Citations de Yves Doutrelugne (202)
C'est dans une période de transition, où la famille élargie est encore un groupe social de référence, que l'anorexie sacrificielle est apparue.
... pour qu'une autonomie puisse être satisfaisante, il est essentiel que ce projet soit porté et soutenu par au moins une des figures d'attachement, et en particulier pour une jeune fille, par sa propre mère.
L'intervention paradoxale reprend la logique des approches éricksoniennes : pour combattre une peur, il faut faire appel à une peur plus importante [...].
Le retour d'une créativité dans la famille et l'apaisement des souffrances passe par la modification des interactions. Mara Selvini utilise la connotation positive pour modifier les interactions, elle amène les mères de la famille à changer leurs tentatives de solution, en permettant la perception des intentions collaboratives. Et c'est parce que les parents perçoivent que le thérapeute reconnaît la valeur positive de leurs intentions vis-à-vis de leur fille qu'ils acceptent une nouvelle manière de l'aider.
La répétition des tentatives de solution rigidifie les relations, elle construit la souffrance somatopsychique et les croyances limitantes.
Tout se passe comme si les jeunes filles anorexiques, dans une époque où le contrôle est la norme dominante de la société, avaient réussi à développer de manière exceptionnelle cette capacité qui, dans un premier temps, les conduit à avoir un statut privilégié, avant de sombrer dans un univers de solitude glacée.
Toutefois, pour la chercheuse qu'est toujours restée Mara Selvini, le contexte de déclenchement de l'anorexie doit aussi être compris dans sa dimension sociale et économique, dont le développement de la société de consommation, marquée par une nourriture offerte à profusion, est le corollaire. Pour elle, les facteurs sociaux et culturels restent au premier plan, et traversent l'imaginaire de chaque famille, prise en étau entre modernité et tradition. Le modèle de maigreur, mais en exergue depuis Sissi l'impératrice comme symbole d'une féminité autonome, est de plus en plus devenu le signe d'une réussite individuelle traduisant la capacité de chaque femme à se percevoir comme désirable.
Le développement des troubles alimentaires s'inscrit, comme l'a montré Mara Selvini, dans une modification du contexte culturel où un changement du modèle social intervient : l'économie et son imaginaire compétitif ont pris une place prépondérante.
Sans ajustement relationnel, toute lutte amène le sujet à rentrer en rivalité avec lui-même jusqu'à l'impasse d'une dissociation stérile. Vouloir être soi-même dans un monde où l'autre est un rival accentue la dissociation ; rechercher du plaisir indépendamment de l'autre échafaude la croyance en un monde humain structuré par la douleur. Retrouver du plaisir à travers un objet est alors l'illusion proposée par la solution addictive, qui finira par contrôler le sujet dans une logique masochiste.
Dire que l'identité" est relationnelle, c'est comprendre que a relation à soi est médiatisée par la relation à l'autre dans un expérience sociale partagée. un être ne peut percevoir ses qualités et donner du sens à son action qu'à travers le regard de l'autre. Pour que tout personne puisse perdure dans son être, un ajustement relationnel est nécessaire. la douleur, en étant accueillie, participe de cet ajustement pour retrouver du plaisir. Quand la souffrance (due à la perte de liberté) est prise en compte, le sujet se réassocie et modifie son interaction avec l'autre.
Donc, gestes automatiques versus gestes spontanés, lutte contre les ressentis sensoriels, passage dans la tête u lieu d'être dans le corps, ce sont les trois signes du blocage dissociatif, qui nous empêche de nous réassocier.
Les gens viennent nous voir en thérapie pour que nous puissions les aider à se réassocier, que ce soit par l'hypnose, formelle ou par les thérapies brèves : stratégiques, solutionnistes ou narratives, qui toutes sont des conversations et des expériences de réassociation.
Selon moi, toute hypnose est autohypnose, dans la mesure où "auto" renvoie à la liberté. C'est central.
Que faisons-nous en thérapie ? Nous amenons la personne à être dans un processus d'autonomie relationnelle. C'est ça qui est au centre. Et la véritable autonomie est relationnelle. Que cherchons-nous ? Nous cherchons à amener quelqu'un à pouvoir se sentir libre dans ses relations. Les gens qui viennent nous voir ne peuvent pas se sentir libres dans les relations.
En résumé, on pourrait dire que dans toute la psychopathologie, le sujet est structuré autour de la rivalité. Les gens qui viennent nous voir sont structurés autour de la rivalité et nous allons les aider à rentrer dans un processus de coopération. Et c'est parce que nous allons les aider à rentrer dans un processus de coopération que secondairement, ils vont pouvoir faire d'autres choix et ouvrir un espace de liberté dans lequel ils pourront devenir eux-mêmes. Mais c'est eux qui font tout le travail. Vous voyez bien la différence fondamentale amenée par Erickson, c'est pour cela que je pense même que le terme hypnose est parfois problématique. Selon moi, toute hypnose est autohypnose, dans la mesure où "auto" renvoie à la liberté. C'est central.
Ce qu'a apporté Erickson, c'est la réintroduction de cette dimension de subjectivité individuelle, de différence individuelle, qui va émerger au sein de la relation. Nous sommes singuliers dans la relation de coopération.
Pour Erickson, c'est totalement différent, puisque pour lui, que la main monte ou descende, est un processus collaboratif. Et donc, que fait Erickson par rapport à l'hypnose XIXe siècle ? Quelle est cette rupture fondamentale ? C'est la réintroduction de la liberté au sein de l'hypnose.
... Milton Erickson dit : il n'y a pas de résistance. Qu'est-ce que ça veut dire qu'il n'y a pas de résistance ? Tout ce que fait le sujet est interprété par le thérapeute comme une différence qui va enrichir la relation que nous avons ensemble.
Il n'y a que dans un cas de sécurité relationnelle ou de protection que je peux avoir accès à mon autonomie.
Si la dimension mimétique est centrale en hypnose, cela signifie que ce qui est central, c'est la coopération. C'est la capacité du sujet de rentrer dans un processus de coopération. C'est la capacité du sujet de rentrer dans un processus de coopération qui permet au sujet de découvrir de nouvelles perspectives et de faire des choix. Lorsqu'il est dans la coopération, il est dans son corps, il a une sensorialité, et il peut accueillir cette sensorialité. Nous accueillons nos affects dans la relation avec l'autre. C'est quand la relation avec l'autre est une relation "d'accordage", une relation dans laquelle je suis en coopération, que je peux accueillir mes propres affects.
Si je prends l'intentionnalité de l'autre, c'est que je me situe dans le même espace affectif, sinon il n'y a pas d'intentionnalité.