Wendy Roy

Je ne suis pas le genre de type à se mettre des œillères : je regarde toujours les choses en face, je prends une décision et je m’y tiens. Cette fille, elle a quelque chose en elle. L’attraction que je ressens quand je la vois est particulière. C’est une force brute, un putain d’aimant. Ce n’est pas seulement ma queue qui se dresse comme avec les autres gonzesses. Non, avec elle, il y a quelque chose de plus intense. C’est tout mon être qui est en alerte. Pourquoi ? Je l’ignore encore. Cependant, je compte bien le découvrir.

Mes tétons durcissent, sûrement pour clamer leur approbation. Cela fait si longtemps qu’un homme ne m’a pas fait d’effet que mon corps est prêt à jouer à n’importe quoi avec lui. Pour ma défense, le spécimen n’est pas mal : il me dépasse d’une demi-tête et son physique d’athlète est très agréable à regarder.

Contrairement à ce que l’on pense en général, lâcher des grossièretés n’est pas le premier symptôme de Gilles de La Tourette. Ce dernier ne touche en fait que vingt pour cent des personnes ayant ce syndrome et, dans mon cas, ça ne se manifeste surtout en cas de nervosité, d’angoisse, de peur…

Les gens pensent souvent que, lorsqu’on est atteint du syndrome de Gilles de La Tourette depuis l’enfance, on devient blasé et totalement à l’aise avec nos insultes incontrôlables. Plus à l’aise qu’eux-mêmes quand ils nous entendent. C’est faux. Entendre ma propre voix dire des mots que je ne pense pas, que je n’ai pas envie d’entendre, ça me mortifie. C’est comme si vous n’étiez pas aux commandes de votre corps mais qu’un petit être maléfique avait le contrôle de votre bouche. C’est désagréable et gênant.

Ce qui a commencé comme une aventure torride sans lendemain a finalement dérivé vers une relation solide, basée sur la compréhension et l’acceptation. Joey s’est révélé surprenant et à la hauteur de la tâche. Peut-être sont-ils faits l’un pour l’autre finalement. Ce qui ne m’empêche pas de veiller. Il ne faut jamais faire entièrement confiance à un homme. Le prix est toujours trop élevé.

En plus d’être une associée, elle est ma meilleure amie. Très peu de monde peut se targuer de me comprendre, très peu de gens peuvent me voir sans filtre, mais Vanessa est l’une de ces personnes. Je suppose que la réciproque est vraie. Il faut passer ses premières murailles pour découvrir que Vanessa est bien plus que cette fille asociale et de mauvais poil que l’on voit au premier abord. Passé ce cap, on découvre une jeune femme drôle, courageuse et sensible. Unique. Vanessa mérite d’être heureuse.

Qu’ils se trouvent au-dessus de mon appartement ou en face du mien, selon qu’ils soient chez l’un ou chez l’autre, ils m’empêchent de trouver le sommeil. Avant, je n’aurais jamais pensé qu’il soit possible de faire autant de bruits en faisant l’amour !

On pourrait croire qu’être couturière ne nécessite qu’une aiguille et du fil. C’est faux. Quand on a décidé d’en faire son métier et d’être son propre chef, un millier de tentacules s’ajoutent aux mains d’or. Vanessa est l’une d’elles et s’occupe notamment de prendre en photo les vêtements que j’ai imaginés sous le meilleur angle possible afin de les mettre en vente en ligne. Le rendu de ses clichés est toujours parfait, très fidèle à la réalité.

Chapitre 14 :
Alvar
«…
– Tu cherches à m’éviter ? demandé-je.
– Tu cherches à me coincer ? réplique-t-elle du tac au tac.
Je lui sers un sourire plein de sous-entendus avant de rétorquer en baissant la voix :
– Bien sûr. Ne me dis pas que ça ne t’a pas plu la dernière fois, sur le ring ?
– Très bien, je ne te le dirai pas, raille-t-elle.
Elle croise les bras, mais ses joues rosissent légèrement sous son maquillage. Je me dis que ça aussi, c’est une armure. Une peinture de guerre qui dissimule l’embarras et l’excitation.
Je me rapproche un peu plus, savoure sa respiration qui s’accélère contre moi, alors que je murmure à son oreille :
– Je prends ça pour un défi, tu sais… Une invitation à te faire aimer mon corps sur le tien…
– Qu’est-ce qui se passe, mon grand, dit-elle d’un souffle court, tu manques de partenaire ?
– Je manque de toi, Erell…»

Chapitre 7 :
Erell
«… Cadmal n’ajoute rien de plus ; il se contente de fermer la porte et celle-ci claque sur mes fesses, me faisant sursauter. Connard. Je ne manque pas le sourire narquois d’Alvar avant qu’il n’ouvre la bouche :
– Aurais-tu trouvé la sagesse en moins de vingt-quatre heures ? Tu fais preuve d’un tel calme…
Je plisse les yeux. Il est dans une tranquille provocation. Il me cherche. Il joue. Et si j’en crois son regard, je ne lui suis pas totalement indifférente. Ne pourrais-je pas en jouer ? Ne pourrais-je pas faire en sorte de tirer cet intérêt à mon avantage ? Es-tu sûre que c’est pour ça que tu veux jouer, Erell ? Je fais taire la voix dans ma tête. Je sais qui il est. La cicatrice le long de ma colonne brûle au moins autant que mon bas-ventre. Je sais ce que je fais
– Il faut dire que ce n’est pas à la portée de tout le monde, susurré-je avec une pointe de moquerie. Ne t’en veux pas trop fort…
– Ah, revoilà la rebelle que j’ai rencontrée hier. Il suffisait de te titiller un peu…
– Et tu es tellement doué pour ça, ironisé-je.
Ses yeux tombent sur mes seins puis plus bas encore alors qu’il souffle :
– Tu n’imagines pas à quel point…»

