Citations de William T. Vollmann (100)
Un lièvre a sautillé devant notre porte ouverte, poursuivi tardivement par un chien dont la vélocité toute relative disait sa résignation face à l'abîme qui sépare le poursuivant du poursuivi. Et moi, chroniqueur des grandes œuvres de la nature, j'ai vu tout cela, à mon aise et protégé de la pluie.
Que peut-être l'amour sinon de la foi ? Chacun contemple le visage de l'autre et croit : C'est lui qu'il me faut !
Vers où aimerais-je me laisser glisser? Si le reste de ma vie était un été, et si je voyageais vers le Grand Partout, comment le monde s'ouvrirait-il devant moi? Je serais fier de pouvoir écrire, en toute sincérité : Les rails, avec le temps, devinrent pour moi un livre merveilleux.
Pénétrant soudain dans un tunnel d'une obscurité totale et d'une longueur inconnue, nous respirâmes dans nos mouchoirs et, avant que nos migraines deviennent nauséeuses, nous ressortîmes au beau milieu de rochers épars. On montait dans les nuages, il y avait de plus en plus de pierres sculptées sur les prés, rongées et polies comme du bois flotté. Alors que la pluie me fouettait le visage et les mains, je sentais tout autour de moi l'odeur des arbres verts. Puis, par une brèche toute vaginale creusée dans la roche rouge, notre train de marchandises nous emmena jusqu'au ciel, encadré de part et d'autre de la voie pas de petits pins, et le monde entier devint aussi rouge que le Bryce Canyon ou le Zion Canyon.
C'était émouvant au-delà des mots. Comme l'écrivait un autre poète chinois antique :
Mon chemin entra dans la demeure du Tonnerre et ses grondements souterrains,
Puis déboucha sur le ravin du Fantôme et ses immenses précipices.
Je contemplais les Huit Extrémités de l'univers, je voyais tout dans les Mers Environnantes ...
Et je les voyais partir, et je voulais partir aussi, comme une pluie d'argent ruisselant d'un pont routier.
Je voulais prendre la Hi-Line et fuir ce monde.
Pendant qu'ils se forment, les mots établissent une relation de "sincérité" avec leur créateur. Une fois que celui-ci en a terminé avec eux, ils vivent tant qu'ils nous inspirent.
En effet ce soir-là le wagon semblait s'élever dans les airs, tel un missile chassé par des roquettes antimissiles ; il vrombissait à une vitesse en apparence croissante, esquivait en branlant de droite à gauche, et, de temps à autre, faisait d'épouvantables embardées, comme s'il venait d'être touché.
Il les conduisit jusqu'à l'une de nos automobiles russes noires à toit plat dont les coffres s'inclinaient doublement par-dessus les roues, à la manière des mandibules jointes des mantes religieuses ; ...
Les trains traversent le continent dans un tourbillon de poussière et un grondement de tonnerre ...
THOMAS WOLFE,
Le Temps et le Fleuve (1935).
La vie avait été aussi attirante que des rails menant partout et brillant dans le cadre formé par l'obscurité du wagon où je vivais.
Comment puis-je entrer dans l'image elle-même? Pourtant, dès que je le fais, ou peu de temps après, elle perd sa magie, ce qui explique que je veuille de nouveau voyager.
La magie a-t-elle jamais existé? Qui était responsable de sa destruction : moi ou "le réel"?
Une dame sur son trône est assise,
Qui possède bien des talents de choix ;
Lit les livres de runes exquises
Et coud ses habits de soie.
Kvaeði af Loga i Vallarahlið (v. 900)
p. 90
La plupart des critiques littéraires s'accordent pour dire que la fiction ne peut être réduite au simple mensonge. Des protagonistes peints avec art prennent vie, la pornographie provoque des orgasmes, et l'illusion que la vie est comme nous voulons qu'elle soit peut fort bien conduire à l'état désiré.
... le ventre moelleux de la toundra était arrondi et superbement moucheté par le mouron, la pédiculaire et des lichens d'un blanc quasi phosphorescent ; la plaine s'incurvait vers le haut pour toucher sexuellement le ventre nuageux gris-bleu.
Au moment même où la mort devient visible derrière toute chose, elle perturbe le processus imaginaire. La menace est plus stimulante quand on ne l'affronte pas de près.
KÄTHE KOLLWITZ (1932)
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Ce scherzo était comme un coup d'œil jeté à l'enfer. La puanteur du chagrin s'élevait de sa terre grise et inerte. Les notes de Chostakovitch gémirent, l'immense salle de concert parut tellement se refroidir qu'elle n'aurait pas été surprise de voir des glaçons au plafond.
Or la parabole n'est-elle pas supérieure en intégrité, en vertu, pourrions-nous presque dire, à toute autre forme littéraire ? Ses nombreuses conventions tissent un contrat sacré entre le lecteur, qui obtient la mystification qu'il désire sous la forme d'un gros bonbon, et l'écrivain, rendu divin par sa propre absence.
Chaque homme peut trouver un foyer et une occupation à son goût ; aucun ne devrait céder à l'impatience naturelle née à coup sûr de notre ancienne vie d'excitation et d'aventures. Vous serez conviés à rechercher de nouvelles aventures à l'étranger ; ne cédez pas à la tentation, car elle ne vous mènera qu'à la mort et à la déception.
Général William T. Sherman,
à ses troupes sur le départ (1865)
page 203
Ils t’ont lavé le cerveau, ma chérie, avait dit la Reine à Domino à cette occasion. Tu es une gentille fille. Tu as juste rencontré les mauvaises personnes. Ils se servent de toi pour avoir ton corps. Tu n’es pas obligée de sucer la bite du premier venu juste pour avoir ta dose.
Qui es-tu pour me dire ce que je ne dois pas faire ?
Je suis une prostituée, lui dit la Reine. Tout comme toi. Bon, d’accord, une prostituée en semi-retraite. Je m’occupe à présent de mes filles. Et je dis à toutes mes filles : Si vous voulez sucer une bite, allez-y. Mais faites vous payez pour ça. Si vous voulez votre dose, très bien. Mais vous avez le droit d’acheter la came de votre choix avec votre propre argent et celui de ne pas vous faire arnaquer, tu comprends ?
Je vis un homme à la barbe blanche qui transportait un sac de couchage bleu sale et un sac en plastique blanc, un vieux père Noël crasseux.
Je savais ce que je voulais pour Noël : je voulais me tirer.
Sur son bureau trônait un presse-papier où était gravée sa devise favorite : LE BARATIN EST L'ENNEMI DE LA SAGESSE.