Yann Arthus-Bertrand

Pourquoi les entreprises ne se mobilisent-elles pas pour agir contre le réchauffement ?

Nous pouvons aujourd'hui modéliser le climat.
Ces modes sont nos outils pour explorer les évolutions futures...
Le climat varie en réponse à des facteurs naturels comme les éruptions volcaniques.
Les glaciations, elles, correspondent à - 5°C au rythme d'un degré tous les mille ans.
On est à + 1°C depuis la fin du XIXème siècle - soit un peu plus de cent ans.
On sort complètement des variations des derniers deux mille ans.
C'est nouveau, c'est rapide par rapport aux changements passés et c'est global...
A partir de 1750, début de la révolution industrielle et de l'utilisation du gaz, de pétrole et du charbon, on émet 40 % de CO2 de plus qu'auparavant.
Pour le méthane - émis par l'élevage intensif, la fermentation dans les rizières ou les décharges..., on est à 2.5 fois le niveau naturel.
15 à 40 % de ce qu'on envoie dans l'atmosphère y sera encore dans mille ans.
Nous créons un déséquilibre.
Nous ne pouvons pas revenir au climat d'il y a trente ans.
Mais il y a plein de futurs possibles.
Si on réduit massivement nos émissions, le réchauffement continuera et se stabilisera à un niveau relativement bas.
Mais si on continue à rejeter, on peut avoir 4 ou 5 °C de plus.
A court terme, les conséquences sont similaires, mais à long terme, les effets seront complètement différents : à 1.5°C de réchauffement, on n'aura plus de banquise à la fin de l'été au pole nord une année sur cent alors qu'à 2 °C de réchauffement, ce sera une année sur trois.
Les phénomènes comme les tempêtes ou les ouragans seront en outre de plus en plus violents.
En France, les deux tiers de la population sont exposés aux risques climatiques : sècheresse, inondations, tempêtes...
Chacun repart sonné.
En ayant compris que pour stopper tous ces mécanismes, il faut passer de 11 à 2 tonnes de CO2 émises par Français et par an.

Sait on ce qui a amené le grand refroidissement du XVIII -ème siècle, époque où par exemple, à Bordeaux, on vendait le vin gelé, au poids, au lieu de le vendre en bouteilles ?

Premier expert, première claque : le climat se modifie dangereusement et très vite.

Certains se demandent sans doute en quoi 5 ou 7 °C il faut des mesures tellement radicales que les hommes politiques n'ont pas le courage de les prendre.
Il faut aller loin et que ce soit acceptable pour tout le monde.
C'est une énorme responsabilité mais aussi un rêve : celui de faire la démonstration que les solutions peuvent venir de la population, avant les catastrophes.

Nous sommes sur une trajectoire qui nous amène à +5 et +7 °C à la fin du siècle dans les pires projections : une partie de la planète sera inhabitable.

La consommation se trouve, qu'on le veuille ou non, au centre de nos existences, à moins de vivre en totale autarcie.
l'impact de nos achats sur le climat n'est plus à démontre : surexploitation des ressources, surabondance absurde de produits équivalents, suremballage, déchets, obsolescence, produits à l'utilité discutable, produits fabriqués au bout du monde...

Rester en deçà de1.5°C est souhaitable.
C'est techniquement possible, mais les difficultés sont politiques.
Pour ce faire, il faudrait laisser 90% de réserves de combustibles fossiles dans le sous-sol sans les exploiter.
Et, surtout, déduire de 45% par rapport à 2010 nos émissions de gaz à effet de serre en 2030.
En clair, cela veut dire les diviser par deux entre 2020 et 2030.
L'ambition serait d'atteindre en 2020 le pic des émissions puis de parvenir à la neutralité carbone vers 2050.

La situation des agriculteurs est très contrastée, entre ceux qui s'en sortent bien en vendant des produits à forte valeur ajoutée et ceux qui peinent à boucler leurs fins de mois et croulent sous les dettes faute de vendre leurs produits au juste prix.
C'est dans un secteur confronté à de nombreux défis, qui doit en plus relever celui d'un changement climatique.
D'une part l'agriculture est responsable de 19 % des émissions de gaz à effet de serre de la France, dont une moitié provient de l'élevage.
D'autre part, aucune activité ne dépend plus du climat que l'agriculture.
Les agriculteurs sont exposés en première ligne aux vagues de chaleur, au manque d'eau, à la plus grande vulnérabilité des sols, à des récoltes plus précoces.
Par exemple, en Champagne, les vendages démarrent deux semaines plus tôt qu'il y a vingt ans.

Entre les piétons, les dos-d'âne et les bouchons, sommes-nous en mesure de rouler à plus de 30 km/h en ville sans être dangereux ?

Chaque année qui passe retarde d'autant les effets des mesures de réduction des gaz à effets de serre.
Même si nous arrêtions aujourd'hui d'émettre trop de CO2, il faudrait des décennies aux écosystèmes pour absorber les quantités déjà émises.
Les gaz émis restent en effet dans l'atmosphère et participent au réchauffement tout au long de leur vie.
Ainsi le plus connu d'entre eux, le CO2, reste actif une centaine d'années et le méthane une douzaine d'années.
I l y a donc urgence, car l'inaction se traduit par une nécessité de redoubler d'efforts : les gaz s'accumulent.
Si le CO2correspondait à un budget mensuel à ne pas dépasser pour éviter d'être à découvert, nous en aurions déjà dépensé les trois quarts.
En effet le GIEC - Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat - estime que nous avions déjà dépensé 72% de notre budget carbone en 2017.

Notre maison brûle et nous regardons ailleurs.

Système progressif d'aides à la rénovation, avec prêts et subvention pour les plus démunis.

Faciliter les changements d'usage des terrains artificialisés non occupés.

Evaluer le potentiel de réversibilité des bâtiments avant toute démolition.

Financer les rénovations des logements dans les petites communes.

Développer les circuits courts.

Il y a 37 % de plus de CO2 dans l'air depuis un siècle, mais 150 % plus de méthane, dont les quantités sur Terre sont largement sous-estimées.

Le Paradis perdu

Kenya

L'Afrique m'a donné mes plus belles années, mes meilleures souvenirs et mes plus grandes émotions; l'Afrique m'a appris la beauté et a fait de moi un photographe. J'y retourne sans cesse. D'une certaine manière, je n'en suis jamais parti, et chaque nouveau séjour fait croître en moi le sentiment douloureux que j'y ai laissé quelque chose que je ne retrouve plus. L'Afrique est mon paradis perdu. (p. 13)

Je ne suis pas un ami et je ne suis pas un serviteur.
Je suis le chat qui s'en va tout seul et je désire entrer dans votre grotte.

Rudyard Kipling