chambre ? Ce n’est qu’après quelques instants, et après avoir constaté que vous ne tombez pas, que le jardin est bien au-dessus de vous, et que vous vous tenez fermement debout sur le plafond, que vous arrêtez de crier.
Mais le plus effrayant, ce n’est pas le jardin au-dessus de votre tête. C’est le vide au-dessous. Car si ce qui était en dessous est maintenant au-dessus, l’inverse est aussi vrai : le ciel est maintenant sous vos pieds. Et c’est bien là le problème !
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Comme pour manifester son accord, une colonne de brume se répandit dans la pièce, sans toutefois qu’on puisse en distinguer la provenance. Il semblait qu'elle se fût matérialisée instantanément aux côtés de l'homme. La fumée se concentra pour finir par ressembler à une créature aux crocs acérés, tout à fait semblable à celle qui s'était chargée d'attaquer le musée.
— Eris, j'aimerais bien que tu prennes une autre forme, quand nous ne sommes que deux. Pas la peine de tenter de m'impressionner, tu sais que cela ne fonctionne pas avec moi.
La colonne se dissipa et une superbe créature de sexe féminin se tint à la place de l'immonde monstre qui se trouvait là quelques instants auparavant.
— Crois-tu vraiment que je cherche à t'impressionner, Ethans ? Oublies-tu qui je suis ?
— Je sais très bien qui tu es, Eris. Et même ton statut de déesse de la discorde ne t'accorde pas la suprématie sur moi.
— Méfie-toi, Ethans. Tout Lord que tu sois, méfie-toi qu'un jour la chance ne tourne.
— Seraient-ce des menaces ?
— Aucunement. Je te préviens, c'est tout. D'autres que moi, moins dévoués à la cause de l'Ombre, pourraient te jalouser et envier la place qui t'a été donnée.
— Si vous aviez été capables de récupérer ce qui fut vôtre un jour, je n'aurais jamais été nommé pour révéler l'Aube de l'Ombre. Et retrouver les pouvoirs et la place qui nous ont été pris autrefois.
— Ne t'en fais pas. Je suis de ton côté.
— Je l'espère bien.
La déesse tourna la tête et regarda la table, sur laquelle brillaient toujours trois symboles dorés.
— Tu as apporté la rune ? Qui comptes-tu réveiller ? Irmin ? Loki ?
— Ramener un dieu à la vie ? Non merci. Même si je dispose des pleins pouvoirs donnés par l'Ombre, je préfère me préserver des caractères belliqueux des dieux anciens. Je dis cela sans vouloir t'offusquer, bien sûr.
— Ne t'en fais pas, je ne le suis en aucun cas. Et je sais le caractère difficile de Loki.
— Pourtant ce serait parfait pour toi. Loki, dieu de la sournoiserie... et de la discorde. Tout comme toi. Vous êtes faits pour vous entendre.
— Ne crois pas cela. Mets en concurrence deux personnalités aux pouvoirs identiques, et tu risques d'obtenir des étincelles.
— Les sortes d'étincelles qui ont mené à votre perte il y a des siècles. L'arrogance des dieux et de certaines créatures surpuissantes ont poussé le royaume de l'Ombre vers sa déchéance, ne laissant que quelques miettes du mal sur terre, disséminées au creux de cerveaux malades d'humains psychopathes. Oh, bien sûr, ces dégénérés ont tenté de faire revivre l'Ombre... Hitler, Raspoutine, Pol Pot... De petits méprisables qui n'ont pas su exploiter les forces invincibles qui se cachaient ici.
— Tous n'ont pas été bercés dans les arcanes de l'Ombre.
— Exactement. C'est pourquoi je prends le relais. Si vous voulez revenir, retrouver le pouvoir et la force qui étaient vôtres, il va vous falloir m'obéir et collaborer. Pour cela je vais avoir besoin d'un peu d'aide très prochainement.
— C'est dans ce but que tu vas connecter la rune ?
— Oui. Je veux réveiller Jörmungand.
— Jörmungand ? On peut rêver plus discret.
— Ce n'est pas de la discrétion dont je vais avoir besoin, au contraire. C'est d'une force de frappe. Quelque chose qui fasse diversion. Et vite.
— Tu penses pouvoir le contrôler ?
— Tu mets mes capacités en doute ?
— Non, du tout. Mais une telle créature... ce n'est qu'une bête !
— Oui, et c'est justement ce qu'il me faut. Une bête irréfléchie, qui va piller, massacrer, sans aucun remords ni pensées. La force brute.
