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Citations de William Gay (49)


À travers le toit métallique du pick-up, Thibodeaux subissait le marteau-pilon du soleil d'août, qu'il voyait miroiter, aveuglant et irréel, sur la route saupoudrée de poussière. Il observait, devant lui, la danse de ses spectres éphémères et narquois, étranges émanations de la Falcon bleu pastel qu'il suivait.
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Elle ralluma la radio, balayant les fréquences pour trouver une station diffusant de la musique country.
Thibodeaux roula un moment en silence, la route poursuivant son ascension d'une série de sommets bleutés et déchiquetés, dont les dents de scie se détachaient sur un fond de ciel de plus en plus obscur, des lumières de source inconnue surgissant çà et là, aussi imprévisibles que des lucioles. Il pensait aux deux fardeaux dont il était chargé, la mallette pleine de billets et la fille assise à côté de lui : des poids morts qu'il s'était donné beaucoup de mal à soulever, mais dont il découvrait, à présent qu'il les transportait, que s'en débarrasser serait infiniment plus difficile.
Une chanson leur parlait d'amour comme d'un poison. Thibodeaux éteignit brusquement la radio.
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Cathy disait souvent : Tous les gens veulent s'approprier une partie de vous. Quand on travaille aux Légendes, par exemple, tous les gens qui vous offrent une bière s'imaginent que vous leur devez quelque chose : un bout de conversation, un sourire, un peu de votre temps. C'est la dernière fois que j'accepte un emploi dans lequel ma vie ne vaut pas plus que le prix d'une bière.
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En rentrant du Vietnam, il avait fini par devenir la proie d’une brève obsession nourrie par la colère. Bien qu’ayant passé deux ans dans la jungle, il n’en avait rapporté qu’une médaille qu’il n’avait pas demandée, dans un écrin minable imitation velours, et une plaque de tissu cicatriciel en haut de la cuisse droite, qu’il n’avait pas demandée non plus : la vie l’avait semé en cours de route.
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Je viens de comprendre ce que tu es. Tu es amorale, déclara-t-il.
Je suis quoi ? Amorale ? Tu te balades avec une mallette remplie de billets de banque volés, et tu me juges immorale ?
Amorale.
Qu'est-ce que ça veut dire ?
Ça veut dire que les gens écrivent ton nom sur les murs des toilettes publiques. J'ai vu le tien dans celles du tribunal, à Ackerman's Field. Quelqu'un avait marqué : CATHY MEECHAM A UNE CHATTE SUCCULENTE.
Tu mens comme tu respires.
Non, c'est vrai. Si on repasse par là, je te montrerai.
Si c'est marqué sur un mur, c'est toi qui l'a écrit.
Non, ce n'est pas moi. A ce moment-là, je ne savais pas si elle était succulente ou pas.
C'est toi qui a inventé tout ça.
Elle réfléchit quelques instants, puis elle sembla se détendre de nouveau, et Thibodeaux en conclut qu'elle avait décidé de prendre ça comme un compliment.
Ma foi, c'est peut-être vrai, dit-elle.
C'est bien ce que je pense aussi, fit Thibodeaux. Ça aurait pu être pire. Imagine qu’on ait marqué : Cathy Meecham a une chatte sans intérêt.
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Elle est comment, cette fille pour qui vous avez fait le voyage depuis Memphis ? Elle est jolie ?
Aussi belle qu'une rivière de whiskey dans le rêve d'un poivrot.
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Comment faites-vous pour être bronzée de la tête aux pieds ?
Il y a un promontoire derrière la maison de Cap, avec une petite cachette au milieu des cèdres. Elle est en plein soleil et elle surplombe le fleuve. C'est un endroit vraiment ravissant. Quand je m'y rends, j'emporte une couverture et je m'étends, dévêtue, au soleil.
Pour je ne sais quelle raison, j'ai été frappé par le fait qu'elle ait dit dévêtue plutôt que nue. Ce mot semblait avoir une connotation totalement différente.
