Vea Kaiser présente son premier roman, "
Blasmusikpop", ou le roman qui raconte comment un ver solitaire changea le monde...
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Blasmusikpop" de
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Dis donc, porquoi qu'tu parles comme a péteux?
-Je ne parle pas comme un péteux, je parle comme un chercheur ;
- Mé t'es pas a cherchieur, t'es a saint-Pétrossien, donc parle normal'ment
Les crampes débutèrent peu avant la fonte des neiges. Son intestin se tordit pendant seize heures - deux heures de plus que la durée des contractions d'Elisabeth, songea Johannes, aussitôt pris de honte à cette pensée. Lorsqu'il eut enfin sous les yeux [le ver solitaire] dûment nettoyé, quatorze mètres quatre-vingts de longueur et presque aussi large que l'annulaire d'Elisabeth, il rayonna de fierté, comme s'il avait réalisé la première ascension du Grand Sporzer.
Il était submergé par tout ce qu'il voyait, incapable de comprendre comment il avait pu jusque-là ignorer le reste du monde. Pouvait-on vivre sur cet énorme globe en ne connaissant que l'endroit où l'on était né et où l'on avait grandi ?
A la puberté, les sentiments des jeunes gens sont plus vifs que pendant toutes les autres phases de la vie, nota Johannes Gerlitzen dans son journal médical. Ils sont vécus de manière absolue. Lorsqu'il est la proie d'une ivresse émotionnelle, l'adolescent devient irrationnel, aveugle au passé et au présent, il se laisse envahir par l'intensité de son bouillonnement intérieur, auquel il est livré sans défense. L'amplitude des variations est étonnante : à un moment il exulte, l'instant d'après il est d'une tristesse mortelle. La nature est bien faite, cette phase ne dure pas plus de trois ou autre ans. Ces états émotionnels ne permettent pas de mener une vie sociale normale.
Ilse Irrwein, née Gerlitzen, était enceinte. Ilse s'était si longtemps battue pour avoir un enfant que, dès le premier jour du neuvième mois, elle s'exerça à pousser et, prise d'une attente fiévreuse, se mit à confondre la moindre flatulence avec les contractions de l'accouchement.
Ce n'est que lorsque le médecin à face de chèvre arriva de Lenk, dans la vallée, pour sa consultation bimestrielle dans la salle de réunion du conseil municipal, que l'énigme fut résolue. Les deux époux avaient chacun quelque chose dans le ventre : Elisabeth était enceinte, Johannes avait le ver solitaire.
Le mariage de Johannes et d'Elisabeth ne datait que du mois d'avril, les quatre cent vingt habitants du village avaient festoyé pendant trois jours. La fanfare avait joué, la vieille voiture des pompiers avait été réquisitionnée pour transporter les mariés de l'église à l'auberge, une affluence comme dans les processions organisées pour les grandes fêtes. Les villageois avaient attendu ce mariage pendant treize ans, car Johannes et Elisabeth étaient pour ainsi dire fiancés depuis l'école primaire. Bien avant que Johannes ne prenne l'habitude de rejoindre Elisabeth en passant par sa fenêtre, les vieilles femmes installées sur les marches de l'église parlaient déjà des beaux enfants qu'auraient ces deux-là. Johannes était un peu plus grand que la majorité des hommes du village et de stature athlétique. On sentait bien qu'il ne développerait jamais la bedaine saint-pétrucienne qui débordait de la ceinture de presque tous les hommes à partir de trente ans. Il avait les membres fins, les pommettes saillantes, mais le plus impressionnant, c'étaient ses cheveux, si blonds qu'ils brillaient dans l'obscurité. Les cheveux d'Elisabeth, eux, brillaient sous le soleil. Elle aussi était blonde, mais avec un reflet rougeâtre qui allumait des étincelles dans sa natte mollement nouée. Elle avait une carnation resplendissante de santé, et ce que Johannes aimait le plus chez elle, c'était la vitesse à laquelle ses joues se coloraient de rouge quand elle riait. Elisabeth en était parfois gênée, disant que cela lui donnait l'air d'une écolière. Alors Johannes lui embrassait vite le bout du nez ou le lobe de l'oreille, ce qui accroissait sa rougeur et la faisait glousser avec malice.
En dehors de ses devoirs de directeur de conscience au sein de la paroisse, le prêtre assurait également le suivi des élèves particulièrement doués. Dans cette tâche il avait succédé au père Jeremias, qui avait pris sa retraite deux ans plus tôt, une fois franchi le cap des quatre-vingts ans, tandis que les novices qui lui avaient donné le surnom de père Job approchaient eux aussi de l'âge de la retraite. Le père Jeremias, qui voyait toujours le mauvais côté des choses, n'avait cessé d'expliquer aux bons élèves à quel point l'avenir du monde était sombre, afin de les encourager à combattre la décadence des moeurs, de la culture et de l'éducation. Au cours des quarante années durant lesquelles il avait eu la responsabilité des classes d'excellence, la plus grande partie des élèves l'avait considéré comme un doux dingue ayant trop lu l'Apocalypse. Cependant, quatre d'entre eux, qui avaient atterri dans son cours trois ans et demi plus tôt, avaient bu ses paroles, s'étaient laissé convaincre que le monde allait effectivement aussi mal qu'il l'affirmait sans relâche, et avaient fondé un club pour le maintien de la culture classique européenne : le club Digamma.
Songez, chers amis civilisés, que cela ne peut que mal finir quand le pouvoir est exercé par un conseil exclusivement composé de vieillards : l'antique Sparte nous en offre un exemple flagrant ! Plus près de nous, le Vatican a montré l'incapacité de la gérousia à être au fait du monde qui l'entoure et, de nos jours, il n'est que de penser à ce régime paramilitaire appelé Fédération internationale de football association, la FIFA; (...)
Luttez pour éviter que les cours de latin, de grec et de philosophie, qui éduquent nos âmes, ne soient remplacés par la science profane de l'économie qui ne fait qu'abrutir le cœur.