— Je souhaite que ton plan soit couronné de succès.
— Il le sera. Il ne nous manque plus que le triskell. C'est à cela que va me servir le serpent géant. Semer la panique auprès des personnes qui le détiennent.
— Il n'est plus au musée ?
— Non. Quand tu as failli à ta mission, en ne rapportant que l'Ankh, le triskell a été escamoté. Mais je sais par qui. Et je sais où il se trouve. Il sera ici, très bientôt. Je te le promets...
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— Ah, inspecteur, vous êtes là ?
— Non, répondit Vallandier, sans sourire.
Devant la tête ébahie de son collègue, il crut bon de reprendre :
— Oui, Pérétin, je viens d'arriver. Quoi de neuf ce matin ?
— Oh, rien, lui balança Pérétin en haussant les épaules.
— Eh ben, on commence bien la journée !
Il baissa la tête avant de reprendre :
— Ah mais, si. Dis-moi, je viens de croiser les époux Plantin, qui sortaient d'ici. Martine m'a dit qu'elle te les avait envoyés ?
— Ah oui, oui.
— Bah alors ?
— M'en souvenais plus.
— Ils viennent de partir. Faut consulter, Pérétin, ça s'arrange pas !
— Ils voulaient vous voir.
— Oui, je sais. Je leur avais dit que ce n'était pas la peine de se déplacer, qu'on les appellerait si on avait du nouveau dans l'enquête. Je comprends leur inquiétude, mais ce n'est pas en venant nous voir tous les jours qu'on va leur pondre des informations !
— Ah non, mais ils ne venaient pas pour ça.
— Ils sont venus pour quoi, alors ? demanda l'inspecteur, interdit.
— Ils veulent qu'on arrête l'enquête, dit simplement Pérétin sans s'émouvoir.
— Quoi ?
— Oui, ils ont dit que ce n'était plus la peine.
— Comment ça, plus la peine ?
— Oui, c'est fini.
— Ce sera fini quand on aura le fin mot de l'histoire, mais pas avant ! Leur fils est rentré ?
— Oui, apparemment.
— Apparemment ? Tu ne les as pas reçus dans ton bureau ?
— Si si.
— Bah alors ? Ils ne sont quand même pas juste venus pour te dire d'arrêter les recherches ?
L'inspecteur montait le ton, et la pression dans le bureau faisait de même.
— Oui, enfin... ils ont dit que leur fils avait fait une fugue mais que c'était fini. Il était à la maison.
— Depuis quand ?
— Hier, je crois.
— Tu crois ? Dis donc, j'adore quand tu fais dans la précision comme ça ! C'est avec des affirmations de ce genre qu'on va bientôt conclure cette affaire. Il est rentré hier, alors ?
— Oui. C'est ce qu'ils ont affirmé.
— Et il va bien ?
— Oui, d'après ce qu'ils disent.
L'inspecteur n'en revenait pas. Il ne savait pas ce qui le surprenait le plus. Que cette disparition ne soit en réalité qu'une fugue, ou que son adjoint n'ait pas l'air plus informé que cela de la situation, alors qu'il venait juste d'en discuter avec les principaux intéressés. Il baissa les yeux, se prit la tête entre les mains et respira une grande goulée d'air frais. Il sentait que la journée allait être longue. Pérétin, de son côté, attendait patiemment que son supérieur reprenne la conversation, sûrement conscient que ses réponses évasives étaient à l'origine de l'énervement de son patron. Vallandier demanda :
— Mais... ils avaient l'air soulagés ?
— Oui, je dirais que oui.
— Ah bon, ça n'a pas l'air d'être aussi certain que cela.
— Non, c'est juste mon ressenti.
— Leur gamin est bien rentré ?
— Oui, enfin, ils n'ont pas l'air d'en être sûrs à cent pour cent.
— De quoi ?
— Que leur gamin soit là.
Vallandier se prit de nouveau la tête entre les mains. Il souffla un grand coup, et reprit :
— Ils ne sont pas sûrs à cent pour cent que le gamin soit rentré, ou alors ils ne sont pas sûrs que le gamin soit rentré à cent pour cent ?
L'incompréhension se lisait sur le visage de Pérétin. Tout du moins si l'on pouvait lire quelque chose sur ce visage, qui affichait fièrement un quotient intellectuel relativement bas.
— Euh... je vois pas la différence, patron, ajouta-t-il, comme pour confirmer les pensées de Vallandier.
