Erectus, Le dernier hiver - Xavier Müller (voix off)
...sur l'arbre de l'évolution, l'homme ne constitue qu'une brindille à l'extrémité de la branche des mammifères. Un incident de parcours. Malgré son intelligence et sa cruauté, l'espèce humaine aurait pu tout aussi bien finir à quatre pattes au bout d'une laisse tenue par un chien bipède !
Il a été élevé dans un coin paumé du Nevada par un pasteur du genre pas commode et une chimiste camée. Un bon terreau pour faire pousser un illuminé comme lui.

Au moment de pénétrer dans la pièce, derrière Anna et Lucas Dany Abiker marqua une hésitation. En les entendant, la créature avait levé sa face simiesque et s'était mise à le fixer, sans que l'on puisse vraiment interpréter son expression.
-on dirait qu'il veut communiquer...
Dépassant ses appréhensions, Dany se décida à bouger. Aussitôt, la créature se redressa et avança droit vers lui, une poupée brandit au bout du poing.
-N'ayez pas peur, c'est un échange, expliqua Lucas à voix basse. En retour, vous êtes supposé lui faire un cadeau.
-Vous auriez pu me prévenir...
Oubliant le protocole, il ouvrit sa combinaison pour sortir de sa poche un paquet de chwing-gums. L'erectus s'en saisit d'un geste brusque et le lança sur sa couverture, sans même chercher à l'examiner.
-Les marins infectés à bord du baleinier manifestent la même docilité, enchaîna Lucas. A mon vis, tant que nous sommes calmes, nous n'avons rien à craindre d'eux. Ce virus semble les faire retomber en enfance...
-L'enfance de l'humanité...murmura le vieil homme, ému malgré lui.
-C'est exactement ça.
Dans l'appartement, tout lui rappelait le Yann qu'elle aimait. Une chemise oubliée sur le dossier du fauteuil, ses vieilles baskets en vrac dans le couloir, ses revues empilées au pied du lit, côté droit. Sur l'égouttoir, la dernière vaisselle qu'il avait laissé là. Et partout le silence, un silence funèbre qui pesait comme un couvercle de plomb et lui flanquait la migraine.
Elle avait passé la soirée à tourner en rond sans avoir le courage de défaire ses bagages. Au dernier JT, elle avait pris connaissance des consignes de sécurité ; il n'était question que de nouvelles interdictions, des zones sinistrées comme les berges de la Seine, le canal de l'Ourcq et celui de Saint-Martin, le bassin de la Villette, les parcs publics, le bois de Boulogne, et des fermetures administratives de certains établissements aux normes insuffisantes. Elle avait fini par se mettre au lit et sombrer quelques heures.
L'homme est gouverné par ses craintes.
Chez lui, le vêtement était l'expression d'un paradoxe, la maîtrise du désordre alliée à un sens esthétique imparable.
La philosophie n'est que l'idée du monde.
Mais sentir les choses ne suffisait pas toujours.
Les humains se comportaient comme les rats dans les égouts et les éléphants dans la savane : ils défendaient leur espèce.
Tout être en lui porte des failles, il suffit de les connaître pour avoir un levier.