Chapitre 2 :
Alvar
«…
– Excusez-moi, lancé-je d’un air faussement affable, je vais reformuler mes propos directement : nous ne cherchons personne et, même dans le cas contraire, je doute que vous ayez les compétences requises…
Elle se tend et se fige, comme un serpent prêt à attaquer. Bordel de merde ! Je la trouve franchement fascinante ce qui, à n’en pas douter, prouve sa dangerosité.
– Ah oui, je vois, rétorque-t-elle entre ses dents serrées, vous êtes le genre d’entreprise à recruter seulement des hommes pour ne pas froisser vos stupides ego en constatant qu’une femme est capable de faire la même chose que vous… en mieux.
Elle me laisse pantois. Sa réplique mordante, ses poings serrés, son regard tueur… On dirait qu’elle n’a rien à perdre et peur de rien. Elle attise ma curiosité et, que je sois damné si je l’avoue à voix haute, mon désir. Prendre cette femme dans son lit, avoir sa reddition doit être l’une des plus belles conquêtes, une des plus belles victoires d’un homme. Pour peu que ce fruit ne soit pas empoisonné…
Gina, ma sœur, passe au même instant derrière moi et pointe du doigt la nouvelle venue :
– Je la veux, assène-t-elle avec fermeté sans s’arrêter.
Je lève les yeux au ciel, non sans remarquer l’éclair de satisfaction qui passe sur le visage de cette femme devant moi.… »

Ma synesthésie m’a endurcie rapidement et j’ai créé une bulle protectrice autour de moi. J’écarte quiconque sur mon passage et je marche droit devant moi sans hésitation. C’est la seule manière pour moi de m’en sortir. Si j’avais commencé à hésiter, je me serais fait avaler toute crue. J’aurais arrêté de me plaindre auprès de mes parents qui m’auraient laissée à l’école au lieu de m’inscrire à des cours par correspondance, j’aurais autorisé les gens à m’interpeller, même ceux qui me faisaient mal, j’aurais suivi les règles de la bienséance et je serais finalement devenue complètement folle.

Ma vie professionnelle exige de ma part du temps, de la concentration et de la passion au sacrifice de ma vie privée. Je ne peux pas faire entrer quelqu’un dans ma vie d’une manière stable et durable parce que les grandes histoires d’amour finissent toujours par devenir trop envahissantes. Je n’ai cependant rien contre les relations de courte durée sans prises de tête.

J’ai, depuis mon adolescence, réfléchi à un métier pouvant s’effectuer seule sans pour autant être constamment enfermée. Je veux de la tranquillité et en aucun cas devenir folle à lier. Je me suis formée pour être détective privé. Les couples volages n’ont qu’à bien se tenir ! Non pas que cela m’importe réellement, non, mais je dois bien faire quelque chose pour survivre. Sans compter que cela me permet de manipuler mon appareil photo, auquel je suis totalement accro.

Jeannette a le syndrome de Gilles de la Tourette. Impossible à contrôler, elle hurle parfois des insultes sans le vouloir et est toujours embarrassée par ces incontrôlables grossièretés. D’après les renseignements que j’ai tirés sur cette maladie, ces insultes incontrôlables se manifestent surtout en cas de stress ou de colère. Je crois que Jeannette est souvent dans l’un des deux cas sans que je ne sache exactement pourquoi. La plupart du temps, cependant, il s’agit seulement de tics. Pendant quelques minutes, par exemple, elle cligne des paupières de manière appuyée et répétitive.

Les gens la prennent souvent pour une hystérique, ce qui rend sa vie sociale aussi pauvre que la mienne. Pourtant, lorsque l’on connaît Jeannette, on se rend compte qu’elle est d’une incroyable gentillesse.

Je suis préparée à entendre sa voix. Je sais que cela peut être douloureux mais je n’ai rien imaginé de tel. Depuis que je suis enfant, j’ai un dysfonctionnement neurologique, une synesthésie bimodale. C’est une particularité rarissime qui associe deux sens. Généralement, un son provoque une couleur ou la lecture des mots est associée à divers goûts. Des choses originales qui peuvent parfois faire rêver certains. Moi, il a fallu que j’associe le son – plus précisément les voix – au toucher. Sauf que, dans la vie, cela devient vite oppressant, voire désagréable.

Qui peut bien frapper un dimanche soir à vingt et une heures ? Chez moi qui plus est ! Ce n’est pas comme si j’attendais quelqu’un ou que j’étais très sociable ! Personne dans la résidence, à part Jeannette, ne m’approche. Et encore, Jeannette le fait la moitié du temps par moyen interposé : vive la technologie !