Citations de Yoav Blum (25)
Parfois, les déceptions génèrent de merveilleux commencements.
Les gens se résumaient à des nuages de chiffres et rien d'autre. Taille, âge, pression sanguine, vitesse de récupération, pouls, nombre de cellules. Tout, absolument tout, pouvait être mesuré. Derrière toute mélodie poignante se cachaient les mathématiques; derrière le saut époustouflant d'un acrobate était tapie la physique; derrière un chagrin, il y avait les principes de chimie. Que la tristesse de la jeune fille puisse résonner en lui d'une manière cosmique, singulière et infinie était une idée complètement farfelue.
Toujours mon poète. Il est complètement obtus, ce type. Moi qui croyais que les poètes étaient des rêveurs qui détestent la banalité et aspirent à donner un sens à chaque instant de leur existence…
Observez la ligne du temps.
Naturellement, c'est une illusion. Le temps c'est de l'espace, pas une ligne.
Mais afin d'illustrer mon propos, nous allons examiner la ligne du temps.
Vous voyez que chaque événement y est à la fois cause et effet. Essayer de localiser son origine.
Vous n'y parviendrez sûrement pas.
Maintenant, c'est déjà passé.
Provoquer des coïncidences est un art délicat et complexe, fourmillant de détails, exigeant d’être capable de jongler avec les événements, d'évaluer les situations et les réactions, et supposant une certaine intelligence, souvent difficile à identifier. Vous devrez manier les mathématiques, la physique, la psychologie... Nous aborderons plus tard les statistiques, les associations, l'inconscient, une autre dimension de l'existence humaine, dont nul ne soupçonne l'existence.
Notre rôle est précisément de nous tenir à la lisière, dans cette zone grise entre destin et libre arbitre, et de jouer au ping-pong.
Les missions amoureuses ne sont pas irréversibles, comme tu le sais, et d’un point de vue statistique, ce sont celles qui demandent le moins d’investissement. Pour toi, tout ce qui compte, c’est la frime. Un minimum d’effort pour un maximum de résultats, aussi fragiles soient-ils.
Remettre au lendemain ce qu’il aurait dû faire le jour même s’agissant de sa thèse le mettait en joie. Il se sentait revivre. Il aimait cette « zone » heureuse et agréable, où l’on pouvait s’affranchir des contraintes et envisager l’existence comme un long fleuve tranquille.
Curieux, ce n’était pas son licenciement brutal qui la contrariait, mais le sentiment que les choses ne s’étaient pas passées comme elle l’avait imaginé. Son univers avait basculé en un clin d’œil. La vie n’était pas censée vous maltraiter de cette manière. Elle devait vous annoncer en douceur les nouvelles, bonnes ou mauvaises. Et non jeter des pierres dans votre étang et puis, l’air de rien, désigner du doigt les cercles qui ridaient la surface de l’eau. Elle avait l’étrange sensation d’être tombée nez à nez, à un coin de rue, avec une vieille connaissance, perdue de vue depuis longtemps.
Après tout, les gens ne se situaient pas seulement par leur position dans l’espace. Ils évoluaient aussi selon des temporalités différentes et se déplaçaient dans une sorte de bulle temporelle, individuelle, créée de toutes pièces. Le rôle de Guy, dixit le général, consistait en partie à faire coïncider ces variantes en s’arrangeant pour que cela ait l’air naturel.
- Un de mes amis m'a parlé un jour de son premier coup de foudre, dit-elle sans se démonter. D'après lui, l'amour s'apparenterait à de l'admiration. On pense sans cesse à l'autre, on l'idolâtre pour toutes sortes de raisons et il vous idolâtre en retour. Au fond, c'est ce que tout le monde pense, non? Un éclair aveuglant qui vous frappe un jour, sans prévenir, et vous êtes persuadé s'avoir trouvé votre âme soeur, et toutes ces bêtises.
Inutile d'aller chercher midi à quatorze heures quand vous avez sous le nez la réponse à la question fondamentale que vous vous posez.
Quelque chose s’était produit durant les cours portant sur la méthode de calcul de la probabilité qu’un individu lambda choisisse telle voie plutôt que telle autre.
Rares étaient ceux qui connaissaient son vrai nom. Pas forcément pour des raisons de sécurité, mais plutôt parce que, dans la profession, cela n’intéressait personne. On se rappelait surtout des surnoms. La Peste noire, la Veuve noire, le Boucher chantant, le Bourreau taciturne. Un pseudo facile à retenir était un avantage.
Il y avait mille façons de bloquer une rue.
Ce genre d’activité était toujours un peu problématique. Il était difficile de prévoir la portée de ces répercussions, si la notice ne les mentionnait pas explicitement. Or dans ce cas, les diagrammes auraient recouvert un immeuble de dix étages. Guy n’avait pas atteint ce niveau. Il avait encore du pain sur la planche pour y parvenir.
La mission pourrait consistait à changer la vision du monde de quelqu’un, rassembler des familles, réconcilier des ennemis, semer les graines de l’inspiration qui déboucheraient sur une œuvre d’art, une perspective nouvelle, voire, avec un peu de chance, une découverte scientifique, qui sait ? La première page exposerait une vue d’ensemble de la situation : les protagonistes, le contexte général, le premier cercle des personnes à qui il aurait affaire et les rappels habituels concernant le respect des délais.
D’habitude, je ne brûle pas les étapes, vous savez. J’aurais essayé de vous séduire par des petits riens. Je ne suis pas du genre à précipiter les choses, mais on est sur le point d’arriver et...
Elle était charmante et taciturne. Une combinaison détonante de son point de vue.
À l’évidence, il ne pouvait s’empêcher de fantasmer sur le premier jupon venu, se sermonna-t-il. Il était temps de reprendre sa vie en main.
Et s’il allait à la plage avec une bière... ?
Il aimait s’immiscer dans les pensées d’autrui en modifiant les programmes télé. Ce n’était pas très compliqué, et puis c’était un peu comme un pari. Le plus audacieux qu’il ose faire en ce moment.
Elle était une femme après tout. Un an s’était écoulé. De toute évidence, elle avait besoin de réconfort, d’un peu de chaleur humaine. Elle était seule, « ensemble » étant désormais banni de son vocabulaire. Elle devait se montrer forte, fidèle à elle-même, un loup solitaire, magnifique dans la neige, ou une panthère dans le désert, quelque chose comme ça. Après une surconsommation de films pour midinettes, de musique pop doucereuse et de bouquins légers, elle avait fini, au fil des ans, par se construire une solide forteresse d’illusions romanesques.
Tout irait bien.
Oui, tout irait bien.
Plongée dans ses pensées, elle perçut un léger bruit dans son dos et fit volte-face. L’ado aux écouteurs fredonnait entre ses dents.