Neuf personnes torturées et forcées à témoigner contre moi. Des êtres humains qui, pendant des années, ne savent pas pourquoi ils sont en prison. Je voudrais tellement que ce scandale prenne fin. Nous sommes en plein Moyen Âge ! Mais ce Moyen Âge se terminera lui aussi un jour.
Oui, c'est dur pour moi d'être captive sur ma propre terre, mais dès que je suis entrée ici, je me suis retrouvée entourée par des femmes pleines de sagesse, des femmes qui étaient devenues des déesses. Quand j'ai vu l'étincelle qui brillait dans leurs yeux, j'ai compris que le plus important espace de lutte était celui-ci, pressé entre quatre murs. Lorsque j'ai compris que chacune des femmes avec qui je parlais portait dans son coeur une formidable histoire de lutte, j'ai pu puiser en elles de la force. p 29
Toutes ces femmes ainsi que des milliers de prisonniers et prisonnières politiques déclarent que les revendications de Leyla Güven sont les leurs. Si seulement la voix de ces belles femmes qui aiment tant la vie pouvait trouver un peu d’écho dans l’opinion publique.
Nous devons combattre avec encore plus de force la domination masculine, qui décide comment nous devons vivre, comment nous devons nous parler, nous vêtir, nous maquiller, quelle taille et quel poids nous devons avoir, de quelle façon nous devons pratiquer le sexe, et même de quelle façon nous devons mourir.
En Turquie cela ne s'arrange pas, au contraire : l'ancienne députée kurde, Leyla Güven, 56 ans, vient vendredi dernier d'être condamnée à 22 ans et 3 mois de prison pour "terrorisme". Sans preuves, bien entendu !
Mais ne penses-tu pas que l’Histoire devrait être écrite dans une approche globale critique et autocritique, intégrant une dimension d’analyse centrée sur l’écologie et les femmes ?
N’est-il pas inévitable qu’un système qui a bâti son existence sur le racisme, le nationalisme, le sexisme, l’intégrisme religieux et un sectarisme qui a confisqué par tous les moyens les cerveaux humains, nous dressant les uns contre les autres, se transforme en une machine maléfique ?
Il est impossible de s’habituer à l’emprisonnement. Mais, à partir d’un certain stade, tu le transformes en quelque chose d’insensé. Si tu réussis cela, tu peux rester debout. Tu es forte dans la mesure où tu rends l’emprisonnement insensé.
Ici, je n’en peux plus des cent tours de la promenade qui ne mènent nulle part. Ce mur que je vois au bout de chaque longueur, et le fait d’être conditionnée à faire demi-tour chaque fois que je le vois me paraissent insensés et me désespèrent. Tout cela est absurde, et tout autant douloureux.
Les années passent ici, dans la nostalgie d’une seule fleur. Il est difficile de décrire la nostalgie qu’on peut ressentir pour une fleur.