Celui-ci soupira avant d'enchaîner :
— Est-ce qu'ils disent qu'il est rentré parce qu'il y a des signes dans la maison ? Son sac à dos dans sa chambre ? Des affaires qui ont bougé ? Mais ils ne l'ont pas vu personnellement. Donc pas sûrs à cent pour cent ?
— Bah...
— Ou est-ce que le gamin est bien rentré, qu'il est à la maison, mais pas rentré à cent pour cent ?
Devant la tête ahurie de Pérétin, Vallandier soupira de nouveau.
— Ça veut dire qu'il serait rentré mais avec... des morceaux en moins ?
— Mais c'est ce que je te demande, Pérétin ! Pourquoi tu me dis qu'ils n'ont pas l'air d'être sûrs à cent pour cent que leur fils soit revenu ?
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La grenouille bleue prit la parole :
— De toute manière, c’est moi qui ai gagné.
— Coâ ! s’exclamèrent toutes les autres grenouilles d’une seule voix.
— C’est elle qui l’a dit, déclara la grenouille bleue en pointant sa cuisse de grenouille sur Marie.
— Mais je n’ai rien dit de tel !
— Si. Vous avez dit que j’étais la meilleure.
— C’était une façon de parler.
— C’est trop tard. J’ai gagné et c’est tout.
— Coâ ? s’indignèrent les autres grenouilles.
— Mais de quoi parlez-vous, enfin ?
Une grenouille rose s’approcha de Marie, elle avait une voix nasillarde, un peu comme si elle se pinçait le nez. Mais bon, une grenouille, Marie savait bien que ça n'avait pas de nez... sauf.. sauf peut-être si c'était une grenouille à nez ! Ça devait bien exister, après tout. Marie secoua la tête pour sortir de la rêverie dans laquelle elle était encore une fois en train de s'enliser.
— De la course, bien sûr, de la course ! Vous ne lisez pas les journaux ?
— Si, répondit Marie en fronçant les sourcils. De temps en temps… (Même si ce n'était absolument pas vrai, elle espérait que les grenouilles ne s'en apercevraient pas).
— Alors vous avez dû entendre parler de la course de grenouilles ! La gagnante deviendra la grenouille favorite de sa Majesté.
— Sa Majesté ? Il y a bien longtemps qu’il n’y a plus de Majesté. Depuis au moins…
Marie réfléchit mais elle n’avait jamais été très bonne en histoire. Elle ne pouvait donc pas dire avec précision depuis quand il n’y avait plus de Majesté.
— Depuis très longtemps ! finit-elle pour conclure.
— Bien sûr que si, reprit la grenouille rose. Et c’est pour cela que nous faisons la course.
— Et j’ai gagné ! triompha la grenouille bleue.
— Coâ ? fulminèrent ensemble toutes les grenouilles.
— Écoutez, je ne sais pas de quoi vous parlez, mais cela ne me regarde pas.
— Vous l’avez déclarée vainqueur…
— Mais je n’ai rien fait du tout !
— Si, dit la grenouille bleue. Je suis la meilleure.
— Coâ ? crièrent encore une fois toutes les grenouilles.
— Non, je n’ai rien dit de tel, déclara Marie. Je ne vous ai même pas vues faire la course.
— Alors recommençons, proposa une grenouille verte à pois blancs, qui avait une voix énorme, beaucoup trop pour sa petite taille.
— Oui, firent les autres grenouilles.
— Coâ ? protesta la grenouille bleue. Il en est hors de question. C’est moi la meilleure.
— Non. C’est une bonne idée, ajouta Marie, qui souhaitait par dessus tout que la conversation ne s'envenime pas. Recommencez la course. Je vous regarderai. Ainsi, je pourrai dire qui de vous est la meilleure.
— Oui, elle a raison, confirma une grenouille jaune avec un fort accent belge (du moins c'est comme ça que Marie imaginait l'accent belge : comme une personne qui mangeait des frites bien chaudes et qui parlait en même temps).
Marie sourit. Elle aimait quand quelqu’un reconnaissait qu’elle avait raison. Même si ce quelqu’un en ce moment était une grenouille jaune. Mais la grenouille bleue n’était pas de cet avis.
— Je ne ferai pas la course. Je l’ai déjà gagnée !
— Eh bien tant pis, dit Marie. Nous la ferons sans vous.
— Non. On ne peut pas. Il faut dix grenouilles pour faire la course. Si la grenouille bleue ne fait pas la course, il faut que quelqu’un prenne sa place. Vous, par exemple.