C'est réellement un endroit privé. Personne ne vient jamais m'importuner, sauf un type dans son avion de tourisme qui me survole de temps en temps. Vous pourriez y venir avec moi, bien que vous n'en ayez pas besoin, vous êtes aussi brun qu'un Mexicain. Vous êtes métis ? A moitié indien, quelque chose de ce genre ?
Je ne suis qu'un plouc ordinaire.
Vous pourriez me passer de l'huile solaire sur les jambes. Même un plouc ordinaire pourrait le faire.
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La façade du bâtiment était en crépi blanc. CHEZ WILD BILL, annonçait l'enseigne au néon, sous laquelle clignotait une seconde enseigne plus petite annonçant : BIÈRE, BIÈRE, BIÈRE. Sur la vitre de la devanture, on avait peint un homme jovial portant une chemise rouge vif - Wild Bill en personne, probablement. Le personnage semblait sauter en l'air en claquant les talons, brandissant une queue de billard dans une main et une bouteille de bière dans l'autre. En entrant, j'ai capté dans la salle sombre et fraîche un mélange de relents de bière, de fumée de cigarette, de transpiration, et une atmosphère presque indéfinissable de violences anciennes. Quelque part dans un recoin sombre des lumières clignotaient, un flipper crépitait. Une queue de billard a frappé une boule qui a roulé en silence avant de s'engouffrer dans une poche avec un bruit sec. Le juke-box radotait des histoires de rêves inassouvis, des promesses non tenues, de lits désertés.
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Il repartit au volant de son véhicule, les billets soigneusement pliés dans sa poche de devant de son jean. En traversant la ville, il décida d'entrer dans un bar pour boire une bière. Accoudé au comptoir, il tendit l'oreille, intrigué par les voix du juke-box : la rhétorique incendiaire de Barry McGuire annonçant la fin du monde pour demain, puis la voix nonchalante et dédaigneuse de Dylan en personne, qui vous demandait comment vous viviez le fait de vous retrouvez tout seul, comme un parfait inconnu.
Et dans ce bar, on voyait ça et là un type aux cheveux si longs qu'ils lui couvraient les fesses, mais aussi un vrai contingent d'habitués au regard vitreux et aux sourires trahissant la consommation de substances illégales. On sentait chez eux les manies cachottières des initiés. Le monde change, mais ils ne vous diront pas ce qu'il va devenir, parce qu'il est fermé à double tour, et que vous ne saurez pas sous quel paillasson la clé est cachée.
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Il y avait dans le monde davantage de méchancetés que vous ne pensiez, et vous l'avez remuée et elle vous a éclaboussé, c'est ça ?
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Une radio diffusait une complainte dans laquelle il était question de whiskey et d'amour insincère.
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Cette route, dit Holder, c'est Hale Road. C'était Hale Road, plutôt, il y a longtemps. Et puis son nom a changé, bien avant que je sois nommé shérif pour la première fois, quand tout le monde s'est mis à l'appeler Hell Road, la Route de l'Enfer. C'était un alignement de débits de boissons aux tarifs prohibitifs, de lupanars, de comptoirs où des bootleggers vendaient du whisky frelaté plus apte à vous envoyer à la morgue qu'à vous rendre ivre. A propos de l'enfer, s'il existe, c'est là que se trouvent à présent la plupart des tenanciers de ces buvettes? Et s'il n'existe pas, je pense qu'ils ont dû en bricoler un en vitesse quand tous ces salopards ont commencé à se pointer sans prévenir.
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Les boissons fortes et la chatte facile, voilà ce qui a causé ma perte. C'est une combinaison qui rend un homme débile à coup sûr.
