L’invention même de la démocratie au sens moderne – en particulier des mécanismes de représentation parlementaire – a objectivement permis aux classes dominantes de faire face à la menace représentée par l’irruption tumultueuse des classes subalternes dans une sphère publique alors en voie de constitution.
Mais les politiques néolibérales, parce qu’elles ont ce faisant accentué la concurrence entre salariés et écrasé en partie les formes établies de solidarité collective, empêchent pour l’instant que la désaffection généralisée envers les partis dominants se mue en opposition collective à la classe dont ces parties servent obstinément les intérêts. Elles l’orientent au contraire vers le ressentiment et la nostalgie d’une unité imaginaire, qui disposent davantage au désespoir qu’à la révolte, à la suspicion vis-à-vis des minorités qu’aux solidarités antiracistes, et se prêtent donc aisément à toutes les récupérations d’extrême droite, qui visent à faire de ce ressentiment, de ce désespoir et de cette suspicion une force active ou, du moins, à les instrumentaliser électoralement pour parvenir au pouvoir.
Moins le fascisme est utilisé de manière rigoureuse comme catégorie d’analyse, plus se développent ses usages strictement polémiques.
Si la violence ne saurait à l’évidence être recherchée ou valorisée pour elle-même, elle ne peut évidemment être exclue face à un ennemi dont le projet est intrinsèquement violent et dont l’idéologie encourage les agressions ciblant les minorités et les mouvements sociaux.
L'avènement du fascisme n'est pas le passage d'un ordre fondé sur le consentement à un ordre fondé sur la violence, autrement dit la naissance d'un pouvoir reposant intégralement sur la répression, mais la transition vers un nouveau mode de fabrication du consentement.
Des pratiques qui partent de questions locales et le nationales pour les lier à des enjeux continentaux et mondiaux. Or ces pratiques existent déjà, formant dès maintenant un sens commun internationaliste, connecté intimement aux combats féministes, antiracistes, écologistes, anticapitaliste, et évidemment antifasciste.
Comment affronter ce double adversaire si nous sommes incapables de raviver l'internationalisme, qui fut à la fois une valeur cardinale, un objectif central et une pratique concrète de solidarité au cœur des gauches et des mouvements ouvriers du 19e et 20e siècle ? Cet internationalisme de solidarité et de lutte, pour lequel l'ennemi n'est pas l'étranger mais l'exploiteur (quelle que soit sa nationalité), pour lequel on est solidaire des opprimé•es peu importe leur couleur de peau, leur origine ou leur religion, a été cultivé parmi les travailleur•ses par les mouvements socialistes, communistes et anarchistes.
La construction d'un ennemi, réel ou imaginaire, est donc essentielle dans la transmutation du nationalisme en force sociale
Aucun « front républicain » ne mettra fin à une dynamique fasciste quand celle-ci sera enclenchée.
Le principal danger pour la démocratie, c’est bien la radicalisation d’une bourgeoisie qui aimerait se passer de ce dèmos encombrant !
Il s’agit de refuser à l’extrême droite le droit à la parole et de l’exposer pour ce qu’elle est.
L’État fasciste ne désigne pas en effet un gouvernement un peu plus répressif que les gouvernements ordinaires mais un régime d’exception dans lequel l’État de droit tel que nous le connaissons est purement et simplement aboli.