Nous participions à notre propre destruction. Comment tous les Allemands avaientils pu fermer les yeux ? Je me demandai si ceux qui vivaient dans les villes ou dans les fermes à l’extérieur des camps pouvaient sentir l’odeur de la chair brûlée. Regardaient-ils le ciel alors que des cendres grises pleuvaient sur eux ? Comment pouvaient-ils ignorer ce qui se passait et, s’ils le savaient, pourquoi ne s’en souciaient-ils pas ? Où étaient les gens qui devaient se dresser, horrifiés et indignés, face aux agissements de notre gouvernement ?
Les hommes étaient assis dans la tribune, à notre droite, tandis que le siège du juge se trouvait à notre gauche. Il n’y avait pas une seule personne dans la foule qui fût là pour Lisa et moi – ni amis, ni parents, ni alliés pour plaider en notre faveur. Nous étions seules face à une force bien plus puissante qu’une secte ou qu’une tribu ; nous nous opposions à l’État allemand, le Troisième Reich. Les hommes qui nous persécutaient passaient un bon moment à nos dépens, parlaient du temps qu’il faisait, riaient de notre situation, se rengorgeant dans leurs uniformes empesés, admirant leurs médailles et échangeant des anecdotes de guerre, comparant leurs invitations à un procès auquel ils avaient le privilège d’assister, convocations les plus convoitées du « juge impitoyable » d’Hitler, tandis que Lisa et moi craignions pour nos vies.
C’étaient souvent des contes brutaux se terminant par la destruction ou la mort. Je commençai à voir la ressemblance entre le Reich et un conte de fées. La mort n’était jamais loin.
En considérant ce qui m’est arrivé, maintenant que j’approche de la fin de ma vie, je remercie le sort pour ce que j’ai appris. Je tiens à partager mon expérience avec autrui. Ce qui s’est passé en Allemagne durant ces terribles années ne doit plus jamais se reproduire. Même si l’humanité s’efforce de faire le bien, la cruauté demeure.
Son sourire, plein d’une tristesse mélancolique, me donna des frissons. C’était comme regarder un crâne, la mort elle-même qui me dévisagerait.
Comme Sophie Scholl l'avait dit lors de son procès à Roland Freisler, président du Tribunal du peuple : Il fallait bien que quelqu'un commence.
Maintenant, j aimais un homme qui complotait pour tuer Hitler