En ce qui me concerne, je n'assimile pas mon départ à une fuite : on ne s'aventure pas au bout du monde pour rejeter son quotidien, mais pour en embrasser un nouveau.
L'Alaska n'est plus à mes yeux une immensité de forêts et de cours d'eau : chaque méandre est unique et chaque maison renferme des existences singulières. Ici se cache la vraie beauté.
Un arc-en-ciel perce les nuages et prend appui sur les deux cours d'eau. Je laisse la Tanana me porter lentement, imprimant à jamais son ultime murmure dans mon esprit...
Les sommets, aussi acérés soient-ils, n'oppressent pas. Ils offrent une respiration dans la constance des berges.
Le Yukon n'est pas un fleuve anonyme. Il draine une histoire et un imaginaire qui transcendent ses frontières.
Lire le courant est une qualité de pêcheur fort utile pour naviguer.
Les gens disparaissent en Alaska. Chaque année, ils sont des milliers à ne plus donner signe de vie.
Le temps imprime lentement mais sûrement son sceau sur ma peau, attestant de mon long cheminement dans ce monde sauvage qui sculpte les corps et endurcit les âmes.
J'éprouve le grand paradoxe du voyageur, celui qui me donne l'impression d'être parti hier mais d'avoir été depuis toujours sur l'eau, celui qui me rend heureux d'être là autant que nostalgique de ma vie d'avant.
Les arbres de la taïga sont liés par un destin commun. Qu'ils soient bouleaux, sapins ou mélèzes, leur écorce sèche et leurs troncs gorgés de sève finiront leur vie à l'état de poussière.