Citations de Vincenzo Consolo (34)
Lucia
Créature unique pour lui, sentiment né dans l'obscurité, dans l'enfance, éclosion naturelle, claire, tenace en sa croissance, pleine en son cœur, en son esprit. Aucune ombre de peine, récompense, mais pur désir, besoin d'être en cette grâce, en ce mystère, dans la promesse de fantaisie et de contentement.
Ségeste
Je monte sur les collines d'agaves et d'acanthes, où au bord du gouffre, surgit le temple de calcaire, vaste et puissant sur sa base, dans ses colonnes, dans les tympans de ses frontons. Qui semble avoir surgi, dans la perfection de sa structure, dans l'équilibre de sa masse, de la correspondance avec la nature alentour, de son propre élan, surgi d'une lente recomposition de la pierre informe, du chaos naturel, dans la forme parfaite de la géométrie, l'ordre des nombres, la règle du rythme.
Syracuse, Ortygie
A présent, au cœur d'un monde de calcaire, de tuf couleur de miel, dans la clarté orientale, la rigueur et la grâce, la ligne droite et la courbe, il se trouve à Ortygie, dans l'aire sacrée, dans l'espace en forme d'œil, dans la pupille de la nymphe, sur la place où règne la maîtresse de la lumière et de la vue. Là se tient la sainte Sibylle des messages visuels, à la lumière apaisée de bougie, dans la grotte, où sont incrustées, dans le triomphe de murs chrétiens, des colonnes grecques de pure géométrie, où est enchâssé le temple d'Athéna, la déesse de l'huile et de l'olivier, de la nourriture et de la lumière, de la raison et de la sagesse, guide du réfugié, secours de l'errant.
Caltagirone
Dans sa maison au-dessus du puits, séparée du village, le village situé au delà de la vallée, du ravin, déployé derrière la vitre de la fenêtre, envahi de brouillards, foudroyé de soleil, brûlant de lumières, résonnant de cloches, Maria est séparée du monde, comme tous les poètes, elle aime un autre monde, un autre village, elle écrit des vers poétiques...
Ulysse et la sirène
Dans la lumière aurorale d'août apparut, au jeune homme spécialiste en dialectes ioniens, émergeant de la mer, la créature sublime et brutale, adolescente et millénaire, innocente et sage, la sirène silencieuse qui envahit et possède, entraîne dans ses demeures immobiles, dans les abysses, privées de son et hors du temps
incipit " Ora non puo' narrare"
A présent,on ne peut raconter.
Et mon journal donc a procédé, vous vous en êtes aperçus, comme la table en haut d'un rétable qui pose sur une estrade ou sur une base déjà peinte ,sur la mémoire vraie et originale ,écrite par une fillette nommée Rosalia.
Ah! dame Teresa,quelle est donc cette fièvre malsaine de tomber amoureux,cette insanité,cette fureur qui réduit l'homme , comme ce fameux paladin, à une être une bête nue, privé de cerveau qui, comme une colombe ou essence sublimée s'est envolé au ciel ,dans les silencieuses vallées de la lune.
Tous les porteurs me dévisagèrent et me suspectèrent,moi,tout nouveau et propre,tellement étranger.
Entre la merde et la fange et les fumées de fritures de tourteaux ,et cris,hurlements ,jurons, Dieu soit loué!, et coups de poings et défis au couteau. J'étais en enfer.
Iles éoliennes
Tantôt lointaines, légères, diaphanes comme du papier ou du lin, arrêtées ou errantes sur la mer, suspendues dans le ciel, tantôt rendues invisibles par un rideau de nuages ou de brumes, tantôt s'avançant, si proches de la côte, rugueuses et brillantes, alarmantes — mauvais temps, mauvais temps !
Rosalia avait une petite cape blanche damassée et me faisait sentir laid, disgracieux dans mon froc crasseux, suant, avec ma grande barbe noire, devant elle,fraîche et parfumée, belle de sept beautés.
Rosalia. Rosa et Lia. Rose qui a enivré,rose qui a retourné,rose qui a éventé, mon cerveau s'est mangé.
incipit
Milazzo en Sicile
Sur la plaine où paissaient les troupeaux du Soleil, où l'on cultivait le jasmin, a surgi une vaste ville où se pressent les silos, les grillages, les cheminées qui vomissent en permanence flammes et fumée, une cité de Pluton métallique, infernale, qui a tout bouleversé et empoisonné : terre, ciel, mer, esprits, culture.
Ville de lumière et d'eau, aérienne et fuyante, reflet et illusion, mirage et rêve, souvenir et nostalgie. Messine n'existe pas.