Physiquement, je n'avais pratiquement pas eu de croissance pendant ces quatre années d'épreuves effroyables. A peine libérée, j'ai aussitôt repris le fil de ma croissance. J'étais revenue au temps réel.
Les rêves m'encourageaient. Ils me donnaient la force spirituelle et la volonté de vivre. Faute de rêves, on risquait de sombrer et de mourir.
Les marins britanniques travaillaient vite et efficacement. Ils nous aidèrent avec vigueur, mais sans un sourire. Peut-être est-il difficile de sourire à des gens ayant l'aspect que nous avions.
Les Nazis avaient soigneusement réglé notre routine quotidienne de faim, de peur, de travail forcé et de meurtres arbitraires afin de détruire en nous toute réalité humaine, de nous réduire au néant. Dans le monde où ils nous forçaient à vivre, rien de ce que nous faisions ne pouvait donner de sens à notre existence.
Soudain, je suis à nouveau une petite fille et, si je donne la mauvaise réponse, les troupes d'assaut nazies nous attendront dans le virage. Ce n'est pas le souvenir de la peur. C'est la peur elle-même, à jamais présente, du hideux danger qui m'attends si jamais je prends la mauvaise route.