— Mais je ne suis pas une grenouille !
Toutes les grenouilles se regardèrent, étonnées. Elles n'avaient pas l'air d'être si sûres que cela que Marie n'était pas une de leurs compatriotes.
— En vous mettant à quatre pattes, personne ne fera la différence ! lança une grenouille orange.
— Et d'ailleurs je trouve que vous ressemblez pourtant assez à une grenouille. Une grande grenouille, mais quand même !
— Ou un crapaud ! ajouta la grenouille jaune avec son accent belge.
Marie ne savait comment prendre la remarque. C'était la première fois qu'on lui disait qu'elle ressemblait à un crapaud. Elle préféra ne rien dire.
— Je ne peux quand même pas faire la course contre des grenouilles. Ce serait déloyal. Il faut que la grenouille bleue participe.
Celle-ci était dans son coin de lit, tournée par rapport aux autres, et faisait la tête, les cuisses (de grenouilles) croisées les unes sur les autres. Comment Marie pouvait-elle la décider à refaire la course ?
Soudain, une idée lui vint à l’esprit. Elle fit un clin d’œil aux autres grenouilles et se tourna vers la grenouille bleue, qui boudait toujours.
— Acceptez de faire la course à nouveau.
— Mais je l’ai déjà gagnée. Vous l’avez dit vous-même ! Ça ne sert à rien de recommencer !
— C’est vrai, dit Marie, mais vous pourriez leur montrer, à toutes, que vous êtes la meilleure, en les battant encore une fois. Ainsi, vous serez vraiment la meilleure des meilleures !
La grenouille bleue tourna la tête. Elle sourit de toutes ses dents et rejoignit les autres grenouilles.
— La meilleure des meilleures ! s’exclama-t-elle, en regardant la jeune fille, qui avait eu là une excellente idée.
Marie la suivit de près. Toutes les grenouilles se mirent en ligne. Marie leur demanda :
— Jusqu’où courez-vous ?
— Jusqu’au bout, répondit une grenouille rayée.
— Jusqu’au bout d’où ?
— Jusqu’au bout du bout…
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Comme personne ne répondait ou n'était présent derrière le comptoir, elle prit la poignée de la porte, ouvrit de nouveau, ce qui eut pour effet de pousser une nouvelle fois la petite cloche située au-dessus de celle-ci. Mais aucun son ne retentit. Elle fixa la clochette, actionna la porte encore et encore. Rien à faire, aucun son n'en sortait. Alors qu'elle refermait la porte, elle aperçut un petit panneau, collé sur cette dernière. Elle s'approcha et lut :

« Afin d'économiser la clochette, celle-ci ne sonnera qu'une seule fois par client. Il est donc inutile de jouer avec la porte pour la faire sonner encore et encore... »

Marie se demanda comment on pouvait faire en sorte que la cloche ne sonne qu'une seule fois par client ; cependant elle ne connaissait pas tout au monde, et se dit qu'il y avait sûrement encore bien des choses à découvrir. Comme personne n'était encore intervenu, elle fit quelques pas dans la boutique. Sur de grandes étagères, il y avait un bazar tel qu'elle n'en avait pas vu depuis longtemps. Elle pensa que si sa chambre avait été dans un tel état, sa mère l'aurait privée de sortie pendant au moins une semaine ! Il y avait des écrans de télévision, des réveils entassés les uns sur les autres, puis quelques aquariums avec un ou deux poissons qui tournaient en rond (mais comment pouvait-on réparer un aquarium si les poissons étaient encore dedans ? se demanda Marie), et, au bout de l'allée, un petit enclos avec un poney à l'intérieur. Celui-ci ne bougeait quasiment pas, il mâchouillait de l'herbe, ou du foin, Marie n'en était pas sûre. A son cou pendait un petit écriteau qui disait : « ne pas toucher, peinture fraîche ».
Aussitôt Marie eut envie d'y poser sa main, forcément ! Premièrement parce qu'elle n'avait jamais vu un poney d'aussi près. Deuxièmement parce qu'elle ne savait pas qu'on pouvait faire repeindre son poney, sûrement quand il perdait ses couleurs. L'animal, en la voyant s'approcher, fit un pas en arrière en hennissant. Marie recula, car il lui semblait avoir entendu « Hiiiiii pas touche », même si elle savait que les poneys, tout comme les chevaux, ne parlaient pas français !
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