Un roman ô combien nécessaire pour lever le voile sur les violences conjugales et dénoncer le quotidien d’une femme sur cinq en France. Que la révolte guette, que la colère s’habille en reine, que les yeux ne se ferment plus jamais.
Yolaine Destremau a reçu le prix de l’héroïne engagée 2022 pour La malentendue et c’est amplement mérité !
Cécilia est une jeune femme pétillante, joyeuse, dynamique, optimiste. Tout va très vite lorsqu’elle rencontre Abel. Ils tombent follement amoureux et se marient alors qu’ils se connaissent à peine. Cécilia trop amoureuse ne veut pas voir, ni les remarques désobligeantes ni les réactions disproportionnées ni les amis qui s’en vont ni les paroles mesquines presque haineuses. Cécilia pense que cela va passer, elle redouble d’efforts pour que son homme soit heureux et serein. Mais plus le temps passe, plus la situation s’aggrave. Jusqu’à une première gifle pour des verres mal rangés. Encore ici, Cécilia se dira que c’est pareil dans tous les couples, les disputes, les colères, une main levée, c’est le lot de tous. Elle minimise, elle ferme les yeux, elle croit aux promesses, elle oublie.
Certaines scènes psychologiques sont terribles, je pourrais vous en parler longtemps mais hors de question que je vous en dise plus. Ce qui est effrayant c’est cette escalade sans fin dans la violence, le sabotage de l’autre, l’emprise, l’emprisonnement, le piétinement de la confiance, du respect, de l’amour. C’est laid, c’est sale, ce sont des images par dizaine de scènes de maltraitance avec en toile de fond cette impuissance pour la victime de se libérer de son bourreau. Mieux vaut se voir comme une héroïne plutôt qu’une victime. Et d’une héroïne, Cécilia en a tous les visages. Il en faut de la force, du courage pour rester auprès d’un tel tortionnaire, ou bien est-ce la peur qui tient les chevilles, est-ce le souvenir de jours heureux bercés d’amour qui tient à la gorge et ferme les portes.
Si vous ouvrez ce livre, vous ne pourrez plus le lâcher. Peut-être que comme moi, vous cheminerez à côté de Cécilia, tomberez avec elle, pleurerez pour elle. Car que devient-on lorsqu’on essuie constamment brimades et coups? Une malentendue. La malentendue.
Le sujet des violences conjugales est traité ici avec beaucoup de pudeur et d’émotions. C’est fin, travaillé et immersif. Rien n’est laissé au hasard. L’histoire se déroule sous nos yeux, les scènes sont heurtantes, choquantes, troublantes, effrayantes. Et tellement d’actualité. L’écriture de Yolaine est imagée amplifiant les impressions visuelles plus que troublantes.
Le chemin de Cécilia pour accepter sa condition de femme battue prendra du temps, héroïne-victime, c’est confus, la frontière est mince, brumeuse, puis il y a ces rêves qu’on n’a pas envie de piétiner, les enfants qui naissent, l’espoir qui revient nous charrier. Ceux qui se disent que les femmes battues sont lâches et passives, je leur conseille de lire La malentendue car on comprend mieux grâce à ce livre combien il est difficile de se libérer d’une relation toxique. Personne n’est préparé à voir le mal, à le vivre, à le subir et à y croire pour s’en libérer.
Lien :
https://coccinelledeslivres...