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Tyler se remit en route. Au bout d’un moment, la neige fut suffisamment épaisse pour qu’il y laisse des traces, mais cela ne semblait pas avoir d’importance. Il en était venu à penser que Sutter retrouvait sa piste grâce à un moyen que ni l’un ni l’autre ne comprenait, quelque étrange dualité de leurs natures respectives qui permettait à Sutter d’intercepter ses pensées et d’anticiper ses mouvements. A la tombée de la nuit la neige qui tombait en flocons épais s’était amassée contre le pied des arbres sombres, nivelant les creux remplis d’ombres, les souches portaient des coiffes aux pâles phosphorescences, et Tyler traversait un monde d’une beauté angoissante.
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Il regarda sa montre. C’était l’heure de sa pause café du matin. Il se dit qu’aujourd’hui il irait le boire au Richepanse, et ce fut dans cette direction qu’il partit sans se presser. Les gens qu’il rencontrait le saluaient avec cérémonie. Parfois s’il s’agissait de femmes qui lui plaisaient pour une raison ou une autre et dont il attendait le décès avec délectation, il portait la main à son Stetson et observait leurs yeux qui le fuyaient pour regarder ailleurs alors qu’elles pressaient le pas.
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Je suis parti alors que le soleil s'échappait vers l'ouest d'un ciel marbré de rouge sang, le soleil se couchant au-dessus des toits luisants des Ford, des Monte Carlo et des pick-up, alors que l'horizon plat et nu était noyé dans les premières ombres du crépuscule. J'ai parcouru du regard la route au bitume noir et luisant, à travers un alignement clairsemé de bars multicolores. Je savais que Weyerhauser ne les avait jamais vus, comme si ces établissements n'étaient que les souvenirs résiduels d'une vie antérieure, avec leurs planchers en madriers, leurs toilettes réservées d'une part aux Juments, de l'autre aux Étalons, leurs orchestres country qui jouaient sur des scènes différentes l'éternelle histoire des drames de la route.
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Un courant d'air ascendant, rendu glacial par les eaux souterraines, sortait de l'orifice comme un souffle issu d'une tombe, et Tyler rêva de rivières d'un noir d'encre parcourant les veines rocheuses de la terre et dans les eaux desquelles tournoyaient dans les ténèbres de bloc de glace couleur d'obsidienne et où vivaient à la merci des courants des créatures mystérieuses que nul n'avait jamais vues.
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Vern n'aimait pas Binder. En fait, il détestait sans doute autant Binder que Binder le détestait. Vern n'accordait aucune confiance aux gens qui n'avaient pas d'emploi ou qui n'étaient pas riches; selon lui, si vous n'étiez pas à la tête d'une fortune indécente, c'est que vous deviez pointer quelque part tous les matins. Il n'avait jamais vraiment compris en quoi consistait le travail de Binder. L'idée qu'un adulte passe son temps à inventer des histoires et à les écrire dans un cahier le stupéfiait, et celle qu'il puisse exister à New York des gens qui payaient Binder pour le faire dépassait tout simplement son entendement.
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Et comment pourriez-vous l’empêcher d’entrer chez vous ? À moins de le tuer, comment pourriez-vous assurer l’inviolabilité de votre logis, l’intégrité de votre famille ? Les portes brûlent, les vitres fondent et s’écoulent, visqueuses et en flammes, par-dessus les rebords de fenêtres, les serrures noircissent et gisent, inidentifiables, parmi les cendres. Si vous attendez sa venue, vous pouvez vous préparer, mais il est rusé. Quand viendra-t-il ? À quelle heure du jour ou de la nuit ? Il a tout son temps, il peut se permettre de choisir son moment, et vous, le seul temps dont vous disposez, c’est l’instant de son arrivée. C’est un rancunier, la moindre contrariété le met dans des états qu’un homme ordinaire n’a jamais connu ailleurs que dans les livres.
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Un gamin de quatorze ou quinze ans et un autre plus jeune encore.........les yeux braqués vers le ciel indifférent ils sont au-delà de toute commisération qu'ils pourraient vous inspirer, et il vous serait difficile d'imaginer quel péché ils auraient pu commettre et qui fût suffisamment énorme pour leur vouloir une fin aussi sordide. (Page 12-13)
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