Solo in questa città – pensai – le persone sono cosí genuinamente disposte a soccorrerti e cosí pronte a tagliarti la gola.
C’est uniquement dans cette ville ( Naples ) - pensais-je - les gens sont ainsi sincèrement prêtes à te porter secours ainsi que prêtes à te trancher la gorge.
Pour ma part, je ne savais plus être ni agressif ni affable à la napolitaine. Mes cellules avaient dû expulser les particules de fureur pour les enfouir comme des déchets toxiques dans des recoins secrets, et une politesse distante avait pris le dessus, totalement différente de cette politesse venue du cœur, présente aussi bien chez cet homme, qui me fit aussitôt mon café que chez la jeune fille qui me le servit sur un plateau avec le jus de fruit pour le petit…
[...] le risque, c'est que nous soyons aveuglés par ceux qui nous ressemblent et incapables de reconnaître des intelligences différentes de la nôtre.
Si je goûtais désormais au succès, c'était grâce à l'énergie vitale et à l'étincelle d'ambition que notre rencontre m'avait insufflées. Tôt ou tard, elle s'apercevrait qu'elle était tombée amoureuse non pas de moi, mais des effets sur moi de son propre rayonnement, et comprendrait qu'en réalité je n'étais qu'un pauvre type dépassé par les événements. Plus elle me verrait tel que j'étais, plus elle serait attirée par d'autres hommes.
La personne aimée est une chose. La personne réelle en est une autre : tant que nous l'aimons, nous ne la voyons jamais vraiment.
Je m'assis au bord de mon lit, Mario ôta vite ses chaussures, grimpa et se mit à sauter avec des cris de joie, défaisant tout le travail de Salli. Il me demanda : tu sautes aussi, grand-père ? La porte-fenêtre était restée ouverte, le balcon s'élançait contre un ciel d'un bleu intense. Je vis des brins d'herbe jaunâtres qui poussaient dans la trace de terreau noire et irrégulière entre les carreaux. Je sermonnai l'enfant :
"On ne peut pas remonter le vide avec un seau, Mario. Ne t'aventure pas à jouer à ce que tu m'as dit tout à l'heure : le vide reste et, si tu passes par-dessus la rambarde et que tu sautes, tu meurs. Ton papa ne te l'a pas dit ? Il t'a seulement dit que je suis moche ?"
Puis je me déchaussai à mon tout, montai sur le lit, et on sauta en se tenant par la main. Je sentais mon cœur dans ma poitrine, telle une énorme boule de chair vivante, faire le yoyo entre mon estomac et ma gorge.
À l’évidence mon système d’alarme interne avait dû perdre sa sensibilité pour finir par se désactiver. Ou que sais-je, avec les années le signe distinctif de l’homme à qui on ne la fait pas, quelque chose dans le regard, le pli de la bouche, s’était estompé. Ou plus simplement je m’étais comme embrumé, j’avais perdu l’élasticité et la vigilance qui au cours de ma vie m’avaient permis d’échapper à la misère de mes origines, d’élever mes enfants, de m’imposer dans des milieux fermés, de conquérir un tant soit peu d’aisance économique, de m’adapter aux circonstances bonnes ou mauvaises. Je ne savais pas comment j’avais changé au juste et dans quelle mesure, mais ça me paraissait évident.
Je voulais me prouver à moi-même que, tout en ayant reconstituer le couple d'avant, en étant revenu au bercail, en portant de nouveau mon alliance, j' étais libre, je n' avais plus de véritables liens.
Je ne sais pas, ce matin, si j'ai peur pour l'enfant ou peur de l'enfant.
- Tu es méchant.
- Ah oui, je suis très méchant.
- Je le dirai à maman.
- Ta maman le sait déjà.
- Alors je le dirai à papa.
- Dis-le à qui tu veux.
- Mon père te donnera un coup de poing.
- Ton père, si je lui crie "bouh !", il fait caca dans sa culotte.
- Répète-le.
- Bouh.
- Non, l'autre chose.
- Il fait caca dans sa culotte.
Il rit.
- Encore.
- Il fait caca dans sa culotte.
Il partit dans un grand éclat de rire auquel il s'abandonna avec délices.